Mon Cerveau à l'école

Quelques éléments de sciences cognitives pour les enseignants et les parents

  • La Bataille des nombres

    Pour tous les enfants à partir de la maternelle, et jusqu’au CP/CE1.

    Un jeu de cartes à imprimer pour permettre aux enfants d’apprendre les nombres jusqu’à 100, de se servir de la base 10 et de consolider leur intuition de l’ordre de grandeur des nombres.

    Comment jouer?

    Les règles sont celles du jeu de la bataille — mais on joue avec des chiffres et aussi avec des nuages de points à compter!

    Pour jouer, on distribue toutes les cartes entre les joueurs. A chaque tour, chacun tire la carte du dessus de son paquet et la pose devant lui. Celui qui a la carte la plus forte ramasse les autres cartes. Si deux cartes sont égales, on crie bataille! les joueurs correspondants recouvrent ces cartes avec une nouvelle carte, jusqu’à ce que la plus forte l’emporte. Le gagnant est celui qui a pris toutes les cartes des autres.

    Exemple de cartes pour un niveau avancé. Les enfants doivent comparer les nombres, ce qui les incite à comprendre le principe de la base 10.
    Le jeu comprend de multiples niveaux, depuis les chiffres simples de 1 à 10, jusqu’aux grands nombres à deux chiffres.

    Comment ce jeu renforce-t-il le sens des nombres?

    Le jeu incite les enfants à compter les points le plus rapidement possible, en séparant bien les groupes de dix et les unités.

    Pour jouer, l’enfant doit également mettre en relation un nombre écrit en chiffres arabes avec un nombre concret, présenté sous forme d’une collection de points, afin de pouvoir les comparer.

    La recherche démontre que la capacité de comparer des grandeurs numériques prédit les résultats des enfants en mathématiques dans les années qui suivent.

  • La bosse des maths

    Oui, la bosse des maths existe ! Enfants ou adultes, calculateurs prodiges ou simples mortels, nous venons tous au monde avec une intuition des nombres. Peut-on localiser des zones spécifiques du cerveau ? L’imagerie cérébrale permet-elle d’identifier les neurones dédiés aux mathématiques ? Et comment aider l’enfant qui rencontre des difficultés à calculer ?

    Pour comprendre pourquoi vous n’arrivez pas à retenir 7 x 8, comment une lésion cérébrale peut vous faire oublier 3 – 1 ou comment apprendre à extraire la racine cinquième de 759 375, suivez l’auteur dans les circonvolutions cérébrales de La Bosse des maths !

    En vente sur Amazon
    La bosse des maths

  • La Course aux Nombres

    Qu’est-ce-que la Course aux Nombres ?

    La Course aux Nombres est un logiciel de jeu amusant et totalement gratuit, qui fait jongler avec les nombres et enseigne les concepts fondamentaux de l’arithmétique :

    • Les différents modes de présentation des nombres : ensembles concrets d’objets, chiffres ou mots
    • Le comptage jusqu’à 40
    • Les calculs élémentaires : additions et soustractions
    • Les liens entre les nombres et l’espace

     

    Cliquez ici pour télécharger le jeu !

    A qui ce jeu est-il destiné ?

    La Course Aux Nombres est un jeu principalement adapté aux enfants de 4 à 8 ans.

    Il permet aux jeunes enfants d’apprendre les bases du chiffre et de l’arithmétique tout en jouant.

    Les enfants plus âgés, qui connaissent déjà les nombres pourront, grâce à ce jeu,  se familiariser avec l’arithmétique et consolider leurs connaissances des liens entre les nombres, les quantités, et le sens de l’espace.

    Le jeu est spécialement conçu pour les enfants qui rencontrent des difficultés en mathématiques (dyscalculie), il permet de renforcer les circuits neuronaux responsables de la représentation du nombre et de sa manipulation.

    La course aux nombres se concentre sur les petits nombres, pour les enfants déjà familiers avec les nombres, nous recommandons l’Attrape Nombres.

  • L’Attrape-Nombres

    Qu’est-ce-que l’Attrape-Nombres ?

