Mon Cerveau à l'école

Quelques éléments de sciences cognitives pour les enseignants et les parents

  • EXPOSITION DES BABYLABS AU PALAIS DE LA DECOUVERTE

    Ne manquez pas l’EXPOSITION DES BABYLABS AU PALAIS DE LA DECOUVERTE sur les compétences insoupçonnées des enfants de 0 à 6 ans !

    Venez découvrir leurs impressionnantes facultés linguistiques et mathématiques dès le plus jeune âge !

    Cette exposition a été co-organisée avec le Babylab de l’Ecole normale supérieure et avec le Babylab INCC.

    Le Neurokid’s Lab de NeuroSpin sera présent :
    le samedi 23 février (Ghislaine DEHAENE-LAMBERTZ),
    le mardi 26 février (François LEROY)
    et le jeudi 7 mars (Jessica DUBOIS)

    Le programme complet:
    http://www.palais-decouverte.fr/…/a…/un-chercheur-une-manip/

  • Le calcul, une invention récente

    Si le calcul est une compétence essentielle au quotidien, il n’en est pas moins une invention récente dans l’histoire de l’humanité.
    Comment cette compétence se développe-t-elle chez l’enfant et quel mécanisme cérébral la sous-tend ?
    Depuis une vingtaine d’années, la recherche en neuropsychologie explore la nature des compétences mathématiques et leur développement dans le cerveau de l’enfant.

    Il y a 50 ans, Piaget supposait que l’enfant ne comprenait que vers 4 ou 5 ans l’invariance du nombre, c’est-à-dire le fait que le nombre soit une propriété permanente des ensembles, quelles que soient les opérations qu’on leur impose.
    On sait aujourd’hui que même les nourrissons de quelques mois possèdent des compétences numériques raffinées (cf. Les compétences mathématiques du bébé [lien interne]).
    Ces compétences s’appuient sur le système numérique approximatif, un tremplin essentiel pour développer ultérieurement des capacités mathématiques de plus haut niveau (Piazza 2010).

    Trois circuits pour un “Triple Code”

    • Une aire cérébrale cruciale pour le système numérique principal a été identifiée dans les dernières années : elle se situe dans la partie arrière supérieure des deux hémisphères, dans le lobe pariétal, dans ce qu’on appelle le sillon intrapariétal.
      Cette région répond aux nombres, qu’ils soient nommés oralement ou écrits, en chiffres arabes ou en toutes lettres ; elle s’active également lors de la résolution des opérations numériques, qu’il s’agisse d’additions, de soustractions, de multiplications, de comparaisons, ou même simplement de la détection d’un nombre sur un écran.
      Ainsi, l’intensité de l’activation est liée à la difficulté de la tâche arithmétique.
      Cette organisation fonctionnelle est universelle : elle ne dépend d’aucune culture (Dehaene 2003).
      D’autre part, des études sur les animaux ont montré que les régions homologues du lobe pariétal chez les primates répondaient également aux tâches d’estimation approximative de quantités.
      Ainsi, bien que les neurones de cette région codent à l’origine pour les nombres approximatifs d’objets, nous autres humains les avons “recyclés”, grâce à un apprentissage, pour les entraîner au traitement des symboles numériques et à la résolution de calculs exacts.
      Des lésions dans le lobe pariétal peuvent ainsi être associées à une acalculie : un trouble de l’arithmétique sélectif et acquis (Dehaene 1997, Levy 1999).
      Les enfants dyscalculiques (qui ont des difficultés à apprendre les principes du décompte et du calcul) présentent également une activation réduite ou une anomalie structurelle du dans les régions intrapariétales gauche et droite (pour une revue de cette question, voir Dehaene 2004).
    • Le circuit des “noms de nombres” (‘un’, ‘deux’), qui implique en particulier le gyrus angulaire gauche et les régions préfrontales, s’active lorsqu’on entend des chiffres où lorsqu’on les lit en toutes lettres.
    • Le circuit des chiffres arabes active les aires visuelles lorsqu’on lit un chiffre présenté en caractère arabe (‘1’, ‘2’), afin de le décoder et de l’intégrer au système numérique principal ainsi qu’au système verbal.

    Ces trois circuits, qui forment le “Triple Code”, communiquent entre eux, ce qui nous permet faire la conversion d’une représentation à l’autre (par exemple, retrouver la prononciation d’un chiffre arabe, ou directement la quantité qu’il représente) et ainsi de procéder rapidement aux traitements numériques (Dehaene 1995). Ces connexions ne sont pas aussi robustes chez les enfants : c’est l’apprentissage, entre autres, qui permet d’automatiser ces transferts.

