Mon Cerveau à l'école

Quelques éléments de sciences cognitives pour les enseignants et les parents

  • Caractéristiques

    La dyscalculie est une difficulté d’apprentissage du calcul. Ce trouble se caractérise notamment par :

    • la présence de difficultés dans le calcul alors que l’intelligence est normale ;
    • l’association éventuelle de ces difficultés à d’autres troubles de l’apprentissage (comme la dyslexie, la dyspraxie…) ;
    • l’hypothèse que ces difficultés sont causées, non pas par un enseignement inefficace, mais par un dysfonctionnement cérébral (Wilson 2005).

    Prévalence

    Dans cette section, nous parlons principalement de dyscalculie développementale : l’acalculie, quant à elle, qui peut avoir des effets similaires, est généralement acquise à la suite d’un accident cérébral (qui survient le plus souvent dans le lobe pariétal) (Stanescu-Cosson 2000). La prévalence estimée de la dyscalculie développementale est d’environ 3 à 7% selon des données américaines, c’est-à-dire une prévalence similaire à celle de la dyslexie (Badian 1999, Butterworth 2011). En France, la prévalence de la dyscalculie dans la population des enfants en âge d’être scolarisés se situe entre 3,6% et 7,7% selon les données de l’INSERM (2007).

    Diagnostic

    En ce qui concerne le diagnostic de la dyscalculie, il s’est appuyé jusqu’à aujourd’hui sur les effets, c’est-à-dire les difficultés rencontrées en calcul. Les enfants souffrant d’une dyscalculie développementale présentent généralement un retard persistant dans leur apprentissage du calcul ; les manifestations du trouble dépendent de l’âge et de la classe de l’enfant.

    • Les jeunes enfants dyscalculiques (au CP) ont un retard dans leur maîtrise du comptage : pendant plusieurs années, ils continuent d’utiliser la procédure laborieuse du comptage sur les doigts pour résoudre de simples additions ou soustractions, alors que les autres enfants sont déjà passés au comptage verbal et à la mémorisation des opérations ;
    • Les enfants dyscalculiques un peu plus âgés (vers 9-10 ans) présentent de sévères difficultés d’apprentissage des tables arithmétiques et de compréhension des opérations.

    Cependant, comme nous l’avons mentionné plus haut, la dyscalculie développementale doit être relativement spécifique aux mathématiques : en effet, de nombreuses raisons peuvent causer des difficultés similaires (retard mental, trouble de l’attention, troubles d’anxiété, etc). C’est pourquoi la première nécessité avant le diagnostic est d’écarter tout autre facteur possible qui pourrait être responsable du trouble (Shalev 2001). Cette approche, qui semble raisonnable, n’est pas évidente en pratique et de nombreux obstacles subsistent dans la définition de la dyscalculie.

    Associations génétiques et environnementales

    D’après des études récentes :

    • d’une part, la dyscalculie peut être liée à de nombreuses maladies génétiques, comme le syndrome de Turner, le syndrome de William (Ansari 2002) et le syndrome de l’X fragile ;
    • d’autre part, elle dépend également de facteurs environnementaux : elle est ainsi observée particulièrement souvent chez les enfants ayant souffert d’un syndrome d’alcoolisation fœtale (exposition à l’alcool durant la grossesse) et peut survenir en conséquence d’une naissance prématurée et/ou d’un faible poids à la naissance (Fayol 1998).

    Il est à espérer que les progrès de la génétique et de la recherche scientifique en neuropsychologie (cf. Les bases cérébrales de la dyscalculie [lien interne]) permettront ainsi, dans un futur proche, d’établir le diagnostic de dyscalculie directement à partir de ses causes cérébrales.

  • La recherche en génétique, en neurobiologie et en épidémiologie a montré que la dyscalculie, de la même manière que les autres troubles de l’apprentissage, est un trouble lié au cerveau et en particulier à un dysfonctionnement des régions/connexions cérébrales impliquées dans le calcul.

    La recherche clinique sur l’acalculie (généralement acquise à la suite d’un accident vasculaire cérébral) est le premier acteur de la compréhension du mécanisme cérébral de la dyscalculie, du fait de la similarité qui existe entre les deux troubles. Les patients acalculiques ne présentent pas de troubles du langage, de la lecture ou de la mémoire. La plupart d’entre eux, qui n’avaient aucun trouble du calcul avant l’accident, ont sévèrement perdu leur sens du nombre et leurs compétences arithmétiques au moment de l’accident. Le plus fréquemment, ces troubles sont associés à des lésions dans la région pariétale gauche, connue pour accueillir le système numérique principal.

