Mon Cerveau à l'école

Quelques éléments de sciences cognitives pour les enseignants et les parents

Le calcul, une invention récente

Si le calcul est une compétence essentielle au quotidien, il n’en est pas moins une invention récente dans l’histoire de l’humanité.
Comment cette compétence se développe-t-elle chez l’enfant et quel mécanisme cérébral la sous-tend ?
Depuis une vingtaine d’années, la recherche en neuropsychologie explore la nature des compétences mathématiques et leur développement dans le cerveau de l’enfant.

Il y a 50 ans, Piaget supposait que l’enfant ne comprenait que vers 4 ou 5 ans l’invariance du nombre, c’est-à-dire le fait que le nombre soit une propriété permanente des ensembles, quelles que soient les opérations qu’on leur impose.
On sait aujourd’hui que même les nourrissons de quelques mois possèdent des compétences numériques raffinées (cf. Les compétences mathématiques du bébé [lien interne]).
Ces compétences s’appuient sur le système numérique approximatif, un tremplin essentiel pour développer ultérieurement des capacités mathématiques de plus haut niveau (Piazza 2010).

Trois circuits pour un “Triple Code”

  • Une aire cérébrale cruciale pour le système numérique principal a été identifiée dans les dernières années : elle se situe dans la partie arrière supérieure des deux hémisphères, dans le lobe pariétal, dans ce qu’on appelle le sillon intrapariétal.
    Cette région répond aux nombres, qu’ils soient nommés oralement ou écrits, en chiffres arabes ou en toutes lettres ; elle s’active également lors de la résolution des opérations numériques, qu’il s’agisse d’additions, de soustractions, de multiplications, de comparaisons, ou même simplement de la détection d’un nombre sur un écran.
    Ainsi, l’intensité de l’activation est liée à la difficulté de la tâche arithmétique.
    Cette organisation fonctionnelle est universelle : elle ne dépend d’aucune culture (Dehaene 2003).
    D’autre part, des études sur les animaux ont montré que les régions homologues du lobe pariétal chez les primates répondaient également aux tâches d’estimation approximative de quantités.
    Ainsi, bien que les neurones de cette région codent à l’origine pour les nombres approximatifs d’objets, nous autres humains les avons “recyclés”, grâce à un apprentissage, pour les entraîner au traitement des symboles numériques et à la résolution de calculs exacts.
    Des lésions dans le lobe pariétal peuvent ainsi être associées à une acalculie : un trouble de l’arithmétique sélectif et acquis (Dehaene 1997, Levy 1999).
    Les enfants dyscalculiques (qui ont des difficultés à apprendre les principes du décompte et du calcul) présentent également une activation réduite ou une anomalie structurelle du dans les régions intrapariétales gauche et droite (pour une revue de cette question, voir Dehaene 2004).
  • Le circuit des “noms de nombres” (‘un’, ‘deux’), qui implique en particulier le gyrus angulaire gauche et les régions préfrontales, s’active lorsqu’on entend des chiffres où lorsqu’on les lit en toutes lettres.
  • Le circuit des chiffres arabes active les aires visuelles lorsqu’on lit un chiffre présenté en caractère arabe (‘1’, ‘2’), afin de le décoder et de l’intégrer au système numérique principal ainsi qu’au système verbal.

Ces trois circuits, qui forment le “Triple Code”, communiquent entre eux, ce qui nous permet faire la conversion d’une représentation à l’autre (par exemple, retrouver la prononciation d’un chiffre arabe, ou directement la quantité qu’il représente) et ainsi de procéder rapidement aux traitements numériques (Dehaene 1995). Ces connexions ne sont pas aussi robustes chez les enfants : c’est l’apprentissage, entre autres, qui permet d’automatiser ces transferts.

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