  • Les compétences mathématiques du bébé

    On pourrait penser qu’à la naissance, le bébé ne connaît rien des mathématiques. C’était d’ailleurs l’idée de Jean Piaget: la compétence logico-mathématique se développerait très lentement, et le jeune enfant serait dépourvu de toute intuition abstraite.

    Or, on sait aujourd’hui que cette idée est fausse. L’enfant naît avec des intuitions abstraites du nombre et de l’arithmétique. Dès la maternelle, l’enseignement des mathématiques devrait s’appuyer sur les intuitions de l’enfant plutôt que de les nier.

    A la naissance, une perception approximative des nombres.

    Dès la naissance, les bébés sont curieux et compétents. On a aujourd’hui la preuve que le système numérique approximatif est actif très tôt au cours du développement, sans doute dès la naissance. Il permet aux enfants, lorsqu’ils voient une collection d’objets ou qu’ils entendent une série de sons, d’en percevoir le nombre approximatif.

    Ainsi, des chercheurs ont détecté une sensibilité au nombre chez des nouveaux-nés de quelques heures :

    • Si on habitue ces nouveaux-nés à une séquence de 4 sons, ils regarderont plus longtemps les images contenant 4 objets que celles qui en contiennent 12. En d’autres termes, ils transfèrent spontanément le nombre entre leurs perceptions auditives et visuelles, démontrant qu’ils disposent d’une capacité numérique.
    • D’autre part, les bébés de quelques mois sont capables de procéder à un calcul mental approximatif. Par exemple, ils observent 5 objets qui tombent dans une boîte, puis 5 autres objets s’y ajoutent. Si la boîte s’ouvre et qu’on y trouve non pas 10 mais seulement 5 objets, les bébés ont une réaction de surprise. Inversement, si 10 objets sont dans la boîte, et qu’on en soustrait 5, ils s’attendent à voir 5 objets et sont surpris d’en voir 10. Ils sont donc capables d’anticiper les résultats approximatifs d’opérations d’additions ou de soustractions. Bien sûr, ils ne savent pas encore que 5+5 fait exactement 10, mais ils savent approximer.


    McCrinkMovie
    5 + 5 =…. 5 !

    Ce film créé par Koleen McCrink montre une impossibilité arithmétique: 5 + 5 égale 5. Les bébés de 5 mois réagissent en manifestant leur surprise: ils regardent plus longtemps l’événement impossible qu’un autre film où apparait le résultat correct.

    Le développement de la discrimination des quantités

    La capacité de faire la différence entre deux nombres varie avec l’âge. Elle dépend du rapport entre les nombres: à la naissance, les bébés ne parviennent qu’à distinguer des nombres très différents, par exemple 4 contre 12. Progressivement, la perception s’améliore.

    • A 6 mois les bébés parviennent à distinguer les nombres du simple au double: ils font la différence entre 2 et 4, ou entre 4 et 8, et parviennent ainsi à savoir que 5+5 ne fait pas 5.
    • Dès leur 3ème année, ils sont capables de distinguer deux ensembles qui diffèrent d’environ 50% (4 contre 6)
    • A l’âge adulte, “l’acuité” du Système Numérique Approximatif atteint environ 15 à 20%, c’est-à-dire que nous savons faire la différence entre un ensemble de 8 objets et un autre de 9 ou 10 objets.

    La précision de la discrimination des quantités est un indice très précieux. Les enfants dyscalculiques ont des difficultés à distinguer deux ensembles d’objets sur la base de leur nombre, et à choisir le plus grand des deux. Même chez l’enfant normal, l’acuité numérique prédit la réussite scolaire mathématique… ce qui ne veut pas dire qu’elle ne peut pas s’améliorer: l’éducation améliore nettement le sens des nombres. Le logiciel “La course aux nombres” est conçu pour améliorer, entre autres, la précision de la perception des nombres.

    Un système efficace de suivi de petits nombres

    Les bébés humains disposent non seulement d’un système numérique approximatif, mais aussi d’un “système de suivi des objets”, qui leur permet de faire attention aux objets et de percevoir les tous petits nombres: 1, 2 ou 3 objets.

    Des chercheurs ont par exemple montré que lorsque l’expérimentateur place 3 jouets dans une boîte et en ressort 2, un enfant de 12-14 mois cherche l’objet manquant. Cependant, si 4 objets ont été déposés et 2 ressortis, alors l’enfant ne cherche pas les objets manquants. En d’autres termes, les jeunes enfants d’un an ne se sont pas capables de se représenter mentalement, avec précision, plus de 3 objets individuels.  Au-delà, seul le système numérique approximatif représente le nombre comme une propriété globale et floue de l’ensemble.