Mon Cerveau à l'école

Quelques éléments de sciences cognitives pour les enseignants et les parents

  • L’écran peut être un outil phénoménal pour apprendre,  à condition d’accompagner vos enfants dans sa découverte!

    Les écrans télévisés et les smartphones sont omniprésents dans l’environnement des enfants aujourd’hui. Dans les médias, nous entendons de nombreux arguments catastrophistes sur le devenir des enfants qui sont très exposés aux écrans. Mais qu’en est-il réellement de ces associations entre le développement du langage des enfants et la quantité et le contexte de la consommation d’écrans (télévision, ordinateur, tablette, smartphone…) ?

    Que dit la littérature?

    Il existe un rapport extrêmement bien documenté du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) présentant l’analyse des données scientifiques sur les effets de l’exposition des enfants et des jeunes aux écrans.

    Plusieurs études ont mis en avant qu’un enfant exposé longuement aux écrans (> à 2 heures par jour), et restant seul face à l’écran, équivaut à laisser un enfant seul dans un coin de pièce longtemps sans interagir avec lui, ou à laisser un enfant non lecteur face à un livre sans l’accompagner dans la lecture (Madigan et al (2019), HSCP, Gassama et al).

    La surexposition peut aussi entraîner la sédentarité et le surpoids chez l’enfant (augmentation de l’IMC….) deux fléaux de nos sociétés ( Tremblay et al, 2011 ; Carson et al., 2016 ; Okely et al., 2012 ; Vandewater et al 2006 ;). Les effets sur l’alimentation sont à mettre en relation avec le fait de manger déséquilibré et calorique devant la télévision et avec le manque d’activités. L‘impact sur le sommeil est également documenté (Calamaro et al, 2012 ; Carte et al 2016; Hale et Guan, 2015 ; Thomée, 2018). Cet impact peut s’expliquer par différents facteurs comme le taux de luminosité et son effet sur la sécrétion de mélatonine et le retardement de l’endormissement ; l’excitation due aux contenus et aux interactions sociales.

    Nombreuses sont les études qui montrent que par-delà l’écran, c’est le manque d’interactions entre les adultes et les enfants qui affectent le plus le développement du langage de ces enfants (Aishworiya et al, 2019 ;Duch et al, 2013, Madigan et al, 2020 ; Madigan et al, 2019 (Association television…), Mc Kean et al, 2015 ; Mendelshon et al 2008 ; Zimmerman et al, 2009).

    Par ailleurs, certaines études montrent que les enfants issus de milieux qui ne parlent pas correctement la langue du pays dans lequel ils vivent, peuvent bénéficier des écrans. L’exposition aux écrans bénéficierait plus aux enfants issus de l’immigration, dont les parents ne parlent pas bien la langue locale, car ils seraient exposés à la grammaire et au vocabulaire de cette langue via les émissions qu’ils regardent et la langue qu’ils entendent . C’est le seul bénéfice trouvé à une exposition sans l’interaction avec les parents (cf chapitre dédié dans le MOOCLa petite culture du numérique : le développement du tout petit à l’ère du numérique“).

    Les résultats de la cohorte française EDEN

    Dans un travail de recherche sur la cohorte française EDEN, publié récemment dans la revue Scientific reports (Martinot et al, 2021), qui suit 1562 enfants depuis leur naissance en 2004, ces associations ont été analysées aux âges de 2, 3 et 5-6 ans, tout en prenant en compte les nombreux éléments qui constituent l’environnement de vie d’un enfant (les caractéristiques de sa famille, sa fratrie, les interactions entre adultes et enfants, les jeux, la nutrition, le sommeil, et plus encore).

    Etonnamment, les scores linguistiques les plus faibles étaient chez les enfants regardant <30min ou >2h de télévision par jour, aux âges de 2, 3 et 5-6 ans. MAis surtout, la télévision allumée en permanence dans la maison (par opposition à jamais) était associée à un plus faible score de développement du langage à 2 ans, à 3 ans et à 5-6 ans. Ces résultats vont dans le sens des études indiquant que tout élément nuisant à la qualité de l’interaction entre un adulte et un enfant (comme une télévision allumée en fond pendant un repas familial), sera associé à un moins bon développement du langage de l’enfant.

    Les adultes doivent aussi réfléchir à leur consommation des écrans.

    Passer son temps sur son téléphone plutôt que de jouer et d’échanger avec son enfant, diminue bien évidemment les occasions d’apprentissage de l’enfant

    Mais aussi, interrompre l’échange pour répondre à un coup de téléphone est mauvais: Les enfants retiennent moins de nouveaux mots d’un échange interrompu que d’un échange qui a été à son terme, même si l’échange interrompu reprend ensuite.

    Recommandations

    Accompagnement des parents

    Concernant le langage, étonnement, ce n’est pas la durée d’exposition devant un écran qui compte, mais l’intensité et la qualité des accompagnements qu’un adulte développe avec l’enfant, pendant et après qu’il ait visionné l’écran:

    Qu’as tu appris ? raconte moi l’histoire que tu as vue” .

    Encouragez votre enfant à vous raconter ce qu’il a compris, ce qu’il trouve drôle, ce qu’il trouve triste, Faites pratiquer les nouveaux mots de vocabulaire entendu par l’enfant via l’écran.

    En ce qui concerne la durée d’exposition, selon la littérature, on remarque que ce sont les extrêmes qui parlent le moins bien : ceux qui regardent l’écran plus de 2h par jour (cf références plus haut), mais aussi, ceux qui ne regardent pas du tout d’écran et jouent seuls (sans adulte qui interagit avec eux). 

    Distinction utilisation passive ou interactive

    Il y a une distinction importante à faire sur l’usage des écrans. L’utilisation passive des écrans que ce soit la télévision, l’ordinateur ou la tablette, et l’usage interactif des écrans (via ordinateur ou tablette…)

    En ce qui concerne l‘utilisation passive des écrans , en particulier de la télévision, il y de nombreuses années de recul aujourd’hui pour connaître un certain nombre de conséquences sur le plan langagier, des apprentissages, de l’attention, du sommeil, de l’alimentation (cf rapport du HCSP et une revue de la littérature en français par nos collègues du babylab de Nanterre, Rana Esseily et Bahia Guellai) Ce n’est pas forcément l’écran en soi le soucis mais ce qu’on ne fait pas si on regarde passivement un écran : pas d’interactions sociale, pas d’activité physique…

    L’usage interactif des écrans mérite d’être davantage étudié avec des études contrôles randomisées et longitudinales avant de pouvoir donner des conclusions. Nous manquons encore de recul afin d’identifier précisément les conséquences positives ou négatives dans les différents domaines.

    LES 3 C (CONTENU – CONTENANT – CONTEXTE)

    Encore une fois ce n’est pas l’écran en soi qui compte mais quel est le contenu visionné, sur quel contenant et dans quel contexte (cf aussi Chapitre 3 du MOOC plus bas)?

    En fonction du contenu des programmes proposés aux enfants, l’impact sur le langage ou les apprentissages n’est pas le même. Par exemple, un gain de vocabulaire a été montré avec des programmes comme “Dora l’exploratrice” alors que les enfants regardant “Teletubbies” auront des mots de vocabulaire en moins. Par ailleurs, chez les enfants de 5 à 18 ans, lorsqu’internet est utilisé à des fins scolaires, il y a une corrélation significative positive avec les résultats scolaires (métaanalyse de Adelantado-Renau et al., 2019).

    Il existe également une certaine influence du rythme et des caractéristiques formelles (montage, nombre de scènes, vitesse) (Lillard, Peterson, 2011).

    Le contenant (télévision VS ordinateur, tablette, console ou smartphone) est également un aspect important à prendre en compte car la télévision ne pourra prodiguer qu’un usage passif alors que les autres supports peuvent permettre un usage interactif (et donc potentiellement ludique, social ou pédagogique). Certains programmes ont été conçus pour obtenir un effet pédagogique. Cet effet doit bien sûr être mesuré avant de croire sur parole le développeur du logiciel!

    Enfin, le contexte de visionnage des écrans est un point fondamental. Est-ce que la télévision est allumée en arrière plan ? pendant les repas ? L’enfant a-t-il accès aux écrans dans sa chambre ? Y’a-t-il une présence parentale afin d’accompagner l’enfant dans la découverte de l’écran ? (cf résultats cohorte EDEN et impact présence TV dans la chambre sur le sommeil).

    Pour un usage raisonné

    Chez le tout petit, avant 3 ans, les interactions sociales et verbales et la découverte sensorimotrice de son environnement doivent être au cœur des activités quotidiennes. L’usage des écrans peut se faire de façon très ponctuelle dans une utilisation interactive et toujours accompagnée (une visio avec les grands parents et échanger avec eux ; quelques jolies photos ou très courtes vidéos d’animaux que l’on va commenter avec son enfant ; une lecture interactive d’un album jeunesse…).

    Plus tard, l’important est que cette utilisation soit accompagnée, raisonnée et dans une certaine mesure contrôlée par les parents.

    Différentes recommandations existent (en voici certains exemples):

    3/6/9/12 de Serge Tisseron ;

    les 3C (cf plus haut);

    règle des 4 PAS de Sabine Duflo.


    Pour résumer:
    Le choix du contenu et la discussion autour du contenu sont primordiaux.
    II est évidemment important de limiter le temps passé devant les écrans et privilégier d’autres activités.
    Il peut être très utile de définir des zones et des moments SANS écran (chambre, repas, au coucher, …). Les parents doivent aussi ne pas consulter leurs écrans (smartphone) pendant les moments d’échange

    Il peut être intéressant de mettre en place des règles familiales d’usage définissant:

    • Quoi ? (contenu actif, créatif, pédagogique, social, récréatif, …)
    • Quand ? A quel moment de la journée, combien de temps, pas pendant les repas, ..
    • Où ? (pas dans la chambre…)
    • Les règles doivent être explicites et les parents doivent montrer l’exemple bien sûr ;-)

    En Suède, il existe un site pour les parents qui les aident à évaluer la connaissance qu’ils ont de l’utilisation des écrans par leurs enfants et si celle ci est bien “raisonnée et accompagnée”:
    – est-ce qu’ils connaissent la fréquence d’utilisation des écrans par leur enfant?
    – est ce qu’ils connaissent le contenu ?
    – est ce qu’ils discutent du contenu avec leur enfant?

    Si la réponse est OUI aux trois questions, l’utilisation semble raisonnée et “maîtrisée ;-). En effet, il est aussi important de ne pas “diaboliser” les écrans.

    Ressources pour aller plus loin

    Livres

    Comment utiliser les écrans en famille?
    Elena PASQUINELLI

    MOOC

    L’ensemble de ces éléments sont également mis en avant par les nombreux chercheurs qui ont participé au MOOC sur le numérique et la petite enfance, développé par les chercheurs des Premiers CRIs, et intitulé:

    La petite culture numérique : le développement du tout-petit à l’ère numérique

    Dans une démarche interdisciplinaire, le MOOC “La petite culture numérique : le développement du tout-petit à l’ère numérique” réunit de nombreux acteurs et actrices de la petite enfance (chercheur·e·s, professionnel·le·s de petite enfance, designers, acteurs et actrices politiques, etc.). En cinq épisodes, ce MOOC questionne la relation du jeune enfant à la culture numérique et encourage l’éveil de l’esprit critique de chacun·e autour d’un sujet encore en pleine exploration. Plus qu’un simple partage de connaissances, il s’agit de créer avec tou·te·s les participant·e·s une communauté apprenante de la petite enfance au XXIème siècle.

    Les webinaires sont toujours disponibles sur la chaîne Youtube des “Premiers cris”.

    Voici également une bibliographie issue du MOOC.

    Score HOME

    Heureusement pour nous tous, les Canadiens ont rassemblé les éléments que vous pouvez mettre en place avec vos enfants à la maison pour encourager et stimuler le développement de leur langage. C’est le score HOME et il comprend 32 idées de stimulants, dont notamment prendre le temps de lire avec son enfant, lui chanter des chansons, l’encourager à apprendre des comptines, l’encourager à raconter sa journée, jouer avec lui à des jeux qui stimulent son éveil et sa curiosité.

    Voici les éléments du Score HOME

    1. Stimuler à travers les jeux, les jouets, et les matériels de lecture
    • Faire des casse-têtes
    • Jouets et jeux qui permettent la libre expression (peinture, dessin, musique)
    • Jouets et jeux qui nécessitent la motricité fine (coloriage, découpage)
    • Jouets facilitant l’apprentissage des nombres (jeux de cartes)
    • Accompagner son enfant autour d’un livre pour enfants
    • La présence de livres visibles dans l’appartement
    • La famille achète un journal et le lit : l’enfant voit ses proches lire
    • La famille est abonnée à un magazine
    • L’enfant est encouragé à apprendre les formes géométriques

    2. Stimuler le langage de l’enfant

    • Jouer à des jeux pour apprendre les animaux (jouets, livres)
    • L’enfant est encouragé à apprendre l’alphabet 
    • Les parents utilisent une grammaire et une prononciation adéquate
    • Les parents encouragent l’enfant à partager et à raconter ses expériences « Qu’as-tu fait aujourd’hui ? »

    3. Développer l’amour, l’affection, la chaleur

    • Les parents prennent l’enfant près d’eux (pendant la lecture d’une histoire, ou pour regarder un imagier)
    • Les parents échangent régulièrement avec l’enfant lors des visites d’amis ou de proches
    • Les parents répondent verbalement aux sollicitations de l’enfant
    • Les parents font spontanément l’éloge de leur enfant
    • Les parents embrassent, caressent et câlinent leur enfant
    • Les parents instaurent des situations où l’enfant peut se montrer et mettre en avant ses productions
    • Les parents ne pratiquent pas de punition physique avec l’enfant

    4. Stimuler pour les apprentissages académiques

    • L’enfant est encouragé à apprendre des modèles de discours (comptines, chansons, poèmes)
    • L’enfant est encouragé à apprendre les relations spatiales
    • L’enfant est encouragé à apprendre les chiffres
    • L’enfant est encouragé à identifier quel est le son de chaque lettre qu’il connait, puis des groupes de lettres qu’il identifie « B + A = BA » (ce sont les syllabes et les phonèmes)
    • L’enfant est encouragé à apprendre à lire

    5. Encourager à une maturité sociale

    • L’enfant a parfois la permission de choisir sa collation
    • La famille possède une télévision et l’utilise judicieusement
    • L’enfant peut exprimer des sentiments négatifs sans subir de réprimande

    6. Variété dans les stimulations

    • Instruments de musique
    • L’enfant est amené en sortie (pique-nique, forêt, visite de ferme, ..)
    • L’enfant est amené en voyage
    • Les productions de l’enfant sont exposées dans la maison
    • L’enfant prend ses repas en compagnie de ses parents

    Réferences

    Adelantado-Renau, M., Moliner-Urdiales, D., Cavero-Redondo, I., Beltran-Valls, M.R., Martínez-Vizcaíno, V., and Álvarez-Bueno, C. (2019). Association Between Screen Media Use and Academic Performance Among Children and Adolescents: A Systematic Review and Meta-analysis. JAMA Pediatr.

    Aishworiya, R., Cai, S., Chen, H. Y., Phua, D. Y., Broekman, B. F., Daniel, L. M., … & Law, E. C. (2019). Television viewing and child cognition in a longitudinal birth cohort in Singapore: the role of maternal factors. BMC pediatrics19(1), 286.

    Calamaro, C. J., Yang, K., Ratcliffe, S., & Chasens, E. R. (2012). Wired at a young age: the effect of caffeine and technology on sleep duration and body mass index in school-aged children. Journal of Pediatric Health Care26(4), 276-282.

    Carter, B., Rees, P., Hale, L., Bhattacharjee, D., & Paradkar, M. S. (2016). Association between portable screen-based media device access or use and sleep outcomes: a systematic review and meta-analysis. JAMA pediatrics170(12), 1202-1208.