    L’Attrape-Nombres est un logiciel de jeu rapide, amusant et entièrement gratuit, qui vous enseigne toutes sortes de compétences fondamentales sur les nombres à deux chiffres:

    • Le principe de la base 10
    • La signification des dizaines et des unités
    • Le comptage jusqu’à 40
    • Le complément à dix : additionnez à toute vitesse en apprenant quelles paires de chiffres donnent 10

    A qui ce jeu est-il destiné ?

    L’Attrape-Nombres est principalement adapté aux enfants de 5 à 10 ans – mais les niveaux supérieurs feront le plaisir des adultes !
    Les enfants de maternelle y découvriront les concepts de base des nombres et de l’arithmétique. Ceux de primaire, qui connaissent déjà les nombres, apprendront à calculer de plus en plus vite. Le jeu s’adresse tout particulièrement aux enfants qui éprouvent des difficultés en maths (dyscalculie) – il les aidera à renforcer leurs circuits cérébraux de représentation et de manipulation des nombres.
    L’Attrape-Nombres se concentre sur les nombres à deux chiffres.
    Pour les plus jeunes, qui font leurs tous premiers pas en arithmétique, nous recommandons notre autre jeu La Course aux nombres.

  • Le calcul, une invention récente

    Si le calcul est une compétence essentielle au quotidien, il n’en est pas moins une invention récente dans l’histoire de l’humanité.
    Comment cette compétence se développe-t-elle chez l’enfant et quel mécanisme cérébral la sous-tend ?
    Depuis une vingtaine d’années, la recherche en neuropsychologie explore la nature des compétences mathématiques et leur développement dans le cerveau de l’enfant.

    Il y a 50 ans, Piaget supposait que l’enfant ne comprenait que vers 4 ou 5 ans l’invariance du nombre, c’est-à-dire le fait que le nombre soit une propriété permanente des ensembles, quelles que soient les opérations qu’on leur impose.
    On sait aujourd’hui que même les nourrissons de quelques mois possèdent des compétences numériques raffinées (cf. Les compétences mathématiques du bébé [lien interne]).
    Ces compétences s’appuient sur le système numérique approximatif, un tremplin essentiel pour développer ultérieurement des capacités mathématiques de plus haut niveau (Piazza 2010).

    Trois circuits pour un “Triple Code”

    • Une aire cérébrale cruciale pour le système numérique principal a été identifiée dans les dernières années : elle se situe dans la partie arrière supérieure des deux hémisphères, dans le lobe pariétal, dans ce qu’on appelle le sillon intrapariétal.
      Cette région répond aux nombres, qu’ils soient nommés oralement ou écrits, en chiffres arabes ou en toutes lettres ; elle s’active également lors de la résolution des opérations numériques, qu’il s’agisse d’additions, de soustractions, de multiplications, de comparaisons, ou même simplement de la détection d’un nombre sur un écran.
      Ainsi, l’intensité de l’activation est liée à la difficulté de la tâche arithmétique.
      Cette organisation fonctionnelle est universelle : elle ne dépend d’aucune culture (Dehaene 2003).
      D’autre part, des études sur les animaux ont montré que les régions homologues du lobe pariétal chez les primates répondaient également aux tâches d’estimation approximative de quantités.
      Ainsi, bien que les neurones de cette région codent à l’origine pour les nombres approximatifs d’objets, nous autres humains les avons “recyclés”, grâce à un apprentissage, pour les entraîner au traitement des symboles numériques et à la résolution de calculs exacts.
      Des lésions dans le lobe pariétal peuvent ainsi être associées à une acalculie : un trouble de l’arithmétique sélectif et acquis (Dehaene 1997, Levy 1999).
      Les enfants dyscalculiques (qui ont des difficultés à apprendre les principes du décompte et du calcul) présentent également une activation réduite ou une anomalie structurelle du dans les régions intrapariétales gauche et droite (pour une revue de cette question, voir Dehaene 2004).
    • Le circuit des “noms de nombres” (‘un’, ‘deux’), qui implique en particulier le gyrus angulaire gauche et les régions préfrontales, s’active lorsqu’on entend des chiffres où lorsqu’on les lit en toutes lettres.
    • Le circuit des chiffres arabes active les aires visuelles lorsqu’on lit un chiffre présenté en caractère arabe (‘1’, ‘2’), afin de le décoder et de l’intégrer au système numérique principal ainsi qu’au système verbal.

