L’alphabet du français fonctionne selon des règles simples : les lettres s’assemblent de gauche à droite et leurs combinaisons (les graphèmes) transcrivent les sons du langage (phonèmes) selon les correspondances graphème-phonème. Ces règles ne vont pas de soi pour l’enfant: elles doivent lui être enseignées explicitement. Examinons-les une par une.
Correspondances graphèmes-phonèmes
C’est l’idée la plus élémentaire, mais également celle qui pose le plus de difficultés : chaque lettre ou groupe de lettres correspond à un son, et leur assemblage compose les syllabes et les mots.
Les enfants n’ont pas trop de difficulté à comprendre les voyelles: le phonème s’entend et il correspond directement à une lettre (a, e, i, o, u) ou à un groupe de lettres (ou, on, etc.).
Pour les consonnes, tout se complique, car les phonèmes ne s’entendent pas vraiment. Seuls certaines consonnes comme ‘f ’ ou ‘ch’ peuvent se prononcer de manière isolée. Les autres peuvent seulement se deviner dans le geste particulier que fait la bouche pour prononcer par exemple ‘pa’, ‘pi’, ‘ap’, ‘ip’… L’émergence d’une représentation explicite des phonèmes (comme la reconnaissance du même son dans ‘ap’ et ‘pa’) est une vraie révolution mentale pour le cerveau de l’enfant.
Ainsi, les correspondances graphème-phonème doivent s’apprendre une par une (la simple exposition à des mots écrits ne suffit pas à les deviner). Rappelons également que seule la maîtrise des règles de décodage permettra de lire des mots nouveaux.
Combinatoire des lettres ou des graphèmes
Sitôt les associations graphèmes-phonèmes apprises sur quelques voyelles et quelques consonnes, l’enfant doit comprendre que ces lettres peuvent se combiner pour former des syllabes. Il faut lui montrer que, lorsqu’on les arrange entre elles, leur prononciation ne change généralement pas mais forme de nouvelles combinaisons. On introduira donc chaque nouveau graphème dans de multiples combinaisons, en montrant comment une même consonne, combinée à différentes voyelles, en modifie la prononciation (‘la’, ‘lé’, ‘li’, ‘lo’, ‘lu’) et inversement, (‘la’, ‘ra’, ‘ma’, etc.).
Mobilité des lettres ou des graphèmes
Le déplacement des lettres change la prononciation de la chaîne de caractères. L’enfant doit comprendre que la lettre p est une unité mobile qui peut former ‘pa’, mais aussi ‘pi’, ‘po’, ou encore ‘ip’ par un simple changement d’ordre. Cette prise de conscience peut être facilitée par l’utilisation de lettres ou de graphèmes mobiles (aimantés, découpés ou imprimés sur des cartons).
Correspondance spatio-temporelle
L’enfant doit encore découvrir qu’on lit le français de gauche à droite, c’est-à-dire que l’ordre spatial des lettres correspond systématiquement à l’ordre temporel des phonèmes. Parcourir ainsi les lettres ne va pas de soi : l’enfant doit dompter son regard et son attention spatiale afin de les coordonner finement avec le processus d’assemblage des phonèmes en syllabes. D’où l’importance de faire alterner les structures consonne-voyelle et voyelle-consonne, en montrant à l’enfant qu’elles se prononcent de façon différente (li ≠ il).
Pour les enfants qui ont des difficultés d’attention ou de motricité, l’utilisation du doigt, qui glisse de gauche à droite le long du mot, ou d’une fenêtre coulissante, qui ne laisse voir qu’une partie du mot et que l’on dévoile toujours de gauche à droite, pourra s’avérer très utile.
Discrimination en miroir
L’enfant pré-lecteur ne comprend pas nécessairement que les lettres en miroir (b et d, p et q) sont distinctes : son système visuel les traite comme des objets identiques, mais vus sous des angles différents (cliquez ici pour plus d’explications).
Il faut donc lui enseigner explicitement à « briser cette symétrie », en lui expliquant que ces lettres en miroir sont distinctes, qu’elles s’écrivent avec des gestes différents et se prononcent différemment. Combiner la prononciation et le tracé de la lettre s’avère une excellente méthode.