    Duch H, Fisher EM, Ensari I, et al. Association of screen time use and language development in Hispanic toddlers: a cross-sectional and longitudinal study. Clin Pediatr (Phila). 2013;52(9):857-865. doi:10.1177/0009922813492881

    Gassama M, Bernard J, Dargent-Molina P, Charles M-A. Activités physiques et usage des écrans à l’âge de 2 ans chez les enfants de la cohorte Elfe. 2018:24.

    Hale, Lauren, and Stanford Guan. “Screen time and sleep among school-aged children and adolescents: a systematic literature review.” Sleep medicine reviews 21 (2015): 50-58.

    HCSP, Haut Conseil de Santé Publique. Effets de l’exposition Des Enfants et Des Jeunes Aux Écrans.; 2019. https://www.hcsp.fr/Explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=759. Accessed March 17, 2020.

    Lillard, A. S. ; Peterson, J. 2011. « The immediate impact of different types of television on young children’s executive function », Pediatrics, 128(4),p. 644-649.

    Madigan, S., Browne, D., Racine, N., Mori, C., & Tough, S. (2019). Association between screen time and children’s performance on a developmental screening test. JAMA pediatrics173(3), 244-250.

    Madigan S, McArthur BA, Anhorn C, Eirich R, Christakis DA. Associations Between Screen Use and Child Language Skills: A Systematic Review and Meta-analysis. JAMA Pediatr. March 2020.doi:10.1001/jamapediatrics.2020.0327

    Madigan S, Racine N, Tough S. Prevalence of Preschoolers Meeting vs Exceeding Screen Time Guidelines. JAMA Pediatr. November 2019. doi:10.1001/jamapediatrics.2019.4495-

    McKean C, Mensah FK, Eadie P, et al. Levers for Language Growth: Characteristics and Predictors of Language Trajectories between 4 and 7 Years. PLoS ONE. 2015;10(8):e0134251. doi:10.1371/journal.pone.013425

    Martinot, P., Bernard, J.Y., Peyre, H. et al. Exposure to screens and children’s language development in the EDEN mother–child cohort. Sci Rep 11, 11863 (2021). https://doi.org/10.1038/s41598-021-90867-3

    Mendelsohn AL, Berkule SB, Tomopoulos S, et al. Infant Television and Video Exposure Associated With Limited Parent-Child Verbal Interactions in Low Socioeconomic Status Households. Arch Pediatr Adolesc Med. 2008;162(5):411-417. doi:10.1001/archpedi.162.5.411

    Okely, A., Salmon, J., Vella, S., Cliff, D., Timperio, A., Tremblay, M., Trost, S., Shilton, T., Hinkley, T.,
    Ridgers, N., et al. (2012). A Systematic Review to update the Australian Physical Activity Guidelines
    for Children and Young People. Report prepared for the Australian.

    Thomée, S. (2018). Mobile phone use and mental health. A review of the research that takes a psychological perspective on exposure. International journal of environmental research and public health15(12), 2692.

    Tremblay, M.S., LeBlanc, A.G., Kho, M.E., Saunders, T.J., Larouche, R., Colley, R.C., Goldfield, G., and
    Gorber, S.C. (2011c). Systematic review of sedentary behaviour and health indicators in school-aged
    children and youth. Int. J. Behav. Nutr. Phys. Act. 8, 98.

    Vandewater EA, Bickham DS, Lee JH. Time well spent? Relating television use to children’s free-time activities. Pediatrics. 2006;117(2):e181-191. doi:10.1542/peds.2005-0812

    Zimmerman FJ, Gilkerson J, Richards JA, et al. Teaching by Listening: The Importance of Adult-Child Conversations to Language Development. Pediatrics. 2009;124(1):342-349. doi:10.1542/peds.2008-2267

    Un immense merci à Stéphanie Iannuzzi, neuropsychologue au CRTLA de Toulouse et à Pauline Martinot, thésarde dans l’équipe pour l’aide à l’élaboration de cet article et pour les précieuses références.

  • LE SOMMEIL

    On ne le redira jamais assez, le sommeil est fondamental pour les apprentissages! Son fonctionnement est passionnant . Nous vous livrons ici quelques ressources pour les petits et les grands afin de mieux comprendre et percer les mystères du sommeil!

    Mieux dormir pour mieux apprendre!

    De nombreux spécialistes du sommeil et des liens avec le développement et les apprentissages ont pu intervenir lors d’une conférence internationale organisée en mars 2022. Vous pouvez la revisionner ici:

    Un note de synthèse est aussi disponible qui synthétise les dernières avancées de la recherce et les recommandations et résume les différentes interventions de la journée.

    • Découvrez les besoins en sommeil des êtres vivants et plus particulièrement des êtres humains à tous les âges de la vie.
      • Saviez-vous qu’un adolescent devrait dormir 9h par nuit ?
      • Saviez-vous que la REGULARITE est aussi importante que la durée (se coucher environ à la même heure chaque soir)?
    Voici les besoins en nombres d’heures de sommeil par 24h selon les âges.

    • Découvrez aussi les bienfaits de la sieste en maternelle.
    • Découvrez pourquoi on devrait décaler le début de l’heure des cours des adolescents.
    • Comment limiter le temps d’écrans le soir peut favoriser un meilleur sommeil chez les adolescents
    • Découvrez les interventions menées à l’école et plus précisément “Mémé ton pyj” (cf plus loin)

    Consolidation, un des piliers fondamentaux des apprentissages

    La consolidation des acquisitions fait partie des 4 piliers fondamentaux des apprentissages, décrits dans l’ouvrage “Apprendre, les talents du cerveau, le défi des machines!“, de Stanislas DEHAENE.

    Pour les parents et enseignants, voici une de ses conférences filmées au Collège de France sur l’importance du sommeil dans la consolidation des apprentissages

    Conférence Stanislas Dehaene : La consolidation des apprentissages et l’importance du sommeil

    Pour les enfants, voici maintenant une petites vidéo très pédagogique sur ces fameux piliers soulignant encore une fois l’importance du sommeil pour la consolidation des acquisitions.

    Articles pour les enfants … et les plus grands

    Nous avons traduit et adapté plusieurs articles du site anglophone “Frontiers for young minds” destiné aux enfants. Vous trouverez ci-après 2 articles ludiques et pédagogiques pour expliquer d’une part la science des rêves et d’autre par pourquoi il est fondamental de bien dormir pour mieux apprendre!

    Malette pédagogique “Mémé Tonpyj

    Des chercheurs et médecins spécialistes du sommeil se sont associés à des enseignants et des dessinateurs pour créer un programme pédagogique visant à expliquer le sommeil aux élèves. Ce programme aborde 4 thèmes : les rythmes du sommeil, les rôles du sommeil, les besoins en sommeil et les amis/ennemis du sommeil au travers de supports ludiques, bandes dessinées, dessins animés, posters, affiches…

    Une étude récente a été effectuée dans des classes de CE2 (Rey et al, 2020) Après utilisation de ce programme pédagogique, l’étude montre une amélioration de la durée du sommeil de 30 minutes par nuit en moyenne ainsi qu’une amélioration des capacités attentionnelles et académiques et des capacités de mémorisation à long terme.

    Mémétonpyj

    Pour découvrir et télécharger la malette pédagogique c’est ici : https://memetonpyj.fr/

    Réseau Morphée

    Si vous voulez en savoir davantage sur le sommeil à tous les âges de la vie et trouver d’autres ressources pédagogiques, rendez-vous sur le réseau morphée .

    C’est pas sorcier

    Pour les enfants et leurs parents, Sabine et Jamy sont sur les traces du sommeil et plus récemment Fred nous eplique aussi Comment le sommeil nous aide à mieux apprendre?

    Bonne lecture et faîtes de beaux rêves!

  • Le retour à l’Ecole

    Bonheur des enfants à retrouver leurs camarades et leur maitresse. Enthousiasme des enseignants à revoir leurs élèves de visu mais anxiété de l’infection. La période est inédite. Beaucoup de solutions ont été trouvées pendant le confinement. Comment enchainer? Retrouver le contact, notamment avec ceux qui ont été perdus de vue? Faire le lien entre la maison et l’école? …

    Le retour à l’Ecole est en effet crucial pour tous les enfants mais notamment pour ceux qui ne peuvent bénéficier d’aide dans leur famille. Rappelons ces faits:

    • L’inégalité scolaire reste très marquée dans notre pays. Le risque de sortie sans diplôme est fonction de l’origine sociale : 38% des enfants d’inactifs sortent sans diplôme, 18% des enfants d’ouvriers non qualifiés et 22% des enfants d‘employés de service contre seulement 2% des enfants d’enseignants et 4% des enfants de cadres.
    • Les inégalités se creusent gravement lorsque les enfants vulnérables sont scolarisés de manière intermittente (Downey et al., 2004).
    • Les années de maternelle ont un effet cumulatif dans les apprentissages fondamentaux, tels que la lecture (Skibbe et al., 2011), et le calcul (Wang et al., 2013). Comme le montre l’enquête Pisa de 2015, chaque mois de maternelle en moins se traduit par de moindres capacités scolaires à 15 ans.
    • Quelle qu’en soit l’origine, la déscolarisation des élèves vulnérables a sur eux de graves conséquences cognitives, tels que les troubles de l’attention avec hyperactivité, l’illettrisme, les tendances aux comportements addictifs ou violents. (Diamond & Lee, 2011).

    Attention aussi aux changements de comportement des enfants qui peuvent signaler des situations de détresse (voir ci-dessous le document rédigé par l’équipe psychiatrique de Robert Debré (Ap-HP)
    Quelques pistes parmi beaucoup d’autres:

    Sortir du confinement: document du CSEN

    Attention aux situations de détresse

  • Comment le cerveau apprend à associer deux choses et à se souvenir de ces associations?

    Ce texte de Leila Reddy, Matthew W. Self et Pieter L. Roelfselma publié dans Frontiers for young minds en janvier 2020, a été traduit de l’anglais et adapté par S.Desmidt, Marie Palu et G. Dehaene-Lambertz.

    Résumé
    En permanence, nous associons différents éléments de notre environnement entre eux: un enfant avec son prénom, son visage avec sa voix, la mer avec les vacances, une chanson avec un anniversaire. Comment s’y prend le cerveau pour retenir ces associations arbitraires? Nos collègues (Leila Reddy, Matthew W. Self et Pieter L. Roelfselma) ont étudié comment le cerveau crée ces liens. Ils ont demandé à des participants de retenir certaines associations pendant qu’ils enregistraient l’activité des cellules nerveuses du cerveau (neurones). Ils ont découvert qu’au fur et à mesure que les participants apprenaient ces associations, des neurones dans l’hippocampe changeaient leur réponse et répondaient aux associations apprises.


    COMMENT LE CERVEAU CREE-T-IL DES LIENS ENTRE DES OBJETS APPARENTÉS ?

    Imaginez que votre ami vienne de recevoir un nouveau chien. Votre cerveau apprend rapidement cette relation entre le chien et votre ami. Chaque fois que vous voyez ce chien, vous savez qu’il appartient à votre ami. Comment le cerveau se souvient-il de ce lien et de tous les liens entre choses, évènements, circonstances?


    ÉCOUTER LES NEURONES

    Les neurones sont des cellules spéciales de notre cerveau. Il en existe des milliards, et ils sont responsables de tout ce que nous pensons et faisons. Par exemple, chaque fois que vous regardez quelque chose, un groupe de neurones se met en marche et transmet des messages à d’autres neurones sur ce que vous regardez. Donc, si nous voulons savoir si un neurone a été activé par quelque chose (par exemple, votre ami ou son chien), nous devons être capables d’écouter ces messages. Lorsque les neurones sont actifs, ils s’envoient leurs messages sous forme de petits courants électriques. Ces courants électriques peuvent être mesurés à l’aide de minuscules fils appelés électrodes. Chaque neurone a une très petite voix (le courant électrique est très faible). Donc, pour écouter chaque neurone, nous devons placer les électrodes très près de lui. Cela signifie que les électrodes doivent être insérées dans le cerveau, tout près des neurones que nous voulons écouter.


    COMMENT ECOUTER LE CERVEAU HUMAIN ?

    L’insertion d’électrodes dans le cerveau humain est inhabituelle. Cependant, dans certaines situations, les médecins doivent insérer des électrodes dans le cerveau de leurs patients pour en écouter l’activité électrique. Par exemple, chez les patients souffrant d’épilepsie, des groupes de neurones commencent à se parler de manière anormale, et les messages qu’ils s’envoient se mélangent pendant quelques minutes. Dans de nombreux cas, les patients perdent conscience et tombent par terre. Les médecins doivent donc découvrir d’où provient ce bavardage anormal pour pouvoir l’arrêter. Dans les cas extrêmes d’épilepsie, les médecins doivent insérer des électrodes dans le cerveau du patient pour trouver l’origine de l’anomalie. L’hippocampe est une zone du cerveau qui est souvent étudiée à l’aide d’électrodes et il joue un rôle important dans l’apprentissage et la mémoire. Son nom est lié au fait que sa forme ressemble un peu à un hippocampe (petit animal marin).

    La plupart des patients qui ont ces électrodes insérées dans leur cerveau ne s’opposent pas à ce que l’on fasse des études qui ne sont pas destinées à guérir leur maladie, mais qui peuvent aider les scientifiques à comprendre comment fonctionne le cerveau. Dans une expérience typique, les patients sont assis dans leur lit d’hôpital, ou sur une chaise dans leur chambre d’hôpital et les électrodes sont reliées à des ordinateurs qui enregistrent l’activité électrique des neurones


    LES NEURONES S’ACTIVENT LORSQUE NOUS REGARDONS LES CHOSES

    Avant de vous montrer ce que font les neurones lorsque vous apprenez à associer des éléments entre eux, il est important de comprendre d’abord ce qu’ils font lorsque vous regardez quelque chose. Pour comprendre, comment les neurones répondent, les scientifiques comptent le nombre de fois où les neurones se mettent en marche, ou déchargent. Cette réponse est mesurée en Hertz, une unité de fréquence.

    Nous avons donc d’abord montré des images aux patients sur un écran d’ordinateur. Nous voulions savoir si les neurones répondaient à une ou plusieurs des images que nous leur montrions. Huit patients ont participé à cette première expérience [2]. Nous leur avons montré une centaine de photos différentes de personnes célèbres, comme les actrices Jennifer Aniston ou Halle Berry, de lieux célèbres comme l’opéra de Sydney ou la tour Eiffel, ainsi que des photos de personnes et de lieux non célèbres, d’animaux, de véhicules, etc.

    Pour chaque photo, nous avons compté le nombre de décharges de chaque neurone pour chaque photo (figure 1). Dans l’exemple de la figure 1, un neurone d’un patient avait de nombreux pics électriques (décharges) en réponse à une photo de l’actrice Jennifer Aniston et à la photo d’un éléphant, mais ce même neurone ne réagissait pas à la photo du joueur de basket-ball.

    Figure 1 – (A) L’hippocampe est une structure située assez profond dans le cerveau.
    (B) Chaque neurone réagist à des images particulières. Ici, vous voyez la réponse du même neurone à trois images. L’image est présentée sur l’écran de l’ordinateur pendant le temps entre les lignes pointillées bleues. Avant et après cette période, l’écran de l’ordinateur reste vide. Si un neurone réagit à une image particulière, sa réponse augmente lorsque l’image est présentée par rapport à la période précédant la présentation de l’image. Ceci est le cas pour les deux premières images, mais pas pour la troisième image.

    Nous nous sommes ensuite demandés si un neurone qui répond à une image donnée pourrait également répondre à des images associées. Par exemple, un neurone qui répond au visage de face de Jennifer Aniston réagirait-il aussi à différentes images de l’actrice ou à son nom écrit ? Pour répondre à cette question, nous avons montré à nouveau au patient de nombreuses images, mais cette fois-ci, nous avons inclus sept nouvelles photos de Jennifer Aniston. Les photos étaient très différentes les unes des autres – par exemple, certaines photos la montraient de face, d’autres la montraient souriante, d’autres encore la montraient debout dans un environnement différent, etc. Nous avons constaté que le même neurone se déclenchait pour toutes les différentes photos de l’actrice, mais très peu pour d’autres photos sans Jennifer Aniston. Un autre neurone d’un autre patient a réagi à l’actrice Halle Berry (figure 2). Ce qui était très intéressant, c’est que ces neurones ne réagissaient pas à une image particulière mais à une idée abstraite, ce que le patient savait de Jennifer Aniston (ou de Halle Berry pour le second patient)! Les deux neurones de la figure 2 proviennent de deux patients différents, et nous avons trouvé des neurones similaires chez tous les autres patients également.