    Ces trois circuits, qui forment le “Triple Code”, communiquent entre eux, ce qui nous permet faire la conversion d’une représentation à l’autre (par exemple, retrouver la prononciation d’un chiffre arabe, ou directement la quantité qu’il représente) et ainsi de procéder rapidement aux traitements numériques (Dehaene 1995). Ces connexions ne sont pas aussi robustes chez les enfants : c’est l’apprentissage, entre autres, qui permet d’automatiser ces transferts.

  • Les compétences mathématiques du bébé

    On pourrait penser qu’à la naissance, le bébé ne connaît rien des mathématiques. C’était d’ailleurs l’idée de Jean Piaget: la compétence logico-mathématique se développerait très lentement, et le jeune enfant serait dépourvu de toute intuition abstraite.

    Or, on sait aujourd’hui que cette idée est fausse. L’enfant naît avec des intuitions abstraites du nombre et de l’arithmétique. Dès la maternelle, l’enseignement des mathématiques devrait s’appuyer sur les intuitions de l’enfant plutôt que de les nier.

    A la naissance, une perception approximative des nombres.

    Dès la naissance, les bébés sont curieux et compétents. On a aujourd’hui la preuve que le système numérique approximatif est actif très tôt au cours du développement, sans doute dès la naissance. Il permet aux enfants, lorsqu’ils voient une collection d’objets ou qu’ils entendent une série de sons, d’en percevoir le nombre approximatif.

    Ainsi, des chercheurs ont détecté une sensibilité au nombre chez des nouveaux-nés de quelques heures :

    • Si on habitue ces nouveaux-nés à une séquence de 4 sons, ils regarderont plus longtemps les images contenant 4 objets que celles qui en contiennent 12. En d’autres termes, ils transfèrent spontanément le nombre entre leurs perceptions auditives et visuelles, démontrant qu’ils disposent d’une capacité numérique.
    • D’autre part, les bébés de quelques mois sont capables de procéder à un calcul mental approximatif. Par exemple, ils observent 5 objets qui tombent dans une boîte, puis 5 autres objets s’y ajoutent. Si la boîte s’ouvre et qu’on y trouve non pas 10 mais seulement 5 objets, les bébés ont une réaction de surprise. Inversement, si 10 objets sont dans la boîte, et qu’on en soustrait 5, ils s’attendent à voir 5 objets et sont surpris d’en voir 10. Ils sont donc capables d’anticiper les résultats approximatifs d’opérations d’additions ou de soustractions. Bien sûr, ils ne savent pas encore que 5+5 fait exactement 10, mais ils savent approximer.


    McCrinkMovie
    5 + 5 =…. 5 !

    Ce film créé par Koleen McCrink montre une impossibilité arithmétique: 5 + 5 égale 5. Les bébés de 5 mois réagissent en manifestant leur surprise: ils regardent plus longtemps l’événement impossible qu’un autre film où apparait le résultat correct.

    Le développement de la discrimination des quantités

    La capacité de faire la différence entre deux nombres varie avec l’âge. Elle dépend du rapport entre les nombres: à la naissance, les bébés ne parviennent qu’à distinguer des nombres très différents, par exemple 4 contre 12. Progressivement, la perception s’améliore.

    • A 6 mois les bébés parviennent à distinguer les nombres du simple au double: ils font la différence entre 2 et 4, ou entre 4 et 8, et parviennent ainsi à savoir que 5+5 ne fait pas 5.
    • Dès leur 3ème année, ils sont capables de distinguer deux ensembles qui diffèrent d’environ 50% (4 contre 6)
    • A l’âge adulte, “l’acuité” du Système Numérique Approximatif atteint environ 15 à 20%, c’est-à-dire que nous savons faire la différence entre un ensemble de 8 objets et un autre de 9 ou 10 objets.

    La précision de la discrimination des quantités est un indice très précieux. Les enfants dyscalculiques ont des difficultés à distinguer deux ensembles d’objets sur la base de leur nombre, et à choisir le plus grand des deux. Même chez l’enfant normal, l’acuité numérique prédit la réussite scolaire mathématique… ce qui ne veut pas dire qu’elle ne peut pas s’améliorer: l’éducation améliore nettement le sens des nombres. Le logiciel “La course aux nombres” est conçu pour améliorer, entre autres, la précision de la perception des nombres.