    La neuroimagerie fonctionnelle a été très récemment appliquée à la dyscalculie :

    • Des chercheurs ont notamment rapporté le cas d’un jeune adulte souffrant d’une dyscalculie développementale associée à une intelligence et une capacité de lecture particulièrement élevées (Levy 1999).
      Malgré l’absence d’anomalies structurelles macroscopiques, un défaut dans la région pariétale inférieure gauche a été révélé par spectroscopie par résonance magnétique (une technique analytique non-invasive associée à l’imagerie par résonance magnétique et utilisée dans l’étude de l’évolution métabolique de troubles cérébraux, de tumeurs, etc).
    • De la même manière, d’autres chercheurs ont isolé une région du sillon intrapariétal gauche ayant un volume réduit de matière grise chez les enfants dyscalculiques prématurés, par rapport à des enfants prématurés non-dyscalculiques.
    • Le dysfonctionnement du système numérique principal n’est pas pour autant forcément la seule cause de la dyscalculie.
      Comme mentionné dans la section Apprendre les opérations [lien interne], le circuit de la mémorisation verbale et le “par coeur” est également crucial dans le traitement arithmétique ;
      il semble également déficient chez les enfants dyscalculiques.
    • Enfin, les personnes atteintes d’une dyscalculie développementale recrutent d’autres régions cérébrales pour compenser leur déficit en mathématiques.
      Alors que, chez les “calculeurs normaux”, les tâches arithmétiques activent principalement les deux sillons intrapariétaux (gauche et droit) et très peu le gyrus frontal gauche, les régions les plus actives chez les personnes dyscalculiques sont le sillon intrapariétal droit et le gyrus frontal médian gauche (Morocz 2003).
      Malheureusement, cette plasticité cérébrale spontanée ne semble pas suffire à compenser entièrement le handicap, du moins pas en l’absence d’un programme spécifique de remédiation.
  • La dyscalculie n’est pas une fatalité

    Que la dyscalculie soit causée par un dysfonctionnement cérébral ne rend pas inutiles les tentatives de remédiation : les effets du troubles peuvent en fait être efficacement réduits par une prise en charge adéquate.
    En effet, le fonctionnement et la structure du cerveau ne sont pas entièrement déterminés par des facteurs génétiques, mais aussi par l’influence de l’environnement.
    Les études des dernières années ont montré l’impressionnante plasticité cérébrale.

    Une aide supplémentaire

    Les enfants dyscalculiques ont besoin d’une aide supplémentaire dans leur apprentissage des nombres et du calcul. De récentes études ayant suggéré que leurs difficultés en mathématiques pourraient résulter d’un problème de compréhension de la signification des nombres (cf. Les bases cérébrales de la dyscalculie [lien interne]) ou de mémoire verbale, la meilleure méthode de remédiation est probablement d’identifier les régions qui portent les difficultés de l’enfant et d’intervenir en particulier sur elles.

    • Dans le cadre de difficultés du système numérique principal, il peut ainsi être utile de renforcer  la compréhension des quantités, ainsi que le lien entre les symboles et les quantités qu’ils représentent ;
    • Pour des difficultés liées plus spécifiquement à la mémoire verbale, une intervention ?? sera plus adaptée.

    Des stratégies dans un avenir proche

    Des stratégies de réhabilitation formellement testées par la recherche pour leur pertinence et leur efficacité dans les différents types de dyscalculie devraient apparaître dans les prochaines années.

  • Dyscalculie, outils et jeux

    La Course aux Nombres

    Lien : http://www.lacourseauxnombres.com/nr/home.php
    Ce logiciel ludique a été développé par Anne Wilson et Stanislas Dehaene dans le but de permettre à des enfants de 4 à 8 ans de s’entraîner à la manipulation de quantités et/ou de remédier à une dyscaculie. Le jeu s’appuie sur la connaissance scientifique actuelle des mécanismes cérébraux et en particulier sur l’hypothèse que la dyscaculie est la conséquence d’un déficit du système numérique particulier ou de la connexion de ce système avec les deux autres circuits que forment le traitement des chiffres arabes et celui des “noms de nombres” (cf. Le “triple code” [lien interne vers Les bases cérébrales du calcul]).
    Ce jeu contient un algorithme d’adaptation automatisé capable de détecter les domaines dans lesquels l’enfant a le plus de difficultés : il présente ainsi les problèmes de manière pertinente par rapport au niveau de l’enfant, de manière à ce qu’ils soient assez difficiles pour représenter un défi, mais également assez faciles pour éviter de décourager l’enfant.

    L’Attrape-Nombres

    Lien : http://www.attrape-nombres.com/an/home.php
    Ce jeu, auquel on peut jouer directement en ligne, s’adresse aux enfants de 4 à 10 ans. Il peut aider les enfants âgés de 5 à 8 ans à apprendre les divers formats des nombres et le “complément à 10”, ainsi qu’à pratiquer leurs compétences calculatoires de base. En renforçant les mécanismes cérébraux impliqués dans la représentation et la manipulation des nombres, il peut également aider les enfants dyscalculiques de 5 et 11 ans.

    Autres applications pédagogiques

    D’autres applications pédagogiques sont enfin disponibles pour les tablettes. Certaines d’entre elles semblent excellentes à utiliser dans un but éducatif. Elles sont malheureusement pour la plupart disponibles uniquement pour les I-pads, et seulement en anglais. Quelques exemples :
    Hungry Fish (ainsi que d’autres applications proposées par MotionMath)
    Math Drills Lite
    Zoom into Numbers (équipe Umizoomi Math)