    Figure 2 – Deux neurones chez deux patients différents qui répondent à des images différentes de la même personne.
    La première ligne montre la réponse d’un neurone de l’hippocampe qui a réagi à sept images différentes de l’actrice Jennifer Aniston. Ce neurone n’a pas réagi aux images d’un célèbre joueur de basket-ball, comme vous l’avez vu sur la figure 1B. La hauteur des barres indique l’intensité de la réponse du neurone – plus la barre est haute, plus la réponse est forte. La deuxième rangée montre la réponse d’un autre neurone de l’hippocampe, chez un autre patient, qui répondait à différentes vues de l’actrice Halle Berry. Ce neurone a réagi à des photographies, à un dessin au trait de l’actrice, Halle Berry déguisée en Catwoman, et aussi à son nom. Dans ces deux exemples, les neurones répondent à des images différentes mais associées


    LES NEURONES DE L’HIPPOCAMPE HUMAIN RELIENT-ILS DES OBJETS ASSOCIES ?

    Ces exemples montrent que des images différentes mais apparentées ont été associées et que donc certains neurones répondent à des associations. Cette découverte a conduit à l’hypothèse suivante: Est-ce que lorsque vous apprenez à associer deux objets (par exemple, votre ami et son chien), le neurone qui répondait pour votre ami va-t-il aussi répondre pour le chien [3]?

    Pour tester cette hypothèse, nous avons mené une autre expérience dans laquelle un nouveau groupe de huit patients a dû apprendre que deux objets étaient associés [4] et nous avons vérifié comment répondaient les neurones de l’hippocampe.

    Comme dans la première étude, nous avons d’abord cherché les neurones qui répondaient à des personnes célèbres, comme l’acteur Brad Pitt, puis nous avons fait apprendre une nouvelle association à nos participants. Par exemple Brad Pitt possède cette voiture rouge (exemple de la figure 3). Est-ce que le neurone réagissant à Brad Pitt va ensuite aussi répondre à l’image de la voiture rouge? Nous avons donc compté le nombre de décharges du neurone à l’image de la voiture rouge avant que les patients n’apprennent le lien et après. Si notre hypothèse est correcte, le neurone devrait augmenter sa réponse à la voiture rouge une fois que les patients ont commencé à associer les deux images.

    Figure 3 – (A) Nos patients ont été invités à établir des associations entre différentes images, par exemple, l’image d’une voiture rouge avec l’image de l’acteur Brad Pitt. (B) Exemple de la réponse d’un neurone de l’hippocampe: à gauche, avant que le patient n’apprenne l’association (le neurone ne répond qu’à l’image de Brad Pitt), à droite, après l’apprentissage de l’association (le neurone réagit maintenant beaucoup plus à la voiture rouge).

    La réponse d’un neurone avant et après l’apprentissage est illustrée en figure 3. Avant que le patient n’apprenne l’association, le neurone ne répondait pas à la voiture rouge. Cependant, une fois que le patient a appris à faire le lien entre l’image de la voiture rouge et l’image de Brad Pitt, les neurones qui, au début, ne répondaient qu’à Brad Pitt ont également commencé à répondre à l’image de la voiture rouge. En d’autres termes, lorsque le patient a créé un lien entre ces deux images, le neurone a également fait le lien entre elles. Là encore, le neurone illustré à la figure 3 est un exemple provenant d’un patient. Nous avons obtenu des résultats similaires chez 36 autres neurones de ce groupe de huit patients.


    CONCLUSIONS

    Grâce à cette étude, nous avons découvert que les neurones de l’hippocampe relient entre eux des éléments/événements qui se produisent ensemble. En d’autres termes, quand dans notre vie quotidienne, nous associons constamment toutes sortes de nouveaux éléments (comme votre amie et son prénom), les neurones de l’hippocampe sont occupés à créer ces nouvelles associations dans notre cerveau.

    Combien de temps les neurones de l’hippocampe stockent-ils ces liens ? Supposons que vous changiez d’école et que vous ne voyiez plus vos anciens camarades. Combien de fois devrez-vous vous souvenir de leurs visages et de leurs noms pour que ces liens demeurent ? Après un certain temps, l’hippocampe ne maintient plus ces informations et les transferre à d’autres régions du cerveau pour un stockage à long terme, mais on ne sait pas au bout de combien de temps, cela se produit. Ces questions cruciales sur la façon dont les souvenirs se créent, où et comment ils sont stockés et quels sont les facteurs qui déterminent s’ils sont conservés ou oubliés ne sont pas résolues et il faut des recherches supplémentaires sur comment notre cerveau fabrique les souvenirs.


    Glossaire

    Électrode : Un petit fil inséré dans le cerveau qui permet d’écouter l’activité cérébrale.

    Epilepsie : L’épilepsie est une maladie neurologique. Pour en savoir plus, voici un excellent article : Qu’est-ce que l’épilepsie et comment pouvez-vous aider quelqu’un qui en souffre ? [1]).

    Hippocampe : Une structure cérébrale essentielle pour l’apprentissage et la mémoire.

    Hertz (symbole : Hz): Unité de mesure de la fréquence de répétition d’un événement pendant une seconde (s-1 ou 1s).

    [1] Rogers, S. and Buzsáki, G. 2019. What Is Epilepsy and How Can You Help Someone With It? Front. Young Minds. 7:52. doi: 10.3389/frym.2019.00052

    [2] Quiroga, R. Q., Reddy, L., Kreiman, G., Koch, C., and Fried, I. 2005. Invariant visual representation by single neurons in the human brain. Nature 435:1102–7. doi: 10.1038/nature03687

    [3] Reddy, L., and Thorpe, S. J. 2014. Concept cells through associative learning of high-level representations. Neuron 84:248–51. doi: 10.1016/j.neuron.2014.10.004

    [4] Reddy, L., Poncet, M., Self, M. W., Peters, J. C., Douw, L., van Dellen, E., et al. 2015. Learning of anticipatory responses in single neurons of the human medial temporal lobe. Nat. Commun. 6:8556. doi: 10.1038/ncomms9556


    Citation

    Reddy L, Self M and Roelfsema P (2020) How Does the Brain Learn to Link Things Together?. Front. Young Minds. 8:144. doi: 10.3389/frym.2019.00144

  • Comment s’aider de nos souvenirs pour apprendre ?

    Ce texte de Marlieke van Kesteren et Martijn Meeter, publié dans Frontiers for young minds en avril 2020, a été traduit de l’anglais et adapté par S.Desmidt, Marie Palu et G. Dehaene-Lambertz.

    Résumé
    Se souvenir est une fonction cérébrale essentielle. Pensez-y : que se passerait-il si vous ne vous souveniez de rien ? Vous ne pourriez pas vous souvenir de ce que vous apprenez à l’école. En fait, vous ne sauriez même pas que vous devez aller à l’école, ni où se trouve votre école! Beaucoup de gens pensent que la mémoire peut être comparée à un enregistrement vidéo stocké sur votre disque dur, qui reste identique et qu’il suffit de rejouer. Mais ce n’est pas ainsi que la mémoire fonctionne. Elle fonctionne plutôt comme les sites d’information sur Internet qui changent sans cesse de contenu en fonction de ce qui se passe dans le monde, avec également de nombreux liens vers d’autres sites web où se trouvent des informations associées. Pour bien mémoriser et se souvenir, il y a donc de nombreuses étapes qui changent votre cerveau pendant et après l’apprentissage. Un facteur très important pour l’apprentissage est le savoir déjà stocké. Il est en effet plus facile d’ajouter de nouvelles informations lorsque vous savez déjà beaucoup de choses, ce qui va sembler à nouveau paradoxal à beaucoup de gens. Nous vous montrons comment vous pouvez utiliser vos vieilles connaissances pour vous souvenir des nouvelles choses que vous apprenez à l’école.


    LES VIELLES CONNAISSANCES FACILITENT LA MEMORISATION DES NOUVELLES

    Prenez un moment pour réfléchir à tout ce que vous savez déjà. Considérez les événements de la vie, les gens que vous connaissez, les livres que vous avez lus, les jeux auxquels vous avez joué, les choses que vous avez apprises à l’école, etc… C’est beaucoup, n’est-ce pas ? Eh bien, il est très utile d’avoir toutes ces connaissances stockées dans votre cerveau. Ces connaissances vous aident à comprendre le monde qui vous entoure, mais elles facilitent aussi l’apprentissage de nouvelles informations, puisque vous pouvez relier ces nouvelles informations à ce que vous savez déjà. Par exemple, si vous savez déjà certaines choses sur le cerveau parce que vous avez déjà parcouru notre site, il vous sera probablement plus facile de vous souvenir de ce qui est écrit dans cet article. Les nouvelles informations ont plus de chances de “coller” à la structure de connaissances que vous avez déjà [1].


    COMMENT FONCTIONNE LA MÉMOIRE DANS VOTRE CERVEAU

    Dans le cerveau, il existe de nombreuses régions qui aident à stocker les souvenirs. La plus importante est appelée hippocampe (car il a la forme du petit poisson marin). Sans votre hippocampe, vous ne pourriez pas apprendre de nouvelles informations [2]. Les scientifiques pensent que l’hippocampe retient rapidement les associations entre éléments. Par exemple, lorsque vous apprenez que les poissons pondent des œufs, l’hippocampe établit un lien entre “poissons” et “œufs” (voir figure 1 et aussi l’article sur les associations). La mémoire elle-même n’est pas dans l’hippocampe, mais sans son aide, vous ne pourriez pas retenir les différents éléments qui composent la scène que vous devez mémoriser. C’est ce qui se produit lorsque l’on oublie quelque chose : les différents éléments sont toujours là, mais ils ne peuvent plus être reliés entre eux.

    Figure 1 – Voici une vue de profil du milieu de votre cerveau
    Vous pouvez voir l’hippocampe, en rouge (il ne ressemble pas autant au petit animal marin), et le cortex préfrontal médian, en bleu. L’hippocampe relie les différents éléments d’une scène mémorisée, ce qui permet de s’assurer que les souvenirs restent détaillés et vifs, comme lorsque vous vous souvenez de l’époque où votre poisson rouge a pondu des œufs. Le cortex préfrontal médian peut également vous aider à vous souvenir d’informations, mais on pense qu’il le fait en intégrant de nouvelles connaissances à la structure de vos connaissances antérieures (les souvenirs y sont moins détaillés et plus généralisés). Cette intégration peut créer des fausses croyances, comme lorsque vous pensez à tort qu’un dauphin, parce qu’il ressemble à un poisson, pond également des œufs alors qu’en fait il donne naissance à des bébés dauphins, comme la vache à de petits veaux car le dauphin est un mammifère et pas un poisson.


    Une autre région du cerveau, appelée cortex préfrontal médian, vous aide à mémoriser des informations, mais les scientifiques pensent que cette région apprend différemment de l’hippocampe [3]. En fonction de ce que vous savez déjà, le cortex préfrontal médian détermine où placer au mieux les nouvelles informations et les relie ensuite à vos connaissances antérieures. Cela signifie que lorsque vous apprenez un nouveau type de poisson, comme le poisson-clown, votre cortex préfrontal médian va immédiatement relier cet animal à “ponte des œufs”, car vous saviez déjà que votre poisson rouge pond des oeufs et comme le poisson clown est un poisson, alors vous savez qu’il pond des oeufs sans avoir besoin de l’apprendre. C’est un fait nouveau que votre cortex préfrontal médian vous a permis de découvrir. Ce processus s’appelle l’intégration, ce qui signifie combiner différents éléments en un seul [4]. Il est donc très utile d’utiliser ce processus d’intégration lorsque vous devez mémoriser de nouvelles informations.


    À L’ÉCOLE

    Il peut être très utile d’utiliser activement ce que vous savez déjà pour retenir de nouvelles informations [5]. Vous pouvez le faire de différentes manières. Avant de commencer une leçon, vous pouvez revoir ce que vous avez appris auparavant (par exemple, que les poissons pondent des œufs). Ou, tout en étudiant, vous pouvez faire une pause et réfléchir à ce que vous venez d’apprendre et à la façon dont ces nouvelles connaissances se relient à ce que vous connaissez déjà. Cela vous aidera à utiliser votre cortex préfrontal médian pour intégrer ces informations et mieux les mémoriser pour les examens. En outre, cette intégration enrichit vos connaissances en mettant en évidence de nouveaux liens et donc en visualisant mieux la structure de vos connaissances, ce qui vous aidera pour l’acquisition de futures connaissances.

    Parfois, nous pouvons aussi utiliser des “astuces” pour relier de nouvelles connaissances à nos connaissances précédentes, c’est que font les mnémonistes (les sportifs de la mémoire). Par exemple, lorsque vous apprenez une liste de mots, vous pouvez relier chacun des mots à un endroit de votre chambre ou à un autre environnement familier. C’est ce qu’on appelle la méthode des loci (loci signifie “lieux” en latin [6]). Elle est utilisée par de nombreuses personnes pour se souvenir d’informations arbitraires, comme une longue liste de courses. Lorsque vous regardez la liste d’épicerie, vous pouvez imaginer chaque article quelque part dans votre salon (par exemple, une boîte de glace sur le canapé), et lorsque vous êtes au supermarché, il vous suffit de penser à votre canapé pour vous souvenir de ce que vous vouliez acheter. Avec un peu d’entraînement, cette méthode fonctionnera pour vous aussi ! La méthode des loci ou palais de la mémoire est bien expliquée sur le site jeretiens.net


    ÊTRE CONSCIENT DES FAUX SOUVENIRS

    Malheureusement, il n’y a pas que de bonnes nouvelles. S’appuyer fortement sur la structure des connaissances peut également conduire à des souvenirs incorrects ou fausses croyances. Prenez par exemple l’exemple de la phrase “les poissons pondent des œufs”. Que se passe-t-il lorsque la leçon suivante est sur les dauphins ? Comme les dauphins ressemblent à d’autres poissons et que vous en savez déjà beaucoup sur les poissons, vous pourriez penser qu’ils pondent aussi des œufs. Mais ce n’est pas le cas. Les dauphins sont des mammifères, donc les dauphins donnent naissance à des bébés dauphins, tout comme les humains. Nous appelons ces faux souvenirs des fausses croyances. Ces fausses croyances peuvent surgir lorsque vos connaissances antérieures sont déjà très structurées. Cette idée fausse rendra difficile la mémorisation lorsque vous apprendrez un fait qui ne correspond pas à la structure (que le dauphin qui ressemble plus à un poisson qu’à une vache ne pond pas d’œufs). Dans ce cas, votre cortex préfrontal médian ne doit pas intégrer le dauphin dans votre schéma de poisson. Votre hippocampe doit plutôt intervenir pour créer un souvenir distinct. Comment y parvenir ?


    CONSEILS

    Voici quelques conseils pour vous aider à utiliser vos connaissances antérieures lorsque vous apprenez de nouvelles choses à l’école. Ces conseils devraient également vous aider à éviter ou à vous débarrasser des idées fausses :

    Réactivez : Lorsque vous apprenez de nouvelles informations, réactivez la connaissance des structures correspondantes. Fermez les yeux et prenez un moment pour vous souvenir de ce que vous avez appris auparavant sur ce sujet et de la façon dont il est lié aux nouvelles informations que vous voulez apprendre.

    Élaborez : Essayez de relier les nouvelles informations à différents types de connaissances de structures. Par exemple, lorsque vous devez apprendre en biologie que les dauphins sont des mammifères, vous pouvez maintenant faire le lien avec vos souvenirs sur les mammifères, le petit baleineau près de sa mère que vous avez vu dans un film, etc.. et non utiliser la similarité visuelle avec les poissons. Plus vous faites de liens avec le groupe de connaissances pertinent, mieux vous pouvez intégrer les nouvelles informations et bien les mémoriser. L’établissement de liens solides et détaillés peut également éviter la formation d’idées fausses.