    Un système efficace de suivi de petits nombres

    Les bébés humains disposent non seulement d’un système numérique approximatif, mais aussi d’un “système de suivi des objets”, qui leur permet de faire attention aux objets et de percevoir les tous petits nombres: 1, 2 ou 3 objets.

    Des chercheurs ont par exemple montré que lorsque l’expérimentateur place 3 jouets dans une boîte et en ressort 2, un enfant de 12-14 mois cherche l’objet manquant. Cependant, si 4 objets ont été déposés et 2 ressortis, alors l’enfant ne cherche pas les objets manquants. En d’autres termes, les jeunes enfants d’un an ne se sont pas capables de se représenter mentalement, avec précision, plus de 3 objets individuels.  Au-delà, seul le système numérique approximatif représente le nombre comme une propriété globale et floue de l’ensemble.

  • L’animal sait compter

    Le système numérique approximatif se retrouve non seulement chez l’humain, mais aussi chez l’animal ! De nombreuses espèces animales, comme les rats, les pigeons et les singes, sont capables d’extraire la quantité approximative d’un semble auditif ou visuel d’objets et de procéder à un calcul. Du point de vue de l’évolution, cette capacité, qui permet d’estimer la quantité d’ennemis, de congénères ou de nourriture présents peut s’avérer déterminante pour la survie.

    Récemment, une étude a testé des singes et des humains sur une même tâche d’estimation d’un large éventail de valeurs numériques : leurs performances ont été similaires, que ce soit qualitativement ou quantitativement (Cantlon 2006).

    De quoi sont capables les animaux ?

    Des scientifiques de l’Université de Columbia ont entraîné deux singes a réagir à la présentation dans l’ordre croissant des chiffres 1 à 4 ; les singes ont ensuite été capables de généraliser spontanément ces réponses aux valeurs ascendantes de 5 à 9 (de manière approximative bien sûr) (Brannon 1998).
    En d’autres termes, les animaux, ou du moins les singes, peuvent se représenter le nombre d’ensembles visuels ou auditifs indépendamment de paramètres tels que la taille ou la forme.
    Récemment, il a également été montré que les singes peuvent étendre une telle règle numérique aux valeurs 10, 15, 20 et 30, ce qui laisse penser qu’aucun plafond ne vient limiter les capacités numériques approximatives du singe, exactement comme chez l’humain (Cantlon 2006).
    Cette capacité de prêter attention au nombre se retrouve chez des nombreuses espèces animales, même en l’absence d’entraînement (Hauser 2000, Hauser 2002) ; il a en outre été prouvé que les animaux sont capables de procéder à des calculs approximatifs simples comme des additions ou des soustractions (par exemple Hauser 2000).

    Cette compétence arithmétique du singe est-elle un précurseur plausible de celle de l’homme ?

    Une découverte cruciale pour relier les recherches sur le singe a celles sur l’homme a été celle, chez le macaque, de neurones dédiés au nombre dans le cortex prefrontal dorsolatéral et en profondeur du sillon intrapariétal (Nieder 2004).
    La question essentielle ici est de savoir si les régions homologues chez l’homme contiennent également des neurones sensibles au nombre et à la quantité.
    Pour répondre à cette question, des chercheurs ont présenté à des participants humains une série d’ensembles de quantités diverses : les deux sillons intrapariétaux (droit et gauche) se sont effectivement activés lors des variations de nombres, le schéma de ces réponses indiquant alors une sorte d’échelle interne (et compressée) d’estimation approximative des quantités, de la même manière que chez l’animal.
    En reliant les recherches sur le singe à celles sur l’homme, on arrive ainsi à l’hypothèse de l’origine évolutionnaire de l’arithmétique élémentaire humaine.

