Mon Cerveau à l'école

Quelques éléments de sciences cognitives pour les enseignants et les parents

  • La perception des tons musicaux dans les premiers mois de vie

    Que représentent les tons musicaux et de quoi sont-ils composés?

    Notre expérience des « tons » musicaux est liée à la fréquence de répétition des ondes sonores qui atteint nos oreilles. Par exemple, lorsqu’on appuie sur les touches d’un piano en allant de la gauche vers la droite, la fréquence de répétition des ondes sonores qui sont produites augmente de façon linéaire (Figure A)

    Par conséquent, nous percevons des tons qui semblent de plus en plus hauts à mesure que nous avançons sur le piano. Pourtant les notes musicales qui sont issues via ce processus reviennent de façon cyclique à l’intérieur de chaque octave. Curieusement, les notes qui portent le même nom (C correspond à “DO” en français, G correspond à « SOL ») sont caractérisées par différentes fréquences dépendant de leur octave mais malgré cela, elles sont perçues de façon très similaire. Ce phénomène est appelé “ l’équivalence d’octave” et il est utilisé par toutes les échelles musicales qui existent ou qui ont existé dans le passé.


    En prenant en compte toutes ces considérations, les psychologues décrivent le ton musical comme composé de 2 dimensions (Figure B) : une première linéaire (hauteur) et l’autre cyclique (« chroma » ou la qualité ou la couleur du son). En ce qui concerne cette dernière, il existe une controverse depuis plus de 2 siècles. Selon certains auteurs, chroma correspond à un attribut basique perceptuel du son provenant de contraintes biologiques. Selon d’autres auteurs, nous apprendrions à reconnaître les mêmes notes à travers les octaves grâce à l’éducation musicale.  En d’autres termes, « chroma » est considérée par ces  derniers auteurs comme une composante de haut niveau secondaire à l’exposition à la musique occidentale, exigeant de l’attention et de l’apprentissage dans le but d’être traité.

    Des capacités à distinguer les tons musicaux à 3 mois et endormis!

    Afin de résoudre ce débat, nous avons exposé des bébés de 3 mois à des séquences de sons d’orchestre répétés couvrant 4 “hauteurs” et 2 “chromas (cf Figure A). Alors que les bébés étaient pour la plupart du temps endormis, nous avons collecté leurs réponses cérébrales avec de l’électroencéphalographie à haute densité et nous avons analysé les données avec des techniques d’intelligence artificielle (“machine learning”). Nous avons constaté que les nourrissons traitaient les tons musicaux le long de deux dimensions : hauteur et chroma. Plus spécifiquement, nous avons observé que la fréquence particulière des notes (hauteur) pouvait être reconstruite juste après le début des sons (Figure C).

    Le “chroma” ou la couleur du son, un aspect fondamental du son

    Après environ 600ms, le cerveau du nourrisson retire l’information relative à la hauteur et traite la représentation du “chroma ” (qui est donc l’identité de la note indépendamment de la fréquence de répétition du son (donc de l’octave)). Par ailleurs, nous avons dé couvert que les bébés continuaient de représenter le chroma (mais pas la hauteur) à travers les séquences auditives et même lorsque les sons avaient stoppé.

    En conclusion, nous avons démontré que la hauteur et le chroma constituaient des principes d’organisation fondamentaux de la perception auditive observables dès les premiers mois.

     Afin de contribuer au débat mentionné plus haut, le fait que le chroma soit traité par des cerveaux pré-verbaux durant le sommeil suggère que cet attribut constitue un aspect fondamental du son plutôt qu’une composante de haut niveau (et donc exigeante sur le plan cognitif) lié à la culture. Pour aller plus loin, nous proposons que les deux dimensions sont traitées à des temps différents, ceci étant dû à leur fonction différente : alors que la hauteur fournit de l’information sur la source du son (violon VS violoncelle), le chroma fait passer le message (e.g. il définit la mélodie) et pour cette raison a besoin d’être traqué dans le temps de façon continue.

    Résumé initial anglais de Giulia GENNARI.

  • Explorer l’origine du nombre

    Comment le sens du nombre apparait chez l’être humain?