    Espacez, répétez et alternez : Le meilleur moyen de créer et de structurer vos connaisances est d’apprendre et de répéter les nouvelles informations par petits morceaux au fil du temps : des heures, des jours, voire des semaines. L’alternance de différents sujets, de sorte que vous n’étudiez pas toujours la même chose, peut également être bénéfique pour votre mémoire.

    Rappelez-vous et posez des questions : Une fois que vous avez appris quelque chose, rangez votre livre ou votre ordinateur et essayez de vous souvenir de ce que vous venez d’apprendre, en utilisant simplement votre cerveau. Vous pouvez aussi vous poser des questions sur ce que vous avez appris. sans regarder trop vite les réponses et en vous aidant des connaissances reliées. Par exemple est ce que la maman dauphin a des mamelles? Maintenant que vous savez que le dauphin ne pond pas des oeufs car il est un mammifère, vous savez donc que la maman dauphin allaite son petit et a donc des mamelles comme la vache, la jument et la gazelle. Se poser des questions aide à intégrer les informations dans les bons schémas et vous pourrez utiliser les questions plus tard pour vous interroger et interroger vos camarades de classe. Pour éviter les malentendus, assurez-vous de toujours vérifier si votre mémoire était correcte !

    Enseignez aux autres : Une très bonne façon d’organiser ses connaissances est d’enseigner à vos camarades de classe. A tour de rôle : lisez quelque chose, intégrez ces nouvelles informations, dormez (voir le rôle du sommeil pour stabiliser la mémoire) puis essayez de l’expliquer à quelqu’un d’autre. Là encore, vérifiez toujours après coup si vous avez fait des erreurs et discutez de ce que vous ne comprenez pas vraiment.

    Souvenez vous de cette phrase de Boileau “Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément.” Expliquer clairement aux autres est le test ultime du succès de votre apprentissage et de la bonne structure de vos connaissances.

    Dormez : C’est peut-être le conseil le plus étrange parce que cela n’arrive pas à l’école, mais le sommeil est indispensable pour apprendre. Il stabilise les connaissances utiles et élimine les informations moins importantes. Pensez-y quand vos parents vous disent qu’il est l’heure de vous coucher ! et ne jouez pas à l’ordinateur mais lisez une dernière fois votre leçon avant de vous endormir!

    Repérez les idées fausses : Soyez toujours conscient lorsque des informations contredisent le schéma que vous étiez en train de construire ou que deux informations qui semblent très proches ne vont en fait pas ensemble. Essayez de vous faire un nouveau souvenir, très vif. Pour l’exemple du dauphin, pensez à un petit dauphin avec sa maman qui saute hors de l’eau et couine bruyamment et tout d’un coup se rapproche d’elle comme le petit veau se rapproche de sa maman pour téter. Cette image rapprochera le dauphin des mammifères et évitera la confusion avec les poissons. Plus vous utiliserez de détails et de sens pour ce souvenir, mieux cela sera !

    Des phrases un peu rigolotes ont la même fonction de créer un souvenir que vous pouvez récupérer rapidement comme “je viens de m’apercevoir qu’apercevoir ne prend qu’un p” ou “Viens mon chou, mon bijou, sur mes genoux, avec tes joujoux, et ne jette pas de caillou sur ce hibou plein de poux.” pour les mots en ou qui prennent un x au pluriel


    RÉJOUISSEZ-VOUS !

    Essayez d’utiliser ces conseils lorsque vous apprenez de nouvelles choses à l’école ou à la maison, et vous constaterez que vous apprendrez beaucoup mieux. Nous espérons que cet article vous aidera à prendre du plaisir à apprendre !


    Glossaire

    Hippocampe : Une région du cerveau qui vous aide à vous souvenir en reliant différentes parties d’une mémoire entre elles.

    Cortex préfrontal médian : Une région du cerveau qui vous aide à intégrer de nouveaux souvenirs à votre connaissance des schémas.

    Méthode des Loci : Une technique de mémoire dans laquelle vous reliez les choses dont vous voulez vous souvenir à un endroit bien connu.

    Fausse croyance : Un souvenir incorrect.

  • Comment les scientifiques utilisent les statistiques, les échantillons et les probabilités pour répondre aux questions de recherche

    Ce texte de Jessica Sendef et Arryn Robins publié dans Frontiers for Young Minds en septembre 2019, a été traduit et adapté de l’anglais par S.Desmidt, Marie Palu et G. Dehaene-Lambertz.

    Résumé
    Des études montrent qu’une personne pose environ 20 questions par jour en moyenne! Bien sûr, certaines de ces questions peuvent être simples, comme demander à votre professeur si vous pouvez aller aux toilettes, mais d’autres peuvent être complexes et la réponse difficile à trouver, comme “ce médicament est-il efficace dans cette maladie”? C’est pour ces questions que les statistiques sont utiles car elles permettent de tirer des conclusions à partir d’un échantillon de données. Les statistiques sont donc la “science des données”. Elles sont utilisées dans tous les secteurs d’activité pour répondre à des questions de recherche ou d’affaires. Par exemple, elles peuvent aider à prédire quelle vidéo vous aimeriez regarder à partir de celles que vous avez déjà regardées. Mais pour les spécialistes des sciences sociales et les psychologues, les statistiques sont un outil indispensable pour répondre aux questions de recherche.


    POSER DES QUESTIONS DE RECHERCHE

    Les scientifiques posent de nombreuses questions auxquelles les statistiques permettent de répondre. Par exemple, un psychologue pourrait s’intéresser à la manière dont les performances d’un test sont affectées par la quantité de sommeil de l’élève la veille du test. Le type d’analyse statistique effectué dépend de la question posée et des variables mesurées. Les variables sont des facteurs, des traits ou des conditions qui peuvent être continus (comme la taille) ou discrets (comme le sexe, masculin ou féminin).

    Figure 1 – L’échantillonnage aléatoire est un moyen de choisir un échantillon de manière à ce qu’il représente le plus exactement la population.
    Dans l’échantillonnage aléatoire, chaque individu de la population a une chance égale d’être sélectionné pour l’échantillon. Dans cet exemple, chaque couleur de la population est également présente dans l’échantillon, et les proportions de chaque couleur sont représentées de façon similaire dans l’échantillon.



    L’ÉCHANTILLONNAGE D’UNE POPULATION

    Pour répondre à une questions de recherche, il n’est souvent pas possible de recueillir des informations auprès de tous les membres de la population concernée. Par exemple, pour savoir si le sommeil affecte les résultats des tests, il est impossible de recueillir des informations sur le sommeil et les résultats des tests de tous les élèves du monde ! C’est pourquoi les données sont recueillies auprès d’un échantillon d’individus qui doivent représenter au mieux la population, et donc que les caractéristiques de l’échantillon soient similaires à celles de l’ensemble de la population. Par exemple, les chercheurs s’assurent que les échantillons comportent les mêmes groupes d’âge ou les mêmes groupes ethniques que l’ensemble de la population (Figure 1).
    Par exemple, un vétérinaire est intéressé par le calcul du poids moyen de tous les chiens, il pèse cinq chiens, calcule le poids moyen de son échantillon et conclut que le poids moyen de tous les chiens se situe entre 4,5 et 7 kg. Si vous êtes un amoureux des chiens, vous soupçonnez que ce chiffre n’est pas correct. Certains chiens sont gros, et donc la moyenne devrait être plus élevée. Et si le vétérinaire n’avait pesé que des chihuahuas ? Dans ce cas, il ne peut certainement pas dire que tous les chiens pèsent entre 4,5 et 7 kg, mais seulement que les chihuahuas pèsent entre 4,5 et 7 kg. Cet échantillon ne contenant qu’une seule race n’est pas représentatif de tous les types de chiens. Donc le vétérinaire aurait dû d’abord s’assurer que son échantillon représente bien la population qu’il veut mesurer.

    L’échantillonnage aléatoire est une méthode essentielle de sélection des individus d’un échantillon. Les scientifiques utilisent l’échantillonnage aléatoire pour garantir que chaque individu de la population a une probabilité égale d’être sélectionné. Cela permet de s’assurer que l’échantillon est similaire à la population globale.


    L’ESTIMATION À PARTIR D’UN ÉCHANTILLON

    Une fois que le scientifique a rassemblé l’échantillon, il ou elle peut vouloir tirer des conclusions sur cet échantillon et généraliser les résultats à l’ensemble de la population. Par exemple, un scientifique peut vouloir connaître le nombre moyen d’heures de sommeil des enfants de 12 ans chaque nuit, ou la taille moyenne des lycéens aux États-Unis. Afin d’estimer la valeur d’une variable dans une population (comme la taille moyenne), les scientifiques calculent une estimation ponctuelle à partir de l’échantillon. Une estimation ponctuelle est un nombre qui permet d’estimer la valeur réelle d’une variable dans une population, souvent il s’agit d’une moyenne. Par exemple, si nous voulons connaître le nombre moyen d’enfants par ménage dans la ville de Chicago, nous rassemblons un échantillon aléatoire de familles à Chicago et nous demandons à chaque famille combien d’enfants vivent dans leur maison. Ensuite, en utilisant ces informations, nous calculons le nombre moyen d’enfants de ces maisons pour obtenir notre estimation ponctuelle. Nous pouvons alors supposer que le nombre moyen d’enfants dans notre échantillon est très similaire au nombre moyen d’enfants dans toutes les familles de Chicago (figure 2).

    Figure 2 – Plutôt que d’aller dans chaque maison de Chicago pour déterminer le nombre moyen d’enfants par foyer, les scientifiques peuvent prélever un échantillon. Ici, le nombre d’enfants de chaque foyer de l’échantillon a été recueilli et la moyenne de l’échantillon a été calculée. Le scientifique a constaté que Chicago a une moyenne de deux enfants par ménage, ce que l’on appelle l’estimation ponctuelle.


    Les méthodes d’échantillonnage ne peuvent donner que des mesures partielles, c’est pourquoi les scientifiques utilisent des intervalles de confiance autour des estimations ponctuelles, pour indiquer l’intervalle de valeurs qui contient probablement la vraie moyenne d’une variable dans la population. Pour calculer l’intervalle de confiance, le scientifique doit d’abord calculer l’erreur standard. Cette erreur standard est ajoutée et soustraite d’une estimation ponctuelle. C’est une façon de représenter numériquement les erreurs de calcul et les erreurs d’échantillonnage de la population.

    Comment calculer un intervalle de confiance? Imaginons que nous avons rassemblé un échantillon de 49 élèves pour une étude sur le sommeil, et que nous constatons que la durée moyenne de sommeil des élèves est de 10,5 heures (notre estimation ponctuelle). Ensuite, nous devons déterminer l’écart type, c’est à dire la distance moyenne entre chaque mesure de chaque individu et la moyenne du groupe. Lorsque l’écart-type est faible, cela signifie que chaque individu est proche de la moyenne, et un grand écart-type signifie que les différences entre individus sont plus étalées. Dans notre échantillon, l’écart-type est de 1,5 h. Nous pouvons alors calculer la marge d’erreur à l’aide de cette formule :

    Dans cette formule, s représente l’écart-type (1,5 h) et n se réfère au nombre de points de données de notre échantillon (49 élèves). Si nous remplaçons les symboles par leurs valeurs correspondantes, nous calculons que notre marge d’erreur est de 0,42 h de sommeil. Nous ajoutons et soustrayons la marge d’erreur de notre estimation ponctuelle pour obtenir les limites inférieure et supérieure de l’intervalle de confiance. Les psychologues utilisent généralement un intervalle de confiance de 95% pour calculer la marge d’erreur (cela correspond à la valeur 1.96 dans la formule), ce qui signifie que nous pouvons être sûrs que, 95% du temps, notre intervalle de confiance contient la moyenne réelle de la population. Notre intervalle de confiance pour l’estimation ponctuelle dans notre exemple serait de 10,5 ± 0,42 h, c’est à dire entre 10,08 et 10,92 h. Cela signifie que, dans 95% des cas, le nombre d’heures de sommeil des élèves dans la population se situe entre 10,08 et 10,92 h (figure 3).

    Figure 3 – L’intervalle de confiance correspond à l’intervalle de valeurs qui contient probablement la véritable valeur moyenne d’une variable si toute la population était mesurée. Cet exemple montre le nombre moyen d’heures de sommeil dans notre échantillon (10,5 h). La barre montre l’intervalle de confiance à 95% autour de la moyenne, avec 0,42 h de sommeil ajouté et soustrait de la moyenne pour donner la marge d’erreur. L’intervalle de confiance montre que la véritable moyenne d’heures de sommeil des élèves dans la population générale se situe entre 10,08 et 10,92 h de sommeil.


    Les scientifiques peuvent réduire la marge d’erreur de plusieurs façons pour rendre leur estimation de la population plus précise. L’une d’elles est d’inclure davantage d’individus dans l’échantillon, de manière à ce que celui-ci soit plus représentatif de la population. Une autre est de s’assurer que la collecte des données est aussi exempte d’erreurs que possible afin de réduire la variabilité des données, par exemple en veillant à ce que tous les outils de mesure (comme les échelles, les enquêtes, les règles, etc.) soient précis dans ce qu’ils mesurent. Plus l’échantillon représente précisément la population, en utilisant un échantillonnage aléatoire et plus la collecte de données est fiable, plus la marge d’erreur est faible et plus l’intervalle de confiance est précis et permet d’estimer au mieux la valeur réelle dans la population.


    POSER DES QUESTIONS DE RECHERCHE PLUS COMPLEXES

    Parfois, les scientifiques veulent aller au-delà de la description de simples mesures comme la taille moyenne ou la durée de sommeil de la population. Disons que nous ne sommes pas seulement intéressés par la quantité de sommeil des élèves, mais nous voudrions aussi savoir si la quantité de sommeil affecte les performances aux tests que ceux-ci vont passer. La taille de l’effet est une valeur qui permet d’estimer l’ampleur d’un phénomène, ou d’estimer comment une variable (comme les heures de sommeil) influe sur une autre variable (comme les résultats des tests). Par exemple, si le fait de ne dormir que 3 h diminue seulement de quelques points la note des tests par rapport à 9 h de sommeil, il vaut mieux peut-être réviser que dormir. Cependant, si quelques heures de sommeil en moins, font chuter les performances des élèves de manière importante, vous devriez dormir.

    Il existe différentes façons de calculer la taille de l’effet, selon la question de recherche et le type de statistiques utilisées par un scientifique. Une fois qu’un scientifique a calculé la taille de l’effet, il peut déterminer si l’effet est petit, moyen ou grand. La taille de l’effet permet au scientifique, ainsi qu’aux autres personnes qui examinent les résultats, de mieux comprendre les effets que certaines variables ont sur d’autres variables de la population.


    CONCLUSIONS

    Les statistiques dont nous avons parlé dans cet article correspondent à celles utilisées le plus souvent en sciences sociales pour répondre à des questions simples sur la population générale à partir d’échantillons. Mais il existe toute une science des statistiques permettant de décrire les phénomènes scientifiques dans différents domaines. Les statistiques aident les médecins à savoir si tel ou tel médicament peut guérir telle ou telle maladie. Elles aident les ingénieurs à assurer la sécurité du véhicule dans lequel vous roulez. Cela ne s’arrête pas là ; il y a une infinité de questions auxquelles nous pouvons répondre grâce aux statistiques.


    Glossaire

    Population : Un groupe d’individus identifiés que les scientifiques veulent étudier.

    Variable : Facteur, trait ou condition qui est mesuré dans le cadre de la recherche.

    Échantillonnage aléatoire : Une façon de sélectionner des individus dans une population qui garantit que chaque individu a une probabilité égale d’être sélectionné.

    Estimation ponctuelle : Estimation d’une certaine valeur dans une population, comme une moyenne.

    Intervalle de confiance : Intervalle de valeurs autour de l’estimation ponctuelle, qui contient probablement la valeur réelle d’une variable dans la population générale.