  • Le nombre exact

    Le système numérique approximatif est universel chez l’animal et l’homme de tout âge, et semble se mettre en place sur une base génétique. Par contre, l’utilisation de symboles pour représenter des nombres exacts n’émerge pas spontanément et dépend de l’éducation.
    Apprendre à se représenter mentalement et à manipuler des nombres exacts consiste à créer, d’une part, des représentations de formes numériques visuelles ou verbales, d’autre part, une représentation abstraite de quantités numériques exactes, et enfin à connecter ces représentations. L’interconnexion entre une représentation du nombre en termes de quantité, sa représentation verbale et sa représentation en un symbole arabe est essentielle pour l’apprentissage des symboles.

    Les Mundurucus

    Dans certaines cultures, aucun système symbolique ne permet de représenter des nombres exacts, ni aucune procédure ne permet de compter les objets d’un ensemble.
    Parmi ces cultures, les Mundurucus, un groupe indigène d’Amazonie, au Brésil, est intéressant pour son système numérique extrêmement réduit : les individus de ce groupe ne comptent pas et n’ont pas de symboles pour représenter les nombres supérieurs à 4 ou 5.
    Ces personnes ont un sens parfaitement normal du nombre approximatif, mais échouent dans les tâches de calcul exact.

    La modification majeure du passage au symbole

    Les enfants occidentaux, qui sont immergés dans une société arithmétique “savante”, apprennent à réciter les nombres et à compter dès l’âge de 2 ans (voir Apprendre à compter).
    En apprenant à compter, ils associent les symboles des nombres et leurs noms à leurs représentations pré-existantes des quantités approximatives, et cette procédure modifie en profondeur leurs représentations elles-mêmes.
    La machinerie neuronale précédemment impliquée dans la représentation du nombre approximatif est en partie “recyclée” pour prendre en charge la représentation du nombre exact.
    La finesse de précision du système numérique approximatif semble jouer un rôle essentiel dans le développement numérique : ainsi, la précision des estimations numériques des enfants de maternelle est un prédicteur efficace de leurs résultats, à la fin du CP, à des tests standardisés de compétence mathématique.

  • Vers une représentation exacte de grandes quantités

    Apprendre à compter est une étape très importante de l’apprentissage mathématique, en ce qu’il permet à l’enfant de d’aller au-delà des limites des précédents systèmes :

    • le système numérique approximatif est capable de gérer les petites comme les grandes quantités, mais il perd en précision à mesure que les valeurs augmentent, rendant impossible l’estimation précise de grandes quantités
    • le système de suivi des objets supporte la représentation exacte de petites quantités, mais est très vite limité (à environ 3).

    En apprenant à compter, les enfants imposent des modifications majeures à leur système numérique approximatif, de manière à lui permettre de supporter la représentation exacte de grandes quantités.

    L’ordre d’apprentissage du comptage

    Les enfants apprennent généralement à réciter la séquence numérique (“Un, deux, trois…”) avant même d’en comprendre le sens de ces mots, et avant de comprendre que la routine du comptage peut être utilisée pour établir la cardinalité d’un ensemble. La signification des “noms de nombres” et les principes du comptage émergent lentement, entre 2 et 4 ans, et dans un ordre strictement établi :

    • vers 2 ans, l’enfant apprend la signification du mot “un” (si on lui demande d’apporter “un” jouet, l’enfant en apportera un ; il peut cependant en apporter 0, 1, 2, 5, si on lui demande d’en apporter 2).
    • le même enfant aura besoin de plusieurs mois ensuite pour saisir le sens du mot “deux”, et d’encore plusieurs mois pour comprendre “trois”
    • au moment, environ, où l’enfant comprend le sens de “quatre” (à environ 4 ans), il découvre le principe du comptage et est alors capable d’apporter n’importe quelle quantité d’objets, sous réserve qu’il connaisse la séquence numérique jusqu’à ce nombre.

