L’animal sait compter
Le système numérique approximatif se retrouve non seulement chez l’humain, mais aussi chez l’animal ! De nombreuses espèces animales, comme les rats, les pigeons et les singes, sont capables d’extraire la quantité approximative d’un semble auditif ou visuel d’objets et de procéder à un calcul. Du point de vue de l’évolution, cette capacité, qui permet d’estimer la quantité d’ennemis, de congénères ou de nourriture présents peut s’avérer déterminante pour la survie.
Récemment, une étude a testé des singes et des humains sur une même tâche d’estimation d’un large éventail de valeurs numériques : leurs performances ont été similaires, que ce soit qualitativement ou quantitativement (Cantlon 2006).
De quoi sont capables les animaux ?
Des scientifiques de l’Université de Columbia ont entraîné deux singes a réagir à la présentation dans l’ordre croissant des chiffres 1 à 4 ; les singes ont ensuite été capables de généraliser spontanément ces réponses aux valeurs ascendantes de 5 à 9 (de manière approximative bien sûr) (Brannon 1998).
En d’autres termes, les animaux, ou du moins les singes, peuvent se représenter le nombre d’ensembles visuels ou auditifs indépendamment de paramètres tels que la taille ou la forme.
Récemment, il a également été montré que les singes peuvent étendre une telle règle numérique aux valeurs 10, 15, 20 et 30, ce qui laisse penser qu’aucun plafond ne vient limiter les capacités numériques approximatives du singe, exactement comme chez l’humain (Cantlon 2006).
Cette capacité de prêter attention au nombre se retrouve chez des nombreuses espèces animales, même en l’absence d’entraînement (Hauser 2000, Hauser 2002) ; il a en outre été prouvé que les animaux sont capables de procéder à des calculs approximatifs simples comme des additions ou des soustractions (par exemple Hauser 2000).
Cette compétence arithmétique du singe est-elle un précurseur plausible de celle de l’homme ?
Une découverte cruciale pour relier les recherches sur le singe a celles sur l’homme a été celle, chez le macaque, de neurones dédiés au nombre dans le cortex prefrontal dorsolatéral et en profondeur du sillon intrapariétal (Nieder 2004).
La question essentielle ici est de savoir si les régions homologues chez l’homme contiennent également des neurones sensibles au nombre et à la quantité.
Pour répondre à cette question, des chercheurs ont présenté à des participants humains une série d’ensembles de quantités diverses : les deux sillons intrapariétaux (droit et gauche) se sont effectivement activés lors des variations de nombres, le schéma de ces réponses indiquant alors une sorte d’échelle interne (et compressée) d’estimation approximative des quantités, de la même manière que chez l’animal.
En reliant les recherches sur le singe à celles sur l’homme, on arrive ainsi à l’hypothèse de l’origine évolutionnaire de l’arithmétique élémentaire humaine.