    Marge d’erreur : Une valeur calculée ajoutée et soustraite à une estimation ponctuelle, qui est prise en compte en cas d’erreur de calcul.

    Écart-type : distance moyenne entre chaque point de données et la moyenne.

    Taille de l’effet : mesure de la force de l’effet observé.

  • Comment prêtons-nous  attention?

    Ce texte de George R.Mangun publié dans Frontiers for young minds, en mars 2020, a été traduit de l’anglais par S.Desmidt, Marie Palu et G. Dehaene-Lambertz.

    Résumé
    Comment pouvez-vous vous concentrer sur vos devoirs lorsque votre sœur court dans la pièce en poursuivant le chien ? Votre cerveau vous aide à le faire, en modifiant l’intensité des images et des sons provenant du jeu distrayant de votre sœur. Les signaux sensoriels qui entrent dans votre cerveau par vos yeux et vos oreilles doivent être traités dans les zones sensorielles du cerveau, et le système d’attention du cerveau vous aide à gérer les informations sensorielles de sorte que les informations les plus importantes soient traitées avec une priorité élevée. Les scientifiques peuvent enregistrer les signaux électriques dans le cerveau pour montrer que l’attention modifie la force des signaux. Ce qui est remarquable dans votre capacité à filtrer les informations sensorielles, c’est que ce que vous voulez ou devez voir ou entendre est principalement ce que vous voyez et entendez. Ainsi, votre cerveau n’enregistre pas simplement tout ce qui se passe autour de vous comme une caméra vidéo – au contraire, il vous aide à limiter vos perceptions aux choses les plus importantes.



    MAINTENANT VOUS LE VOYEZ, MAINTENANT VOUS NE LE VOYEZ PAS

    Quand j’étais enfant, mon père aimait s’allonger par terre pour regarder la télévision. Parfois, mes frères et sœurs ou moi-même lui posions une question sur un sujet de l’émission, mais il ne nous répondait pas. Nous disions “Papa…”, “Papa… !”, “PAPA !”, mais il ne semblait pas entendre. Nous courions alors et commencions à lui faire signe, et il ne répondait toujours pas jusqu’à ce que nous nous mettions entre lui et la télévision, à ce moment-là il riait et nous demandait ce que nous voulions.

    Un jour (alors qu’il ne regardait pas la télévision), j’ai demandé à mon père pourquoi il ne nous avait pas entendus ou vus jusqu’à ce que nous soyons juste devant lui, et sa réponse a été claire : il a dit qu’il faisait simplement attention à l’émission de télévision intéressante. À l’époque, je ne comprenais pas comment nos voix fortes ne pouvaient pas attirer son attention, mais maintenant, quelques décennies plus tard, je commence à comprendre. Le cerveau possède des mécanismes puissants qui nous permettent de concentrer notre attention sur certaines choses (comme une émission de télévision) et d’éviter d’autres sons ou images distrayants (comme des enfants qui crient et font des signes de la main). Nous appelons cette capacité des organismes à prêter attention aux informations pertinentes l’attention sélective [1], et nous savons maintenant beaucoup de choses sur la façon dont le cerveau s’y prend.

    Figure 1 – Comment l’attention influence-t-elle le temps de réaction ?
    Les quatre cases grises représentent les écrans d’ordinateur. Dans la rangée du haut, lorsque le participant fixe la croix au milieu de l’écran, une flèche pointant vers la gauche apparaît. Après un délai d’environ 1 s, l’image cible (rectangle blanc) apparaît à l’endroit prévu (côté gauche du moniteur). Sans détourner le regard de la croix, le participant doit appuyer sur un bouton aussi vite qu’il le peut, mais pas avant l’apparition de l’image cible. Lorsque la flèche prédit l’emplacement de la cible, le temps de réaction pour appuyer sur le bouton est relativement rapide (barre verte dans le graphique en haut à droite). Lorsque la flèche ne prédit pas correctement l’emplacement de la cible, comme on peut le voir dans la ligne inférieure, le temps de réaction est plus lent (barre verte dans le graphique en bas à droite).


    MESURER L’ATTENTION EN LABORATOIRE

    Comment pouvons-nous mesurer quelque chose qui se passe dans notre cerveau, comme notre capacité d’attention ? Le scientifique Michael Posner a développé un outil puissant pour mesurer l’attention visuelle, c’est-à-dire l’attention que nous portons aux choses que nous voyons [2]. Il a demandé à des étudiants de faire un test simple, dans lequel ils regardaient un écran d’ordinateur, en gardant leurs yeux concentrés sur un signe plus au milieu de l’écran. Des images clignotaient brièvement sur l’écran (des figures simples, comme des cercles ou des carrés), et les étudiants devaient appuyer sur un bouton aussi vite que possible, dès qu’ils voyaient les images. De cette façon, Posner pouvait mesurer leur temps de réaction (temps entre l’apparition de l’image et le moment où ils appuyaient sur le bouton). Mais il a également fait autre chose : avant de faire clignoter chaque image, il a donné aux élèves des informations importantes sur l’endroit de l’écran où l’image était le plus susceptible d’apparaître. Il a utilisé une simple flèche pour indiquer si l’image se trouverait sur le côté droit ou le côté gauche de l’écran (figure 1). Mais, dans environ 10 % des cas, la flèche était fausse. Comment cela a-t-il influencé le temps de réaction ?

    Posner a constaté que, lorsque la flèche prédisait correctement l’emplacement de l’image, les étudiants avaient un temps de réaction plus rapide que lorsque la flèche et l’emplacement de l’image ne correspondaient pas. La différence entre le temps de réaction lorsque l’image apparaît à l’endroit prévu et l’endroit inattendu est la mesure du temps de réaction de l’attention visuelle. Dans la tâche décrite ici, les étudiants ont prêté attention à l’image à un endroit (emplacement) spatial (endroit prévu, attendu) tout en ignorant l’autre endroit (endroit inattendu). Nous appelons donc cette “attention visuo-spatiale” pour la distinguer des situations où la couleur ou la forme d’un objet définissent son importance, au lieu de son emplacement.


    L’ACTIVITÉ CÉRÉBRALE TOUT EN ÉTANT ATTENTIF

    Alors, que se passe-t-il exactement dans le cerveau qui provoque des temps de réaction plus rapides pour les images attendues (suivies) dans l’expérience que nous avons décrite ci-dessus ? Chez l’homme, une méthode puissante utilisée pour examiner ce qui se passe à l’intérieur du cerveau consiste à enregistrer l’activité électrique produite par le cerveau lorsqu’il est actif. Les cellules cérébrales (neurones) s’envoient des informations entre elles en utilisant de petits signaux électriques. Ces minuscules signaux électriques peuvent remonter à travers les tissus et traverser le crâne et le cuir chevelu, où ils peuvent être enregistrés à l’aide d’électrodes (petits disques métalliques) fixées au cuir chevelu. Des dispositifs électriques, appelés amplificateurs, amplifient ces minuscules signaux afin que nous puissions les observer plus facilement. Cette méthode est appelée électroencéphalographie (EEG) et les signaux enregistrés sont appelés électroencéphalogrammes (EEG ou signaux EEG).

    Le signal EEG est produit par l’activité de milliers ou de millions de neurones dans le cerveau, et contient de nombreux signaux électriques différents provenant de plusieurs régions cérébrales à un moment donné. Par exemple, un signal EEG contiendra une activité électrique liée à la vision du rectangle blanc représenté sur la figure 1, mais contiendra également d’autres signaux électriques, comme ceux représentant la réponse du cerveau à tout son que la personne entend pendant l’exécution de la tâche (par exemple, de la musique ou une conversation en arrière-plan). Les scientifiques doivent donc utiliser une méthode intelligente, appelée calcul de la moyenne des signaux, pour déterminer quels signaux électriques proviennent réellement de la vision du rectangle. Cela se fait séparément pour les rectangles clignotants aux endroits prévus et aux endroits inattendus. Le signal électrique qui est spécifique à l’activité étudiée est appelé potentiel lié à l’événement (ERP). Décomposons ce terme : À partir de l’EEG, nous examinons les potentiels électriques qui sont liés à un événement particulier étudié – l’apparition du rectangle blanc [3]. Pour simplifier, nous pouvons simplement appeler ces ERP des ondes cérébrales.

    Depuis les travaux de scientifiques comme Robert Eason et Steven Hillyard dans les années 1970 [4, 5], on sait que les ondes cérébrales qui se produisent en réponse à des événements visuels et auditifs changent selon que la personne prête attention à la vue ou au son ou qu’elle les ignore. Dans l’expérience que nous avons décrite, nous avons vu que les ondes cérébrales étaient plus importantes pour l’image cible lorsqu’elle apparaissait à l’endroit prévu (figure 2). Cela signifie que les neurones visuels du cerveau ont eu une réponse électrique plus importante lorsque les participants à l’étude ont prêté attention à l’endroit prévu lorsque la cible est apparue. Ainsi, les signaux sensoriels auxquels nous prêtons attention sont amplifiés dans le cerveau et ceux auxquels nous ne prêtons pas attention sont réduits, comme le fait de monter ou de baisser le volume de la radio [6]. Comme vous l’avez peut-être deviné, l’image de la cible qui produit une plus grande réponse du cerveau entraîne également un temps de réaction plus rapide. Vous avez peut-être aussi deviné que les ondes cérébrales qui se produisent lorsque l’on fait attention sont plus rapides, ce qui entraîne des temps de réaction motrice plus rapides, mais ce n’est pas ce que l’on constate. Au contraire, des signaux cérébraux plus importants et plus forts, et non plus rapides, entraînent des temps de réaction plus rapides. Pourquoi ? Eh bien, nous pensons que les signaux électriques plus importants signifient que le traitement des images par le cerveau est amélioré, et que ce signal plus important produit une forte réponse cérébrale qui peut ensuite entraîner un traitement plus rapide dans le cerveau, ainsi que des mouvements plus rapides, ce qui se traduit par des temps de réaction plus courts.

    Figure 2 – Mesure des ondes cérébrales pendant une tâche d’attention.
    (Haut) Comme dans la figure 1, une flèche signale l’emplacement prévu du rectangle blanc qui apparaîtra environ 1 s plus tard. En réponse à la flèche, la personne déplace son attention vers l’emplacement prévu (lignes noires pointillées), tout en gardant les yeux concentrés sur le signe + (lignes noires continues). (En bas) Les ondes cérébrales en réponse à la tâche sont déterminées par la moyenne du signal de l’EEG, puis sont tracées. Le graphique montre l’intensité du signal électrique du cerveau (axe des y) dans le temps (axe des x). “t = 0” indique l’heure à laquelle le rectangle est apparu à l’écran. Les lignes fluctuantes sont les ondes cérébrales, et elles montrent une réponse électrique plus importante (en microvolts) au rectangle lorsque la personne est attentive à l’endroit où il apparaît (ligne rouge) par rapport à la situation dans laquelle l’attention de la personne est dirigée vers la droite (ligne bleue en pointillés) et elle ignore donc l’image de la cible gauche.


    QU’EST-CE QUE CELA SIGNIFIE SUR LA FAÇON DONT NOUS SOMMES CAPABLES DE FAIRE ATTENTION ?

    Considérons le cas de mon père qui regardait la télévision et que j’ai utilisé pour commencer cet article. Alors qu’il concentrait son attention sur les images de la télévision, son cerveau augmentait les réponses visuelles (et auditives) à l’émission de télévision dans son cerveau et supprimait d’autres entrées sensorielles qui ne l’intéressaient pas à ce moment-là. Ainsi, lorsque mes frères et sœurs et moi-même lui avons posé des questions, la raison pour laquelle il ne semblait pas nous voir ou nous entendre est que les signaux de son cerveau produits par nos voix et nos visages étaient supprimés, parce que son attention était concentrée sur la télévision. Toutes ces années plus tard, nous pouvons être rassurés sur le fait que notre père nous aimait et qu’il ne faisait pas semblant de ne pas nous entendre ou nous voir, car la science a expliqué pourquoi il ne réagissait pas tout de suite – son système d’attention cérébrale faisait son travail, l’aidant à se concentrer intensément sur la passionnante émission de télévision. Lorsque vous concentrez votre attention, votre cerveau fait la même chose : il modifie la force des images et des sons (et des touchers, des odeurs et des goûts) dans le monde qui vous entoure pour vous aider à faire du bon travail, quel qu’il soit.


    POURQUOI EST-CE IMPORTANT ?

    Pensez-y un instant : percevez-vous vraiment tout ce qui se trouve devant vous ? Essayez de fouiller un tiroir de bric-à-brac pour trouver quelque chose dont vous avez besoin – est-ce facile ? Si vous devez étudier pour un examen, est-ce que cela vous aide ou vous gène d’avoir de la musique forte, la télévision ou d’autres distractions ? L’attention est une fonction cérébrale de base dont les humains (et les animaux) ont besoin pour effectuer des tâches efficacement, et pour apprendre et survivre dans un monde potentiellement dangereux. L’attention vous permet de vous concentrer sur les choses les plus importantes du moment pour éviter que la distraction ne conduise à une catastrophe, et le cerveau a développé des méthodes puissantes pour y parvenir. Ces mécanismes sont apparus très tôt dans l’évolution, pas seulement chez les mammifères ou les humains, mais aussi chez des organismes simples. Au cours de l’évolution, ces mécanismes sont devenus de plus en plus raffinés et puissants, et aident les humains à se concentrer sur ce qui est le plus important à l’heure actuelle. Qu’il s’agisse de traquer une proie en suivant ses traces ou de se concentrer sur une question d’examen difficile, l’attention est là pour nous aider à réussir.

    Comprendre comment le cerveau permet une attention sélective est également important pour le traitement de certains handicaps, comme le trouble déficitaire de l’attention, qui touche une partie importante de la population et entraîne une diminution de la capacité à focaliser l’attention et à empêcher la distraction. De nombreux autres troubles impliquent également des problèmes d’attention. Les scientifiques et les médecins doivent donc comprendre les détails du fonctionnement du système attentionnel du cerveau, afin de développer des traitements permettant de corriger les nombreuses formes de problèmes d’attention que les gens peuvent rencontrer.


    Glossaire

    Attention sélective : Capacité des organismes à prêter attention aux événements sensoriels, pensées ou actions les plus importants, tout en ignorant les moins importants ou en les distrayant.

    Temps de réaction : Temps qu’il faut à une personne pour appuyer sur un bouton après qu’un événement se soit produit. Le temps de réaction est souvent mesuré en millisecondes, ou en millièmes de seconde.

    Électroencéphalogramme (EEG) : Enregistrement des signaux électriques du cerveau, effectué à l’aide d’électrodes placées sur le cuir chevelu humain.

    Potentiel lié à l’événement (ERP) : Un potentiel lié à un événement est le signal électrique du cerveau enregistré sur le cuir chevelu et déterminé à partir de l’EEG à l’aide de méthodes d’établissement de la moyenne des signaux. Comme son nom l’indique, l’ERP reflète le potentiel (le signal électrique) qui est lié à un événement, comme l’apparition d’une image cible.


    Références

    [1]  Posner, M. I. 2008. Measuring alertness. Ann. N. Y. Acad. Sci. 1129:193–9. doi: 10.1196/annals.1417.011

    [2]  Posner, M. I., Snyder, C. R., and Davidson, B. J. 1980. Attention and the detection of signals. J. Exp. Psychol. 109:160–74.

    [3]  Luck, S. J., Woodman, G. F., and Vogel, E. K. 2000. Event-related potential studies of attention. Trends Cogn. Sci. 4:432–40. doi: 10.1016/s1364-6613(00)01545-x

    [4] Van Voorhis, S., and Hillyard, S. A. 1977. Visual evoked potentials and selective attention to points in space. Percept. Psychophys. 22:54–62.

    [5]  Eason, R., Harter, M., and White, C. 1969. Effects of attention and arousal on visually evoked cortical potentials and reaction time in man. Physiol. Behav. 4:283–9.

    [6]  Mangun, G. R., and Hillyard, S. A. 1991. Modulations of sensory-evoked brain potentials indicate changes in perceptual processing during visual-spatial priming. J. Exp. Psychol. Hum. Percept. Perform. 17:1057–74.

