Au CP
L’acquisition de l’écriture manuscrite est un enjeu majeur de cette première année d’école primaire et un défi constant pour les élèves dyspraxiques.
Maladroits, ils peinent à reproduire les lettres dont ils doivent contrôler laborieusement le dessin. Ils ont des difficultés à tenir leur crayon correctement et à contrôler la pression qu’ils doivent exercer sur la feuille. Le tracé est lent et peu fluide. Le résultat est particulièrement insatisfaisant au regard des efforts déployés : les lettres sont trop grosses et tiennent rarement entre les deux lignes du cahier, leur tracé est malhabile, irrégulier et la qualité de ce tracé se dégrade au fur à mesure de l’exercice, les lettres en miroir sont fréquentes.
Les exercices de copie
Les performances en copie manuscrite sont particulièrement perturbées chez les élèves dyspraxiques.
La copie nécessite une coordination oeil main qui est déficitaire chez ces enfants et la nécessité de réajuster les repères spatiaux pour passer d’un support (celui du modèle à copier) à l’autre (la feuille ou l’écran sur lequel on écrit) rend l’exercice particulièrement épuisant.
La copie est la source de multiples malentendus puisque l’élève dyspraxique, à la différence des autres élèves, fait beaucoup plus de fautes en copie qu’en dictée. Contraint de mobiliser la totalité de ses ressources attentionnelles pour dessiner les lettres une à une, il s’épuise au fur à mesure que le texte s’allonge. Le texte devient illisible et les fautes d’orthographe se multiplient. Il n’est donc pas rare qu’après cet exercice épuisant, l’énorme effort qu’il a déployé soit sanctionné par « 20 fautes dans un texte de 8 lignes, tu pourrais faire un peu attention ! » écrit dans la marge (Keryan, élève dyspraxique de CE2).
La copie est aussi toxique : en aboutissant à un texte inévitablement plein de fautes, elle met à mal le sens orthographique de ces élèves.
Le redoutable piège de la double tâche
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La double tâche cognitive
Le cerveau ne peut pas faire deux choses en même temps si les deux tâches à réaliser requièrent de l’attention. C’est pour cette raison qu’il est déconseillé de téléphoner en voiture. Le cerveau ne peut pas traiter les deux tâches simultanément, en parallèle, et les traite donc l’une après l’autre, en série, ce qui est à l’origine d’une lenteur. Si la durée du traitement de la première tâche par le cerveau est trop longue, le sujet peut même ne pas réussir à réaliser du tout la seconde tâche.
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Vers 8 ans, à l’âge où la plupart des enfants automatisent leur geste d’écriture, les enfants dyspraxiques, eux, continuent de dessiner chacune de leurs lettres ; ce traçage laborieux accapare la plus grande partie de leurs ressources attentionnelles, qui ne sont plus disponibles pour les tâches de haut niveau telles que l’orthographe, la syntaxe, l’expression écrite …
Conséquences du trouble de l’écriture à l’école
- Ce trouble de l’écriture manuscrite est particulièrement handicapant à l’école où 60 % du temps est consacré à des activités qui impliquent l’écriture.
- Le plus handicapant pour l’enfant dyspraxique est qu’il est en situation de double tâche cognitive quand il écrit à la main.
- Les conséquences de cette situation de double tâche sont multiples. L’enfant dyspraxique qui écrit
- est lent
- fait des erreurs
- se fatigue
- ne dispose plus de suffisamment de ressources cognitives pour réaliser les tâches de haut niveau (comprendre, raisonner, organiser ses idées, faire attention à l’orthographe etc….)
- L’élève dyspraxique n’apprend donc rien en écrivant et l’évaluation scolaire via l’écriture manuscrite ne reflète pas ses acquisitions et ses connaissances mais le degré du handicap provoqué par la situation de double tâche cognitive
Rééduquer l’écriture ?
Face à un déficit de l’écriture, il semble logique de proposer sa rééducation : des séances d’ergothérapie ou de psychomotricité ciblées sur le geste écrit sont donc très souvent prescrites aux enfants dyspraxiques.
Pourtant il n’existe aucun consensus sur des modalités précises de rééducation :
- les études contrôlées portant sur l’efficacité de la rééducation du geste graphique font cruellement défaut dans la littérature internationale
- lorsqu’elles existent, la plupart des études posent des problèmes méthodologiques (absence de groupe contrôle, effectif de l’échantillon réduit à quelques enfants, méthode peu structurée….)
- il existe des travaux réalisés chez des enfants dysgraphiques indépendamment du diagnostic. Pour la plupart, ils mettent en évidence une amélioration de la lisibilité mais pas de la vitesse.
Face à l’absence de données convaincantes démontrant l’efficacité d’une rééducation du geste écrit chez les enfants dyspraxiques, la question de la pertinence de ce type de prise en charge se pose.