    Nous utilisons tous les mathématiques dans notre vie de tous les jours, pour faire la monnaie dans un magasin, pour dire l’heure, pour choisir la file la plus courte au supermarché. La recherche suggère que le raisonnement numérique, essentiel pour notre fonctionnement, vient d’une capacité très basique qui est indépendante de la culture et de la langue: une capacité fondamentale d’estimer une quantité approximative d’items dans un ensemble sans les compter. Alors que de telles intuitions numériques sont communes à tous les adultes, leurs origines développementales sont pour l’instant méconnues. En fait, des études précédentes ont montrées que les bébés aussi jeunes que 6 mois pouvaient différencier des groupes d’objets composés de différents nombres d’items. Cependant ce n’est pas très clair de savoir si les bébés comparent ces groupes basés sur le nombre ou bien basés sur d’autres aspects non-numériques des quantités puisque les 2 sont inévitablement liés (Figure A)

    Figure A – des différences en numérosité impliquent inévitablement différences sur d’autres paramètres

    Aujourd’hui, certaines théories suggèrent que notre sens du nombre est inné alors que d’autres maintiennent que les bébés peuvent seulement effectuer des jugements très généraux (de type “plus ou moins “) sans être capable de représenter les nombres indépendamment d’autres magnitudes parallèles.

    Des capacités à distinguer les quantités à 3 mois et endormis!

    Figure B – Séquences Auditives

    Dans notre expérience, des nourrissons de 3 mois ont écouté des séquences composées soit de 4 sons, soit de 12 sons caractérisés par des durées et fréquences variables (Figure B).Pendant ce temps, nous avons enregistré leurs réponses cérébrales grâce à de l’electroencéphalographie à haute densité. Pour savoir si les nourrissons ont été capables d’estimer le nombre de tons dans les séquences, nous avons utilisé une technique basée sur l’intelligence artificielle. Plus précisément, nous avons entrainé des algorithmes  de machine learning afin de différencier les réponses neurales 4 VS 12 à travers des sessions multiples. Dans chaque session, nous avons seulement inclus certaines des séquences présentées dans la figure B.

    Une fois l’apprentissage complété, nous avons testé si les algorithmes pouvaient deviner si c’était 4 ou 12 à partir des réponses neurales de séquences auditives non entraînées caractérisées par différentes caractéristiques quantitatives. Globalement cette stratégie nous a permis d’éviter de commettre des erreurs d’effets de fréquence et durée pour le traitement numérique.

    Nous avons trouvé que les nourrissons encodaient les nombres approximatifs des sons composant les séquences d’une manière automatique (ils étaient endormis !!) et indépendamment d’autres quantités non-numériques qui définissaient les stimuli (telles que la fréquence et la durée).

    Des capacités cross-modales!

    Comment se fait-il que notre cerveau soit équipé avec un mécanisme primitif pour l’extraction de l’information numérique si précocement ? Après tout, à 3 mois et durant le sommeil, les nombres approximatifs ne semblent pas si pertinents à représenter… Nous pensons que les nombres puissent être spéciaux car c’est la seule quantité qui traverse/dépasse les sens, le temps et l’espace (par exemple “4 doigts”, “4 parfums”, “4 sons” n’ont perceptivement rien en commun mais partagent le même concept numérique). Etant donné cette considération, nous nous sommes demandés si les représentations numériques de nos jeunes participants étaient en effet abstraites. Certains des bébés ont pu être exposés à des présentations visuelles d’objets colorés (figure C).

    Figure C – Séquences Visuelles

    Dans ce cas 4 et 12 étaient présentés dans un format complètement different:l’information était vue et plus entendue; c’était distribué dans l’espace (donc en simultané) et plus dans le temps (donc en séquentiel) et pour finir les bébés étaient réveillés et non endormis. De façon surprenante, nous avons trouvé que nos algorithmes de machine learning entraînés à distinguer 4 et 12 à partir des réponses cérébrales aux séquences auditives étaient capables d’estimer si le bébé avait vu 4 ou 12 objets à partir des réponses cérébrales collectées lors de la tâche visuelle.

    En conclusion, nous avons prouvé que les très jeunes bébés extraient l’information numérique de l’environnement de façon automatique et ce indépendamment de sa modalité.

    Résumé initial anglais de Giulia GENNARI.

  • Les dernières nouvelles sur nos résultats

    Les bébés et le nombre (V. Izard, Plos Biology 2008)

    Tous les êtres humains, quelles que soient leur culture et leur éducation, possèdent ce qu’on appelle le sens du nombre. Ce sens du nombre nous permet, par exemple, de percevoir en une fraction de secondes combien d’objets approximativement un ensemble contient. Depuis une vingtaine d’années, des recherches fondées sur le comportement des bébés montrent que le sens du nombre est présent chez le nourrisson dès les premiers mois de vie : les premiers signes apparaissent vers l’âge de 6 mois.