    Citation

    Mangun G (2020) How We Pay Attention. Front. Young Minds. 8:29. doi: 10.3389/frym.2020.00029

  • Faites de la place : L’importance du raisonnement spatial pour l’apprentissage des mathématiques

    Ce texte de Katie A. Gilligan publié dans Frontiers for Young Minds en mai 2020, a été traduit de l’anglais par S.Desmidt, Marie Palu et G. Dehaene-Lambertz.

    Résumé
    Le raisonnement spatial vous permet de comprendre l’emplacement et la dimension des objets, ainsi que la manière dont les différents objets sont liés. Il vous permet également de visualiser et de manipuler des objets et des formes dans votre tête. Non seulement le raisonnement spatial est très important pour les tâches quotidiennes, mais de nouvelles recherches montrent qu’il est essentiel pour l’apprentissage des mathématiques. Les enfants et les adolescents qui sont doués pour les tâches spatiales sont également doués pour les questions de mathématiques. Nous savons également que certaines des parties du cerveau qui sont utilisées pour le raisonnement spatial sont également activées lorsque nous faisons des mathématiques. La bonne nouvelle, c’est que de nombreuses études ont montré que l’on peut améliorer son raisonnement spatial grâce à la “entraînement”. Cela signifie que la pratique de jeux spatiaux et d’activités spatiales peut améliorer vos performances spatiales. Dans cet article, nous examinons les moyens d’améliorer votre raisonnement spatial et nous nous penchons sur les preuves qui suggèrent que l’entraînement spatial peut également améliorer les mathématiques.


    INTRODUCTION

    Comment savez-vous comment organiser des objets, comme faire une valise ou ranger vos livres dans votre cartable ? Comment savez-vous mettre vos chaussures aux bons pieds et comment boutonner correctement votre chemise ? Comment s’orienter dans un centre commercial et comment savoir quoi faire si l’on descend du bus au mauvais arrêt ? Toutes ces tâches reposent sur des capacités spatiales. Les gens se fient à leurs capacités de raisonnement spatial des centaines de fois chaque jour sans s’en rendre compte.Même au-delà des activités quotidiennes, la plupart des gens, y compris les enseignants, ne se rendent pas compte que le raisonnement spatial peut influer sur vos résultats scolaires, en particulier dans les cours de mathématiques. Alors, qu’est-ce que le raisonnement spatial, et est-il possible d’en devenir un expert ?


    LE RAISONNEMENT SPATIAL : COMMENT LE MESURER ?

    Nous utilisons le raisonnement spatial pour comprendre l’emplacement (position) et les dimensions (telles que la longueur et la taille) des objets, et comment les différents objets sont liés les uns aux autres. Il est important de comprendre que le raisonnement spatial n’est pas seulement une compétence, mais un ensemble de compétences différentes. Certaines des compétences spatiales les plus importantes, et les tests utilisés par les scientifiques pour les mesurer, sont décrits ci-dessous.

    Rotation mentale

    La rotation mentale nous permet de tourner (manipuler) des images dans notre tête. Vous pouvez essayer un exemple si vous fermez les yeux et imaginez un objet comme une voiture. Maintenant, pouvez-vous imaginer à quoi ressemblerait la voiture si elle était retournée ? Pour ce faire, vous devez utiliser la rotation mentale. Dans la figure 1, vous pouvez voir un test de rotation mentale. Pouvez-vous choisir l’image du bas qui est la même que celle du haut ? Pour le savoir, vous devez tourner les vaches dans votre tête. Vous pouvez alors dire que la vache de gauche est la même que celle du dessus. Peu importe la façon dont vous tournez la vache à droite, elle sera toujours tournée dans la mauvaise direction. Pour réussir ce test, il faut faire une rotation mentale. Il n’est pas seulement possible de tourner des objets dans votre tête, vous pouvez aussi imaginer à quoi ressemblerait un objet s’il était cassé en deux, plié ou déformé.

    Figure 1 – Exemple de tâche de rotation mentale.


    Distinction figure-fond

    Les compétences de distinction figure-fond sont les compétences spatiales nécessaires pour séparer un objet ou une image d’un arrière-plan plus complexe. Cela nous permet de comprendre comment des structures compliquées sont constituées de parties séparées. Un exemple très simple est présenté à la figure 2. Pouvez-vous trouver la forme orange dans l’image plus compliquée ?

    Figure 2 – Exemple de tâche de distinction figure-fond

    Échelle spatiale

    L’échelle spatiale est la capacité à transformer les informations entre des représentations de tailles différentes. Par exemple, l’échelle spatiale est nécessaire pour pouvoir comprendre que l’image d’un parc que vous voyez sur la carte de votre téléphone représente le même parc que celui dans lequel vous vous trouvez. Un autre exemple est lorsque nous assemblons des meubles comme une armoire en utilisant des instructions sur papier avec de petits diagrammes. Pour construire l’armoire, vous devez être capable de comprendre que la petite image d’une porte d’armoire dans le diagramme représente la porte grandeur nature que vous avez déballée et que vous devez assembler. Sur chaque image de la figure 3, il y a une boule placée entre deux arbres. Quelle image du bas est la même que celle du haut ? Vous remarquerez que les deux images du bas ne sont pas de la même taille que celle du haut. Cela signifie que vous devez utiliser l’échelle spatiale pour les comparer (la bonne réponse est à gauche).

    Figure 3 – Exemple de tâche de mise à l’échelle spatiale.

    Navigation

    Les compétences en matière de navigation sont essentielles pour se déplacer dans notre environnement et nous amener aux endroits où nous devons aller. Pour naviguer correctement, vous devez être capable de comprendre les relations entre les bâtiments, d’utiliser des points de repère, d’imaginer à quoi ressembleront les rues ou les bâtiments selon différentes perspectives, d’apprendre les itinéraires et de comprendre la disposition de votre environnement.


    LE RAISONNEMENT SPATIAL EST IMPORTANT À L’ÉCOLE ET AU TRAVAIL

    Au-delà de son importance évidente dans la vie quotidienne, il s’avère que le raisonnement spatial est également importante pour la réussite scolaire, notamment pour les cours de mathématiques. Les personnes qui sont douées pour les tâches de raisonnement spatial obtiennent également des scores élevés aux tests de mathématiques. Le lien entre une bon raisonnement spatial et de bons résultats en mathématiques existe chez des personnes d’âges différents. Par exemple, des recherches ont montré que les enfants qui sont plus doués pour construire des éléments de construction réussissent mieux dans les tests de comptage et de nombres [1]. Pour les enfants de l’école primaire, de nombreux chercheurs ont montré que différents types de raisonnement spatial sont importants pour différentes tâches mathématiques [2]. Les enfants qui sont doués pour la mise à l’échelle spatiale sont également bons pour positionner les nombres sur une ligne de nombres, et les enfants qui sont doués pour la rotation mentale sont meilleurs pour effectuer des tâches de calcul avec des nombres manquants comme 3 + □ = 5. Pour les adultes, il est très important d’avoir de bonnes compétences spatiales pour certains emplois. Par exemple, les ingénieurs ont besoin de compétences spatiales pour visualiser la structure d’un pont ou d’un bâtiment, les géologues ont besoin de compétences spatiales pour pouvoir naviguer dans les paysages, les médecins ont besoin de compétences spatiales pour s’assurer qu’ils donnent des injections dans la bonne position et pour lire correctement les radiographies, et les biologistes ont besoin de compétences spatiales pour comprendre comment les aliments se déplacent dans les différentes parties de notre système digestif. Les recherches montrent que les personnes qui possèdent de bonnes compétences spatiales à l’adolescence sont plus susceptibles d’avoir un emploi dans les domaines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques à l’âge adulte.


    QUE FAIRE SI JE NE SUIS PAS DOUÉ POUR LES TÂCHES SPATIALES ?

    La bonne nouvelle est que si vous êtes quelqu’un qui n’est pas particulièrement doué pour les activités spatiales, vous n’avez pas à vous inquiéter. Le raisonnement spatial est une compétence cognitive qui semble particulièrement bien répondre à un entraînement. De nombreuses études ont tenté d’améliorer la capacité spatiale par différents types d’entraînement cognitif. Bien que le mot “entraînement” soit souvent associé à l’exercice physique, lorsque les spécialistes de la cognition (du cerveau) utilisent le mot “entraînement”, ils veulent généralement dire “pratique”. Cela signifie que l’”entraînement spatial” consiste généralement à s’entraîner à des tâches spatiales sur papier et crayon, à réaliser des jeux spatiaux sur un ordinateur ou à faire des activités spatiales comme construire des structures avec des blocs. De nombreuses études ont montré que si vous vous entraînez, votre raisonnement spatial peut être améliorée [3].

    La meilleure nouvelle vient de récentes recherches qui montrent que si vous améliorez votre raisonnement spatial, vous vous améliorez également dans les tests de mathématiques. Lorsque l’entraînement à une compétence entraîne l’amélioration d’une autre, on parle de transfert. Des études sur d’autres types de raisonnement ou fonctions cognitives montrent qu’il est très difficile d’obtenir un entraînement cérébral pour le transférer à des compétences non formées. Vous pouvez vous renseigner sur d’autres types d’entraînement cérébral et savoir si ils fonctionnent ici [7]. Par conséquent, l’entraînement spatial est assez singulier et important, car il est prouvé que l’entraînement de la pensée spatiale permet de transférer à d’autres compétences, par exemple les mathématiques.

    Les recherches récentes que j’ai menées ont montré que les enfants obtenaient des scores plus élevés à un test de mathématiques après avoir regardé une courte vidéo sur le raisonnement spatial [4]. D’autres chercheurs ont également montré que l’utilisation de tangrams, qui sont une sorte de puzzle, et d’autres jeux spatiaux peut améliorer les compétences en mathématiques [5]. Malheureusement, le raisonnement spatial n’est généralement pas enseignée dans les écoles. Cependant, il existe de nombreuses façons de l’introduire facilement dans votre vie à la maison et à l’école. Vous pouvez notamment utiliser davantage de diagrammes et de graphiques pour vous aider lorsque vous apprenez de nouveaux sujets à l’école, utiliser davantage de vocabulaire spatial, notamment des mots comme “ci-dessus, au-dessus, autour, à travers, parallèle, symétrique” et des gestes lorsque vous expliquez des idées difficiles à vos amis ou à vos jeunes frères et sœurs, vous entraîner à construire des choses avec des blocs, des Lego ou des puzzles, assembler des meubles ou même emballer des cadeaux. Il est également possible que certains jeux informatiques comme Minecraft (où les joueurs doivent utiliser des blocs en 3D pour construire des structures comme des maisons et des villes) ou des jeux qui demandent aux joueurs de naviguer dans des labyrinthes ou des espaces peu familiers, puissent également améliorer le raisonnement spatial.


    POURQUOI LE RAISONNEMENT SPATIAL EST-IL IMPORTANT POUR LES MATHÉMATIQUES ?

    En tant que chercheurs, une question à laquelle nous essayons toujours de répondre est de savoir pourquoi les compétences spatiales et mathématiques sont liées. En d’autres termes, pourquoi les personnes qui sont douées pour le raisonnement spatial sont-elles également douées pour les mathématiques ? Une possibilité est que les mêmes parties du cerveau que nous utilisons pour les tâches spatiales soient également utilisées pour les mathématiques. L’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) est un moyen de voir quelles parties du cerveau sont activées (mises en marche) lorsque nous effectuons des types d’activités spécifiques. Cette technique utilise un scanner qui montre quelles parties du cerveau sont actives à différents moments. Par exemple, elle peut être utilisée pour savoir quelle partie du cerveau devient active lorsque nous effectuons une activité mathématique. Les recherches montrent que certaines compétences spatiales et mathématiques reposent sur une partie similaire du cerveau, le lobe pariétal [6]. Cela signifie que les programmes d’entraînement qui nous encouragent à utiliser le raisonnement spatial pourraient renforcer les connexions entre les neurones (cellules cérébrales) dans cette partie du cerveau. Cela serait utile à la fois pour le raisonnement spatial et les mathématiques.


    CONCLUSION

    La prochaine fois que vous essaierez de mettre autant de vêtements que possible dans votre valise, ou que vous suivrez attentivement la carte sur votre téléphone, rappelez-vous combien vos capacités spatiales sont précieuses. Peut-être même plus que les capacités de lecture, d’écriture et de calcul, les capacités de raisonnement spatial ont un impact énorme sur la façon dont nous nous déplaçons et fonctionnons dans notre vie quotidienne. En outre, comme le souligne cet article, le fait de saisir davantage d’occasions de pratiquer notre raisonnement spatial pourrait également améliorer nos compétences en mathématiques. Faisons de l’espace pour développer notre raisonnement spatial!


    Glossaire

    Raisonnement spatial : Comment le cerveau traite la position et la forme de différents objets.

    Mathématiques : Un sujet relatif au nombre et aux quantités.

    Entraînement cognitif : Pratique ou répétition de certaines capacités de raisonnement dans le but de les améliorer.


    Références

    [1]  Verdine, B. N., Golinkoff, R. M., Hirsh-Pasek, K., Newcombe, N. S., Filipowicz, A. T., and Chang, A. 2014. Deconstructing building blocks: preschoolers’ spatial assembly performance relates to early mathematical skills. Child Dev. 85:1062–76. doi: 10.1111/cdev.12165

    [2]  Mix, K. S., Levine, S. C., Cheng, Y.-L., Young, C., Hambrick, D. Z., Ping, R., et al. 2016. Separate but correlated: the latent structure of space and mathematics across development. J. Exp. Psychol. Gen. 145:1206–27. doi: 10.1037/xge0000182

    [3]  Uttal, D. H., Meadow, N. G., Tipton, E., Hand, L. L., Alden, A. R., Warren, C., et al. 2013. The malleability of spatial skills: a meta-analysis of training studies. Psychol. Bull. 139:352–402. doi: 10.1037/a0028446

    [4]  Gilligan, K. A., Thomas, M. S. C., and Farran, E. K 2019. First demonstration of effective spatial training for near-transfer to spatial performance and far-transfer to a range of mathematics skills at 8 years. Dev. Sci. e12909. doi: 10.1111/desc.12909

    [5]  Cheng, Y. L., and Mix, K. S. 2014. Spatial training improves children’s mathematics ability. J. Cogn. Dev. 15:2–11. doi: 10.1080/15248372.2012.725186

    [6] Hawes, Z., Moriah Sokolowski, H., Ononye, C. B., and Ansari, D. 2019. Neural underpinnings of numerical and spatial cognition: An fMRI meta-analysis of brain regions associated with symbolic number, arithmetic, and mental rotation. Neurosci. Biobehav. Rev. 103:316–33. doi: 10.1016/j.neubiorev.2019.05.007

    [7]  Goffin, C., and Ansari, D. 2018. Can brain training train your brain? Using the scientific method to get the answer. Front. Young Minds 6:26. doi: 10.3389/frym.2018.00026

    Citation

    Gilligan K (2020) Make Space: The Importance of Spatial Thinking for Learning Mathematics. Front. Young Minds. 8:50. doi: 10.3389/frym.2020.00050

  • La Science des rêves

    Ce texte de Rebecca M.C.Spencer, publié dans Frontiers for young minds, en décembre 2019, a été traduit de l’anglais par S.Desmidt, Marie Palu et G. Dehaene-Lambertz.

    Résumé
    Les rêves sont une expérience courante. Certains sont effrayants, d’autres sont drôles. Des recherches récentes sur le fonctionnement du cerveau nous aident à comprendre pourquoi nous rêvons. D’étranges combinaisons d’idées dans nos rêves peuvent nous rendre plus créatifs et nous donner des idées qui nous aident à résoudre des problèmes. Ou bien, lorsque les souvenirs de la journée se répètent dans le cerveau pendant le sommeil, les souvenirs peuvent devenir plus forts. Les rêves peuvent également améliorer notre humeur. Ensemble, ces études montrent que les rêves et le sommeil sont importants pour bien fonctionner lorsque nous sommes éveillés.