    Les deux mécanismes du comptage

    Deux mécanismes cruciaux sont impliqués dans le comptage :
    Le premier est l’individualisation des objets : celle-ci, à cause de la capacité limitée du système de suivi des objets, nécessite de procéder de façon sérielle pour les ensembles de plus de 3 objets. Des chercheurs ont ainsi montré que le comptage n’est pas possible si l’on empêche les mouvements oculaires et/ou attentionnels (Oyama 1981).
    Le second mécanisme est la mémoire de travail : elle permet de retenir le total provisoire et de lui intégrer successivement les nouveaux objets. Chez l’humain, elle recrute en particulier le système verbal. Des études chez le singe ont montré que les animaux étaient capables d’apprendre à associer des chiffres arabes à des nombres de points jusqu’à 9, mais pas au-delà. Le comptage est donc une activité propre à l’homme.
    Compter sur les doigts

    Dans la plupart des cultures, les enfants apprennent spontanément à utiliser leurs doigts pour compter : c’est une étape très utile du développement arithmétique. C’est notamment un outil efficace pour alléger la charge de la mémoire de travail, ce qui est particulièrement utile chez les jeunes enfants. Certaines études suggèrent une corrélation étroite entre la représentation des nombres sur les doigts et le traitement numérique.

  • Un changement conceptuel majeur qui survient lors de l’acquisition de la “numéracie” est le passage d’une représentation approximative et compressée de la quantité numérique à une représentation du nombre exacte et linéaire.

    • Une étape incontournable de cette transition est le comptage ;
    • Le second outil crucial dans ce passage est l’utilisation d’une ligne numérique : représenter les symboles numériques sur une ligne aide les enfants à comprendre que les nombres peuvent être organisés spatialement de façon linéaire, et ainsi à remettre en question leur intuition basée sur la comparaison de quantités. En effet, la notion “d’unité” n’est pas essentielle au système numérique approximatif puisque les valeurs y sont espacées de façon logarithmique (dans ce système fondé sur les comparaisons approximatives, 17 et 18 sont plus proches, c’est-à-dire plus difficile à distinguer, que ne le sont 1 et 2). Au contraire, dans le système numérique exact, la notion d’unité est centrale : il est alors essentiel de comprendre que 17 et 18 sont exactement aussi espacés que 1 et 2.
  • Du calcul approximatif au calcul symbolique

    Lors de l’apprentissage du calcul symbolique (qui s’appuie sur l’utilisation de symboles numériques), les enfants “recyclent” leurs capacités de calcul approximatif et associe au système pré-existant les symboles des nombres (Dehaene 2004).
    Les tâches qui passent par la manipulation de quantités (additions, soustractions, multiplications, comparaisons, etc) activent toutes la même région du sillon intrapariétal dans le cerveau, qui est le noyau du système numérique principal (cf. Le “triple code” [lien interne vers les bases cérébrales du calcul]).
    D’autre part, les différents types de calcul semblent s’appuyer sur des circuits cérébraux relativement distincts au sein de l’architecture du “triple code” :
    le gyrus angulaire gauche et le cortex perisylvien présentent une activation plus importante lors d’un calcul exact, et d’autant plus qu’il repose fortement sur la mémoire verbale “par coeur” (par exemple, l’utilisation de tables de multiplication ou la résolution d’additions basiques) : cela est probablement lié au fait que ce type de mémorisation existe dans la plupart des cultures (Dehaene 1999, Lee 2000, Venkatraman 2006).

    Le calcul

    A l’origine, le calcul est un processus extrêmement exigeant en termes de concentration, de mémoire de travail et donc de ressources cognitives.
    Différentes stratégies peuvent être utilisées lors de la résolution d’opérations :
    la plupart des jeunes enfants commencent par utiliser leurs doigts pour compter ;
    ils passent graduellement au comptage verbal,
    puis à la décomposition
    et enfin aux procédures de récupération en mémoire des opérations qu’ils ont apprises.

    Bien que tous les types de calcul s’opèrent par l’accès au ‘système numérique principal’, les opérations arithmétiques complexes reposent aussi profondément sur les circuits et mécanismes visuo-spatiaux, et les résultats arithmétiques appris par cœur (comme les tables de multiplication) dépendent plus de la mémoire verbale.

    De l’hémisphère droit à l’hémisphère gauche

    Étonnamment, pendant l’apprentissage, l’activation cérébrale liée aux quantités et au calcul passent petit-à-petit de l’hémisphère droit à l’hémisphère gauche : au fur et à mesure, la région intrapariétale gauche gagne en précision sur son homologue droite et s’active plus lors des calculs exacts (Piazza 2004), probablement à cause du rôle qu’y joue le langage, au contraire des calculs approximatifs qui recrutent moins ce dernier (Spelke 2001).