    Dans cette étude, nous nous sommes intéressés aux bases cérébrales du sens du nombre chez des bébés âgés de 3 mois à peine.

    Nous avons donc mesuré l’activité électrique émanant du cerveau des nourrissons alors qu’ils observaient des images représentant des groupes de plusieurs objets. Pour chaque bébé, la plupart des images contenaient le même nombre d’objets, et ces objets étaient toujours les mêmes : par exemple, on montrait au bébé plusieurs images de suite comportant un groupe de 4 canards. Cependant, au milieu de ces images, on insérait de temps en temps une image test, où le nombre ou l’identité des objets pouvaient varier : ainsi dans un contexte d’images de 4 canards, on montrait par exemple 8 canards, ou 4 chiens, ou 8 chiens.

    Quelles sont les zones du cerveau qui réagissent au moment où le nombre d’objets change, ou au moment où l’identité des objets change ?
    Nous avons testé ainsi plusieurs types de nombres : certains bébés ont vu des images contenant un petit nombre d’objets (2 ou 3), d’autres voyaient plus d’objets à la fois (4, 8 ou 12 objets).

    En tout, pas moins de 150 bébés ont été testés, sur une période s’étendant sur plus de 2 ans !

    Aujourd’hui nous sommes heureux d’annoncer à tous les participants que les résultats de l’étude sont positifs : à 3 mois, le cerveau des bébé réagit bel et bien lorsqu’on introduit un nombre différent !
    De plus, nous avons pu étudier quelles sont les aires du cerveau qui entrent en jeu, pour traiter soit l’identité des objets, soit le nombre d’objets présents.

    Chez l’adulte, le traitement des informations visuelles est organisé selon deux voies de traitement principales : la première, dite voie dorsale, permet d’extraire des informations sur la position et le mouvement des objets. Cette voie repose sur des aires du lobe pariétal, situées sur la partie supérieure du cerveau. Le traitement du nombre d’objets se rattache à cette voie. La seconde voie de traitement, dite voie ventrale, permet d’extraire et de retenir des informations sur l’identité des objets présents. Cette voie repose sur des aires des lobes temporaux, situés latéralement.
    La technique de l’électroencéphalographie utilisée pour cette recherche ne permet pas de repérer directement les aires corticales concernées, cependant celles-ci peuvent être reconstruites en utilisant un modèle 3D du cerveau.

    Ainsi, nous avons pu noter que dès l’âge de trois mois, les régions du cerveau répondant aux changements d’objet ou de nombre sont distinctes, et que le cerveau du bébé est déjà organisé selon un principe ventral/dorsal de base : les régions des lobes temporaux codent pour l’identité des objets tandis que le nombre implique un réseau d’aires pariétales et frontales.

    Ces résultats soulignent que le développement du sens du nombre a lieu dans la continuité : dès les premiers mois, le traitement du nombre est orienté vers des aires pariétales. C’est en se fondant sur ce sens des quantités que les enfants pourraient ensuite comprendre des concepts mathématiques plus élaborés, tels que l’arithmétique.

    Plos Biology, 2008

    Le langage

    Vous êtes venus à Necker en 2002-2003.
    Votre enfant a écouté des phrases dans l’IRM avec Ghislaine et Lucie ( CEA INSERM)

    2006-2007 à Bicêtre
    Les nourrissons peuvent-ils associer une voyelle au mouvement correct de la bouche ?
    avec Davina et Catherine ( INSERM)

    2011-12 à Port-Royal (Paris 15)
    Les bébés savent-ils que ba, bain, bi et bo commencent par le même son /b/? avec Karima

    2013 à Neurospin
    Comment les nourrissons fusionnent le son entendu et le mouvement articulatoire? avec Céline

    Etude des faisceaux en IRM de diffusion

    Mai 2003 à 2005 à Necker Enfants-malades
    avec Jessica et Lucie (Lettre resultat janv06)

    La reconnaissance d’autrui

    A Bicêtre, en 2004 et 2005

    Comment Les bébés perçoivent-ils les objets 3D et savent-ils déjà associer les différentes vues de la tête ?
    avec Teodora (INSERM lettre 1 INSERM lettre 2)