    Quand elle avait 8 ans, ma fille m’a raconté un de ses rêves. Elle était dans un vaisseau spatial avec des animaux. Elle savait qu’elle était dans un vaisseau spatial dans son rêve, mais en me le racontant, elle a réalisé que le vaisseau spatial était en fait une machine à laver. Parfois, elle et les animaux étaient dans l’espace, mais ils revenaient aussi sur terre. Elle m’a raconté le rêve en riant, puis elle a continué sa journée, en ignorant les animaux et les vaisseaux spatiaux qui l’amusaient dans son sommeil.

    Puisque nous nous souvenons de nos rêves et que nous les oublions souvent, quel est leur but ? Pourquoi rêvons-nous des choses que nous faisons ? De nouveaux outils de recherche, en particulier ceux qui peuvent être utilisés pour étudier le cerveau, sont exploités pour répondre à ces questions.


    QUE SONT LES RÊVES ?

    Bien qu’il soit difficile de définir ce qu’est un rêve, pour les besoins de cet article, nous définirons les rêves comme nos pensées pendant le sommeil dont nous nous souvenons au réveil. Ainsi, les rêves pendant le sommeil ne sont pas la même chose que les “rêveries”. Les rêves sont principalement visuels (composés de scènes et de visages ; le son, le goût et l’odeur sont rares dans les rêves [1]). Les rêves peuvent varier de vraiment étranges à plutôt ennuyeux. Ce sont des clichés d’un événement récent.

    Pour étudier les rêves, les scientifiques ont besoin d’une mesure du rêve. La plupart des études utilisent des rapports sur les rêves (une personne écrit ses rêves lorsqu’elle se réveille) ou des questionnaires (une personne répond à des questions comme “De combien de rêves vous souvenez-vous au cours du dernier mois ? [2]). Les rêves sont plus susceptibles d’être rappelés lorsqu’une personne est réveillée d’un sommeil paradoxal. Le sommeil paradoxal est un type de sommeil nommé d’après les mouvements oculaires rapides (REM) qui peuvent être mesurés pendant ce stade du sommeil. Nous ne rêvons pas autant dans le sommeil non REM, les stades du sommeil qui composent le reste de la nuit, et les rapports de rêves du sommeil non REM sont souvent moins étranges.

    La fréquence des rêves (à quelle fréquence les rêves se produisent) et leur contenu (sur quoi portent les rêves) sont très différents pour chacun, et il existe de nombreuses raisons pour lesquelles cela peut être vrai. Par exemple, vous vous souviendrez davantage des rêves si vous êtes réveillé par quelqu’un ou par un réveil. Cela peut s’expliquer par le fait que vous pouvez encore vous rappeler de ce souvenir de rêve lorsqu’il est encore frais, mais si vous vous réveillez seul, vous passerez par quelques stades de sommeil et vous perdrez peut-être ce souvenir. Le souvenir des rêves change aussi avec l’âge. Les personnes âgées sont moins susceptibles de déclarer avoir rêvé. Cela pourrait également être lié à la mémoire : les personnes âgées ayant une mémoire plus faible, il se peut qu’elles rêvent mais ne puissent pas se souvenir de leurs rêves au moment de leur réveil. Une zone du cerveau appelée cortex préfrontal médian est également liée au rappel des rêves. Si cette zone du cerveau est endommagée, la personne se souvient de peu de rêves, ce qui peut signifier qu’elle rêve moins (ou pas du tout). De même, la manière dont les cellules cérébrales sont agencées de façon plus ou moins serrée dans le cortex préfrontal médian peut varier d’une personne à l’autre, ce qui peut amener certaines personnes en bonne santé à rêver plus ou moins que d’autres. Il existe également des gènes qui influent sur la quantité de sommeil paradoxal que les gens ont. Les personnes qui ont moins de sommeil paradoxal peuvent ne pas faire les rêves étranges qui ont tendance à se produire dans ce stade de sommeil. Ainsi, la durée de votre sommeil, votre âge et vos gènes peuvent tous expliquer pourquoi vous rêvez davantage ou moins que quelqu’un d’autre.

    Les rêves se produisent-ils réellement pendant le sommeil, ou s’agit-il d’idées qui nous viennent au réveil et que nous “sentons” simplement comme si cela s’était passé pendant le sommeil ? Une étude récente utilisant un type d’imagerie cérébrale appelé imagerie par résonance magnétique (IRM: pour en savoir plus, lisez l’article de Young Minds “Comment l’imagerie par résonance magnétique est-elle utilisée pour en savoir plus sur le cerveau ? [3]) a permis de répondre à cette question (figure 1A). Les scientifiques ont établi des cartes de l’activité cérébrale se produisant lorsque les gens regardent des images d’objets, lits, avions. Plus tard, les personnes de l’étude ont dormi dans l’appareil d’IRM. Les scientifiques ont fait correspondre le schéma de l’activité cérébrale des personnes pendant leur sommeil aux schémas d’activité cérébrale des images qu’ils avaient vues plus tôt, puis ont choisi la meilleure correspondance (figures 1B, C). Cette correspondance permettait de prédire ce que la personne disait avoir rêvé dans 60 % des cas. Bien que 60% ne soit pas parfait, c’est mieux que de deviner ! [4]. Cela signifie que les rêves sont créés dans le cerveau pendant le sommeil.

    Figure 1 – (A) L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est un moyen d’étudier le cerveau. La personne est allongée sur un lit à l’intérieur d’un aimant géant. (B) L’IRM permet de visualiser la structure du cerveau et les zones du cerveau qui sont actives. (C) L’IRM a été utilisée pour mesurer le rêve. Tout d’abord, alors que le participant était éveillé, il a vu des milliers d’images dans l’IRM. Cela permettait aux scientifiques de connaître les réactions spécifiques du cerveau à certaines images. Plus tard, lorsque le participant dormait dans l’IRM, les scientifiques ont mesuré les schémas d’activité cérébrale et les ont comparés aux réponses du cerveau aux images que le participant avait vues lorsqu’il était éveillé. Les scientifiques ont deviné que la meilleure correspondance leur permettrait de savoir à quoi le participant rêvait. En interrogeant le participant sur ses rêves à l’IRM, les scientifiques ont découvert que les rêves avaient tendance à correspondre aux images prédites par l’activité cérébrale




    LES RÊVES RENFORCENT LES SOUVENIRS

    Quel est le but de nos rêves ? Les chercheurs ont découvert que le sommeil est important pour la mémoire (voir cet article de Frontiers for Young Minds ; “Merci pour les souvenirs…” [5]).Les souvenirs passent d’un stockage temporaire dans l’hippocampe, une structure cérébrale très importante pour la mémoire à court terme, à un stockage permanent dans d’autres parties du cerveau. Les souvenirs sont ainsi plus faciles à mémoriser plus tard. Les souvenirs s’améliorent avec le sommeil car ils sont rejoués pendant le sommeil [6]. Si vous voulez apprendre tous les mots de votre scène préférée dans un film, vous pouvez revoir cette scène encore et encore. Le cerveau fonctionne de la même manière : les neurones (cellules cérébrales) qui sont actifs pour l’apprentissage sont à nouveau actifs et rejouent le matériel appris pendant le sommeil. Cela permet de stocker la mémoire de façon plus permanente.

    La répétition de la mémoire peut apparaître dans nos rêves. Les rêves en sommeil non-REM, où la plupart des rediffusions se produisent, contiennent souvent des personnes et des objets normaux provenant d’événements récents. Cependant, le sommeil passe du sommeil non REM au sommeil REM (voir figure 2). Ainsi, les rêves bizarres en sommeil paradoxal peuvent provenir d’une combinaison de nombreux souvenirs récents, qui ont été rejoués en sommeil non paradoxal, et s’emmêlent pendant le sommeil paradoxal. Si les rêves aident au traitement de la mémoire, cela signifie-t-il que vos souvenirs ne sont pas traités si vous ne rêvez pas ? Non. Les souvenirs sont stockés même si nous ne rêvons pas.


    Figure 2 – Il existe quatre types de sommeil – le sommeil REM (1ère ligne en violet) et trois stades de sommeil non REM (les 3 lignes suivantes, en bleu). REM (Sommeil paradoxal) signifie mouvements oculaires rapides, qui se produisent pendant ce stade du sommeil. Pendant le sommeil paradoxal, l’activité musculaire et cérébrale diffère également des autres stades du sommeil. Les caractéristiques des rêves ont tendance à être différentes pour chacun de ces stades de sommeil.


    LES RÊVES AMÉLIORENT LA CRÉATIVITÉ ET LA RÉSOLUTION DES PROBLÈMES

    Le rêve de ma fille d’un vaisseau spatial a donné une grande histoire qu’elle m’a récitée, et plus tard, à ses camarades de classe. Les images étaient intenses et intéressantes, ce qui l’a inspirée à dessiner des scènes dans un cahier et à écrire sur ce rêve pour l’école. C’est un exemple de la façon dont les rêves peuvent nous aider à être plus créatifs. Mary Shelley, l’auteur du livre Frankenstein, a eu l’idée de son livre à partir d’un rêve. Même les scientifiques tirent des idées des rêves [7].

    Pour mesurer la créativité en matière de résolution de problèmes, les scientifiques ont utilisé une tâche d’association à distance, dans laquelle trois mots sans rapport sont montrés, et la personne doit trouver un mot qu’ils ont en commun. Par exemple, EPOQUE, BÊTE et VIE semblent sans rapport jusqu’à ce que vous réalisiez qu’ils sont tous liés à BELLE, (la période historique “la belle époque“, le conte ou le film “la belle et la bête” et dans l’expression “avoir la belle vie !” (cf figure 3). Les scientifiques voulaient savoir si le sommeil aidait les gens à mieux s’acquitter de cette tâche. Ils ont constaté que les gens pensaient mieux à la solution à distance s’ils faisaient une sieste, en particulier une sieste avec sommeil paradoxal. Étant donné que le sommeil paradoxal est le moment où les rêves les plus étranges se produisent, cela confirme l’idée que ces rêves pourraient nous aider à trouver des solutions créatives aux problèmes [8].


    Figure 3 – Le sommeil paradoxal aide les gens à trouver des solutions créatives.
    Le matin, les participants ont effectué deux tâches pour tester la créativité et la résolution de problèmes (A). Ils ont fait de nouveau une tâche l’après-midi. Entre les deux, certains sont restés éveillés (groupe “réveil”) et d’autres ont fait une sieste. Ceux qui faisaient une sieste n’avaient pas de sommeil paradoxal dans leur sieste (groupe “nREM”) ou avaient à la fois du sommeil non paradoxal et du sommeil paradoxal (groupe “nREM + REM”). (B) Si les sujets sont restés éveillés entre les tests du matin et de l’après-midi (barre jaune), ils n’ont pas amélioré la tâche. Ils ne se sont pas non plus améliorés s’ils ont fait une sieste qui n’était que du sommeil nREM (barre bleu clair). Mais, s’ils ont fait une sieste à la fois en sommeil nREM et en sommeil paradoxal, ils ont mieux réussi l’après-midi que lorsqu’ils ont effectué la tâche le matin (barre bleu foncé). Ainsi, le sommeil paradoxal doit nous aider à trouver des solutions créatives (de Cai et al. [8]).


    Cette étude et ces recherches nous donnent des raisons de croire que les rêves de REM peuvent nous aider à être plus créatifs et à résoudre des problèmes. De nombreux souvenirs différents peuvent être activés en même temps et lorsque ces souvenirs sont mélangés, le résultat au réveil peut être à la fois le souvenir d’un rêve étrange et une perspective unique sur les problèmes.


    LES RÊVES RÉGULENT NOS HUMEURS ET NOS ÉMOTIONS

    Les rêves sont généralement émotionnels. Une étude a montré que la plupart des rêves sont effrayants, plein de colère? ou tristes.

    Les rêves peuvent sembler émotionnels simplement parce que nous avons tendance à mieux nous souvenir de moments chargés sur le plan émotionnel que de mots non chargés émotionnellement. Par exemple, dans la vie éveillée, le jour où vous avez eu un chiot est plus mémorable qu’une journée d’école normale. Ainsi, les rêves concernant des événements émotionnels peuvent être plus facilement mémorisés que les rêves ennuyeux et non émotionnels. Il est également possible que les rêves soient émotionnels car un des rôles des rêves est de nous aider à traiter les émotions de notre journée [9]. C’est peut-être la raison pour laquelle l’amygdale, une zone du cerveau qui réagit aux émotions lorsque nous sommes éveillés, est active pendant le sommeil paradoxal. Si vous avez eu une journée triste, vous êtes plus susceptible de faire des rêves tristes. Mais le sommeil améliore également l’humeur – le sommeil après un désaccord ou un événement triste vous rendra plus heureux.

    Les rêves pourraient également nous aider à nous préparer à des événements émotionnels, grâce à ce que l’on appelle la théorie de la simulation des menaces [10]. Par exemple, lorsque j’ai rêvé que ma jeune fille, qui ne savait pas nager, tombait dans une piscine, le souvenir de ce rêve m’a convaincu de l’inscrire à des cours de natation. En simulant cette situation effrayante, j’ai pu l’éviter en étant préparé.


    CONCLUSIONS

    Ces études nous montrent que le sommeil et les rêves sont importants pour nos émotions. En traitant nos émotions pendant le sommeil, nous pouvons être mieux préparés et de meilleure humeur le lendemain.
    Les scientifiques mesurent les rêves de différentes manières, depuis les questionnaires jusqu’à l’utilisation de l’IRM. Ces études nous montrent que l’activité du cerveau pendant le sommeil nous donne les rêves intéressants dont nous nous souvenons au réveil. Ces rêves nous aident à nous souvenir de certaines choses, à être plus créatifs et à traiter nos émotions.

    Nous savons que la plupart des enfants ne dorment pas assez. Certaines maladies (comme la maladie d’Alzheimer) font également que les gens dorment moins, tandis que d’autres (comme le trouble du comportement du sommeil paradoxal et les troubles de l’humeur) affectent directement les rêves. Il est important d’étudier le sommeil et les rêves pour comprendre ce qui se passe lorsque nous ne dormons pas assez et comment nous pouvons traiter les personnes atteintes de ces maladies.


    Glossaire

    Mouvements oculaires rapides (REM) : Un stade du sommeil dans lequel les yeux bougent rapidement et où il n’y a pas d’activité musculaire.

    Cortex préfrontal médian : Une zone spécifique à l’avant du cerveau qui est associée au rappel des rêves mais qui joue également un rôle dans la mémoire et la prise de décision.

    Imagerie par résonance magnétique (IRM) : Un outil utilisé pour prendre des photos des parties internes du corps (y compris le cerveau). L’IRM peut également être utilisée pour mesurer l’activité cérébrale.

    Hippocampe : Une zone du cerveau que l’on pense être importante pour la mémoire à court terme.

    Neurone : Cellule du système nerveux (cerveau et moelle épinière) qui peut transmettre des informations à d’autres cellules.

    Amygdale : Une zone du cerveau impliquée dans l’expérience des émotions.

    Théorie de la simulation des menaces : Une théorie du rêve qui dit que les menaces (les choses qui pourraient être mauvaises) sont simulées ou pratiquées dans vos rêves pour vous préparer à ces situations lorsque vous êtes éveillés.


    Références

    1.  Zandra, A. L., Nielsen, T. A., and Donderi, D. C. 1998. Prevalence of auditory, olfactory, and gustatory experiences in home dreams. Percept. Mot. Skills 87:819–26.

