Mon Cerveau à l'école

Quelques éléments de sciences cognitives pour les enseignants et les parents

Devenir un lecteur rapide

Les débuts de l’apprentissage

Au CP, la lecture demande à l’enfant un immense effort d’attention : elle implique de passer en revue chacune des lettres dans le bon ordre sans en oublier une seule, tout en se souvenant de leurs correspondances avec les phonèmes, et en les assemblant en mémoire pour former un mot. Le travail des lecteurs débutants se voit donc directement dans leur temps de lecture d’un mot. Chez le lecteur débutant, celui-ci est très long et augmente en proportion directe du nombre de lettres que contient le mot (Zoccolotti 2005).

À ce stade, l’activité cérébrale recrute un réseau de régions cérébrales très étendu, qui déborde du réseau normal de la lecture chez l’adulte. Certaines de ces régions sont associées aux mouvements des yeux, d’autres à des processus génériques de mémoire et à l’attention. Le réseau du langage oral, notamment les régions liées à l’articulation, est également massivement recruté.

L’automatisation de la lecture

L’automatisation de la lecture est un processus très progressif, qui s’étend sur plusieurs années. Elle se manifeste de plusieurs manières (pour une synthèse en français, voir Sprenger-Charolles 2006) :

  • Les aires génériques du cortex frontal et pariétal, fortement mobilisées par le lecteur débutant (mouvement des yeux, articulation, attention, etc), se libèrent : elles peuvent être utilisées pour d’autres activités.
  • La lecture passe d’un mode sériel à un mode parallèle : le temps de lecture diminue et dépend de moins en moins du nombre de lettres du mot. Un adulte met le même temps pour lire un mot de trois lettres qu’un mot de huit lettres.Ce constat a longtemps fait croire que le cerveau se servait de la « forme globale » du mot : en réalité, chacun des traits, chacune des lettres sont analysés, mais chez le lecteur expert, des millions de neurones y sont consacrés et cette analyse se produit donc simultanément en chaque endroit du mot.
  • Les mots les plus fréquents sont reconnus plus vite que les mots rares ou que les néologismes. L’enfant commence en fait à développer la seconde voie de la lecture, celle qui permet de passer directement de la chaîne de lettres au sens du mot, sans l’intermédiaire de la prononciation (orale ou mentale).
  • Les mots sont automatiquement décomposés en morphèmes. Le morphème est la plus petite unité “porteuse de sens” dans un énoncé. De nombreux mots sont composés de plusieurs morphèmes (« rechuter » = re + chute + infinitif). Le cerveau du lecteur expert reconnait ces éléments automatiquement, à tel point que cette stratégie est inconsciemment appliquée à des mots inappropriés comme « regarder », qui n’a rien à voir avec « garder de nouveau »  ! Le cerveau du lecteur expert file droit au sens.

Comment faciliter l’automatisation de la lecture ?

Il faut d’abord que l’enfant maîtrise parfaitement le décodage: qu’il sache passer, automatiquement, des lettres aux sons, sans effort de mémoire.

Il faut ensuite lire quotidiennement : l’expertise des adolescents en compréhension des textes écrits dépend massivement de la fréquence et de l’intensité des lectures de l’enfance (Cunningham 1997). L’apprentissage est optimal lorsque l’on teste les enfants régulièrement, en n’hésitant pas à répéter les tests même sur des points qui sont déjà connus – cela renforce la mémoire.

Enfin, après le CP, il faut enseigner explicitement la morphologie du français (racines, terminaisons). L’enseignement du décodage n’est que le point de départ de la lecture. L’apprentissage de toutes les difficultés du français écrit doit continuer bien au-delà de l’école primaire.

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