Les correspondances graphème-phonème
Le jeune enfant présente une tendance spontanée à traiter chaque objet comme un tout. Il ne voit pas nécessairement que les mots sont constitués de lettres.
Déchiffrer l’écriture alphabétique demande d’orienter l’attention à l’intérieur des mots afin d’y repérer les briques élémentaires : les lettres.
Le principe même de l’alphabet, c’est que chaque son du langage, chaque phonème, est dénoté par un graphème.
On appelle phonème l’unité sonore élémentaire du langage. Les consonnes comme /p/, /t/, /k/, /ch/ et les voyelles comme /a/, /i/ mais aussi /on/ et /ou/ sont des phonèmes. Si vous bien attention, derrière la lettre ‘x’, il y a deux phonèmes : ‘x’ = ‘k’ + ‘s’ ! Les syllabes sont composées d’une séquence de phonèmes: /sur/ = /s/ + /u/ + /r/ (consonne-voyelle-consonne ou CVC). L’assemblage des phonèmes fait que certaines syllabes sont plus complexes que d’autres (/strict/ = CCCVCC).
On appelle graphème une lettre ou un groupe de lettres qui représentent un son élémentaire. Certaines lettres se prononcent seules, d’autres se combinent pour former des graphèmes complexes, c’est-à-dire les groupes de lettres comme ‘ch’, ‘on’ ou ‘eux’.
L’enfant doit comprendre que les graphèmes sont en tout petit nombre, qu’à chacun correspond un son, et que ce sont leurs combinaisons, dans un ordre précis et de gauche à droite, qui définissent le mot.
Chaque graphème se prononce d’une manière typique. Ainsi, les lettres ‘ch’ se prononcent presque toujours /ch/. Cependant, l’orthographe du français présente également de nombreuses exceptions. Par exemple ‘ch’ se prononce parfois ‘k’, comme dans ‘chorale’. Apprendre à lire, en français, demande donc de maîtriser près d’une centaine de correspondances graphème-phonème.
Les enseignants intéressés pourront trouver une liste complète des correspondances graphème-phonème du français, dans un ordre rationnel et adapté à l’enseignement, dans le livre Apprendre à Lire.
La « boîte aux lettres du cerveau »
La création d’un code visuel efficace de l’écriture demande une transformation profonde de la région que nous avons appelé la « boîte aux lettres du cerveau ». Chez un bon lecteur, cette région code non seulement les lettres isolées, mais aussi les combinaisons de lettres qui correspondent à des graphèmes, à des syllabes et à des morphèmes.
Former ce circuit cérébral n’est pas simple. La simple exposition d’un enfant à des lettres ne suffit pas. Ce qui transforme vraiment le circuit de la lecture, c’est l’enseignement systématique des correspondances entre les lettres et les sons du langage.
L’expérimentation pédagogique dans les classes le confirme : les enfants à qui l’on enseigne explicitement quelles lettres correspondent à quels sons apprennent plus vite à lire que d’autres enfants à qui on laisse découvrir le principe de l’alphabet.
L’inefficacité de la lecture “globale”
Une expérience remarquable prouve l’importance d’attirer l’attention de l’enfant sur les lettres et leurs correspondances avec les sons.
Lorsque quelqu’un apprend un alphabet nouveau, l’apprentissage varie massivement selon qu’elle distribue son attention vers les lettres ou vers les mots tout entiers.
Si on lui explique que les mots sont constitués de lettres qui représentent des fragments élémentaires du langage parlé, elle apprend rapidement à lire, et l’imagerie cérébrale montre une activation normale de l’aire de la forme visuelle des mots – autrement dit, elle devient très vite un lecteur expert.
Si, par contre, on lui présente les mêmes mots comme des formes globales, sans lui dire qu’ils sont composés de lettres, elle n’apprend guère, car sa mémoire est vite dépassée. Surtout, elle active une aire cérébrale inadéquate dans l’hémisphère droit. En adressant les informations vers ce circuit inapproprié, la stratégie de lecture globale interdit tout apprentissage efficace.
Abandonner la lecture globale et prêter attention aux composants élémentaires des mots, un par un, dans un ordre bien précis, est une étape essentielle de l’apprentissage.