    2.  Schredl, M. 2002. Questionnaires and diaries as research instruments in dream research: methodological issues. Dreaming 12:17–26. doi: 10.1023/A:1013890421674

    3.  Hoyos, P., Kim, N., and Kastner, S. 2019. How Is Magnetic Resonance Imaging Used to Learn About the Brain? Front. Young Minds. 7:86. doi: 10.3389/frym.2019.00086

    4.  Horikawa, T., Tamaki, M., Miyawaki, Y., and Kamitani, T. 2013. Neural decoding of visual imagery during sleep. Science 340:639–42. doi: 10.1126/science.1234330

    5.  Davachi, L., and Shohamy, D. 2014. Thanks for the Memories.… Front. Young Minds. 2:23. doi: 10.3389/frym.2014.00023

    6.  O’Neill, J., Senior, T. J., Allen, K., Huxter, J. R., and Csicsvari, J. 2008. Reactivation of experience-dependent cell assembly patterns in the hippocampus. Nat. Neurosci. 11:209–15. doi: 10.1038/nn2037

    7.  Barrett, D. 2001. The Committee of Sleep: How artists, scientists, and athletes use dreams for creative problem-solving–and How You Can Too. New York, NY: Crown.

    8.  Cai, D. J., Mednick, S. A., Harrison, E. M., Kanady, J. C., and Mednick, S. C. 2009. REM, not incubation, improves creativity by priming associative networks. Proc. Natl. Acad. Sci. U.S.A. 106:10130–4. doi: 10.1073/pnas.0900271106

    9.  Cremone, A., Kurdziel, L. B. F., Fraticelli, A., McDermott, J., and Spencer, R. M. C. 2017. Napping reduces emotional attention bias during early childhood. Dev. Sci. 20:e12411. doi: 10.1111/desc.12411

    10.  Revonsuo, A. 2000. The reinterpretation of dreams: an evolutionary hypothesis of the function of dreaming. Behav. Brain Sci. 23:877–901. doi: 10.1017/s0140525x00004015


    Citation

    Spencer R (2019) The Science of Dreams. Front. Young Minds. 7:140. doi: 10.3389/frym.2019.00140

  • Des ZZZ aux AAA : Pourquoi le sommeil est crucial pour réussir à l’école ?

    Ce texte de Emma James, Ann-Kathrin Joechner et Beate E.Muehlroth, publié dans Frontiers for young minds en avril 2020, a été traduit de l’anglais et adapté par S.Desmidt, Marie Palu et G. Dehaene-Lambertz.

    Résumé
    Nous dormons tous. Alors que les adultes passent environ un tiers de leur temps à dormir, on dort encore plus quand on est jeune. Cela ne signifie pas que les enfants et les adolescents sont paresseux. En fait, c’est quand on ne dort pas suffisamment que l’on est fatigué, moins efficace et incapable de se concentrer. Non seulement on doit éviter ces conséquences d’un mauvais sommeil, mais on doit aussi favoriser le bon sommeil. Un bon sommeil restaure le corps mais aussi le cerveau, en lui permettant de se réorganiser après une journée bien remplie.

    Dans cet article, les auteurs examinent pourquoi le sommeil est particulièrement important pour la mémoire. La capacité d’apprendre et de se souvenir est extraordinaire pendant l’enfance et l’adolescence, le sommeil est donc particulièrement important à ces âges. Cet article explique les liens entre la maturation du cerveau et celle du sommeil et pourquoi le sommeil devrait être considérer comme très important à l’école.


    À mesure que l’on se rapproche d’un examen, on a parfois l’impression qu’il y a tant à apprendre et qu’il reste si peu de temps. Alors pourquoi perdre du temps au lit ? Rester debout tard pour passer un peu plus de temps à apprendre peut sembler tentant, mais le sommeil est vital pour le corps et le cerveau. Il vous maintient en bonne santé et vous redonne de l’énergie pour que vous soyez alerte et actif le lendemain. Le sommeil donne également au cerveau le temps de se remodeler en fonction de vos besoins et de vos expériences. Le sommeil n’est pas seulement important pour la maturation du cerveau mais également pour stabiliser les souvenirs. Les scientifiques ont montré que l’activité cérébrale pendant le sommeil permettait de mémoriser les nouvelles connaissances et de se préparer à de nouveaux apprentissages le lendemain. Tout ceci signifie que dormir est beaucoup plus efficace que d’essayer de passer une “nuit blanche” la veille d’un examen. Bien que cela soit important tout au long de la vie, le sommeil est beaucoup plus efficace pendant l’enfance et l’adolescence.

    Figure 1 – Comment nous mesurons le sommeil
    L’activité des neurones, des yeux et des muscles est mesurée à l’aide de capteurs (à gauche) et est affichée sur un écran d’ordinateur sous forme de lignes ondulantes (à droite). Pendant le sommeil léger (zone rose), les fuseaux (spindles en anglais) du sommeil sont visibles. Pendant le sommeil plus profond – autrement dit, le sommeil à ondes lentes – les muscles du menton se détendent (la ligne devient plus plate) alors que les courbes représentant l’activité cérébrale deviennent vraiment lentes et amples (ondes lentes). Pendant le sommeil paradoxal ou à mouvements oculaires rapides (zone bleue), l’activité musculaire est la plus faible, l’activité cérébrale s’accélère et les yeux commencent à faire des mouvements rapides en zigzag.


    LE CERVEAU ENDORMI

    Le cerveau endormi ne fait pas toujours la même chose. Une bonne nuit de sommeil passe par différents stades de sommeil. Ces stades sont classés en fonction des mouvements des muscles et des yeux, et de l’activité des neurones (les cellules du cerveau). Les scientifiques peuvent mesurer le sommeil en plaçant des capteurs à côté des yeux, sur le menton et sur la tête pendant que la personne dort (voir figure 1). Parfois, l’activité des neurones est très rapide et chaotique, et ressemble à l’activité du cerveau éveillé. Les yeux bougent rapidement mais les muscles sont extrêmement détendus. Il s’agit du sommeil à mouvements oculaires rapides (REM pour Rapid Eye Movement en anglais) ou sommeil paradoxal (car le dormeur est très détendu mais son cerveau très actif). Ce stade du sommeil est souvent associé à des rêves très vifs. Les autres stades du sommeil sont groupés ensemble sous le nom “sommeil sans mouvement oculaire rapide” (non-REM). Il comprend un stade de sommeil léger où sont observés des figures très reconnaissables sur l’électro-encéphalogramme: “les fuseaux du sommeil” (voir figure 1), et de sommeil profond où les neurones présentent une activité rythmique lente semblable aux gigantesques vagues de l’océan (figure 1), les ondes lentes. C’est pourquoi le sommeil profond non-REM est souvent appelé sommeil à ondes lentes. Les fuseaux du sommeil léger et les ondes lentes signalent un remodelage du cerveau, ce qui signifie que plus ces éléments sont présents, plus le cerveau se transforme.


    LE CERVEAU EN RECONSTRUCTION

    Le nouveau-né passe plus de temps endormi qu’éveillé. Mais plus l’enfant vieillit, moins il dort. Ce n’est pas seulement la quantité de sommeil qui diminue au cours du développement, mais aussi et surtout la balance entre les différents stades du sommeil. En général, en vieillissant, la proportion de sommeil paradoxal diminue tandis que la proportion de sommeil léger non-REM augmente (figure 2).

    Figure 2 – Comment le sommeil change au cours de la vie.
    Avec l’âge, on dort de moins en moins et l’équilibre entre sommeil paradoxal (REM) et sommeil non paradoxal (non-REM) se modifie pendant l’enfance: Plus les enfants vieillissent, moins ils passent de temps en sommeil profond, appelé aussi sommeil à ondes lentes (Adapté de Roffwarg et al. [1]. Reproduit avec la permission de l’AAAS). Le sommeil paradoxal correspond à la période du rêve. Il est appelé paradoxal car le corps est totalement mou mais le cerveau très actif quand on l’enregistre en électro-encéphalographie (EEG) et les yeux bougent beaucoup sous la paupière d’où son nom anglais REM pour Rapid Eye Movement.


    De la petite enfance à l’adolescence, le cerveau change énormément: des nouvelles connexions entre les cellules du cerveau s’établissent, les connexions dont vous n’avez pas besoin sont supprimées et la communication des informations le long des voies neuronales importantes s’accélère. Il est essentiel de noter que lorsqu’une partie spécifique du cerveau est en reconstruction, les neurones de cette région présentent une activité rythmique plus lente pendant le sommeil lent. En Suisse, par exemple, des scientifiques ont enregistré le sommeil de 40 enfants et jeunes adultes, et mesuré leurs performances pour certaines tâches [2]. Il ont noté que les ondes lentes du sommeil étaient plus puissantes dans la région du cerveau responsable des compétences que les participants apprenaient, puis qu’elles diminuaient dans cette région une fois la compétence acquise. Par exemple, à la fin de l’enfance, lorsque les enfants deviennent très forts pour exécuter des mouvements complexes, comme faire du vélo – avec même les mains libres -, les ondes lentes sont plus puissantes dans la région du cerveau responsable de l’exécution des mouvements. Lorsque les participants ont passé une IRM, les scientifiques ont vu également que la couche externe du cerveau dans la même région était plus mince. Ces modifications correspondent aux réglages de plus en plus précis que fait le cerveau pour effectuer des tâches plus efficacement.  Ces relations entre les ondes lentes, les compétences et la structure du cerveau font penser aux chercheurs que l’observation des rythmes lents pendant le sommeil pourrait aider à comprendre comment le cerveau se développe.

    Contrairement aux ondes lentes, qui diminuent avec la maturation du cerveau, les fuseaux du sommeil qui caractérisent le sommeil léger non-REM deviennent plus nombreux et plus rapides tout au long de l’enfance et de l’adolescence. Certains scientifiques pensent que cette accélération reflète une communication plus rapide et plus efficace entre les différentes parties du cerveau. Dans l’une des études d’Emma James, Ann-Kathrin Joechner et Beate E.Muehlroth, elles ont constaté que les enfants qui avaient connu la plus forte augmentation du nombre de fuseaux de sommeil sur une période de sept ans avaient obtenu de meilleurs résultats aux tests de quotient intellectuel à l’âge de 14-18 ans [3]. Malheureusement, nous ne savons pas encore exactement à quoi correspondent ces fuseaux et comment ils contribuent au développement du cerveau.

    De nombreuses études ont montré que le sommeil peut aider à vous souvenir des nouvelles choses que vous apprenez. Certaines études ont même montré que les souvenirs peuvent s’améliorer avec le sommeil, sans qu’il soit nécessaire d’étudier davantage ! Par exemple, des chercheurs de l’Université de York ont enseigné à des enfants de 7 à 12 ans de nouveaux mots le matin ou le soir [4]. Lorsque les chercheurs ont testé ce qu’ils avaient retenu 12 heures plus tard, ceux qui avaient appris le soir puis s’étaient endormis pouvaient se souvenir de plus de mots que les enfants qui restaient éveillés toute la journée. Ils se souvenaient même de plus de mots qu’avant d’aller se coucher. Comment est-ce possible ?

    Les scientifiques pensent que le cerveau possède deux systèmes d’apprentissage différents, un rapide et un lent. On peut comparer ces deux systèmes d’apprentissage au lièvre et à la tortue de la fable. Le lièvre s’élance très rapidement dans sa course contre la tortue. Heureux de ses progrès et sûr de gagner, il fait une sieste à mi-chemin, ce qui permet à la tortue lente et régulière de le dépasser et de gagner la course. Un premier système d’apprentissage dans le cerveau est rapide comme le lièvre: il vous aide à apprendre de nouvelles informations très rapidement pendant la journée et donne à l’information une longueur d’avance en mémoire. Le second système d’apprentissage est beaucoup plus lent et plus sage, comme la tortue, et relie soigneusement les nouvelles informations à ce que nous connaissons déjà. Ce système d’apprentissage lent est gagnant sur le long terme, car il garde les nouvelles informations pour le futur. Tout comme dans la fable, le système de mémoire de la “tortue” prend le relais pendant le sommeil, quand vous dormez.

    Quand vous apprenez, c’est d’abord l’hippocampe qui entre en jeu. C’est lui le lièvre (voir figure 3 et cet article). Pendant le sommeil lent, l’hippocampe répète les informations qu’il a apprises pendant la journée et les communique au néocortex qui apprend lentement. De nombreux scientifiques pensent que le cerveau produit une séquence très spécifique d’ondes lentes, de fuseaux de sommeil et d’ondes très rapides dans l’hippocampe, pour permettre à ces deux systèmes d’apprentissage de communiquer. Cette communication renforce les souvenirs fragiles de la journéeet les relie aux connaissances plus anciennes déjà stockées dans le néocortex [5]. Des scientifiques en Belgique ont montré que ce processus de renforcement de la mémoire peut se produire même pendant une sieste [6]. Ils ont enseigné aux enfants de 8 à 12 ans certaines significations “magiques” pour des objets fabriqués (par exemple, un objet peut voir à travers les portes, un autre peut arrêter la pluie), puis ont testé leur mémoire pour ces associations tout en mesurant l’activité cérébrale. Immédiatement après l’apprentissage, l’hippocampe réagissait aux significations apprises (les associations dont on parle dans cet article). La moitié des enfants ont ensuite fait une sieste de 90 minutes, tandis que l’autre moitié est restée éveillée. Lors d’un deuxième test de mémoire, seuls les enfants qui avaient dormi avaient une plus grande activité cérébrale corticale quant ils se souvenaient des significations des objets. Ainsi, même une courte sieste permet le renforcement de la mémoire et de faire gagner la tortue.

    Figure 3 – Comment le sommeil lent aide au stockage en mémoire.
    L’hippocampe (en marron), une petite structure située au fond du cerveau, est le système d’apprentissage qui permet d’acquérir rapidement de nouvelles connaissances. Pour s’assurer que ces nouveaux souvenirs sont stockés à long terme dans le cerveau, l’hippocampe les communique au néocortex (en vert) d’apprentissage lent, pendant le sommeil. En émettant une séquence d’ondes lentes (ligne verte), de fuseaux de sommeil (ligne rose) et d’ondes rapides (ligne marron), les deux régions se parlent, permettant aux nouvelles informations d’être reliées aux connaissances plus anciennes déjà présentes.


    ALORS, DORMEZ BIEN ET RÉVEILLEZ-VOUS EN PLEINE FORME !

    Vous savez maintenant que dormir n’est pas une perte de temps. Au contraire, le sommeil permet à vos souvenirs de se consolider et de rester pour être utilisés dans le futur. Le sommeil est essentiel pour permettre à votre cerveau de se réorganiser au fur et à mesure que vous grandissez et que vous découvrez le monde. C’est grâce au sommeil que vous vous souvenez de toutes les nouvelles choses que vous apprenez. À long terme, les enfants qui dorment davantage ont de meilleurs résultats scolaires et réussissent même mieux aux examens que les enfants qui restent éveillés tard pour réviser [7]. Gardez une place importante pour le sommeil et laissez votre cerveau faire le travail difficile pendant que vous vous détendez la nuit.


    Glossaire

    Neurones : Petites cellules nerveuses du cerveau qui stockent et transfèrent des signaux et des informations.

    Sommeil à mouvements oculaires rapides (REM) : Stade du sommeil au cours duquel les yeux bougent rapidement et les muscles sont extrêmement détendus, souvent associé à des rêves très intenses.

    Fuseaux du sommeil : Brèves périodes d’activité accrue dans le cerveau qui permettraient une communication efficace entre les différentes parties du cerveau.

    Sommeil à ondes lentes : Phase la plus profonde du sommeil non-REM, durant laquelle les neurones du cerveau présentent une activité rythmique lente (ondes lentes), que l’on pense importante pour le stockage durable des souvenirs.

    Néocortex : Les couches externes du cerveau qui sont censées stocker les connaissances à long terme.

    Hippocampe : Une structure cérébrale située au plus profond du cerveau qui permet un apprentissage rapide de nouvelles informations.


    Références

    [1]  Roffwarg, H. P., Muzio J. N., and Dement W. C. 1966. Ontogenetic development of the human sleep-dream cycle. Science 152:608.

    [2]  Kurth, S., Ringli, M., LeBourgeois, M. K., Geiger, A., Buchmann, A., Jenni, O. G., et al. 2012. Mapping the electrophysiological marker of sleep depth reveals skill maturation in children and adolescents. Neuroimage 63:959–65. doi: 10.1016/j.neuroimage.2012.03.053

    [3]  Hahn, M., Joechner, A.-K., Roell, J., Schabus, M., Heib, D. P., Gruber, G., et al. 2019. Developmental changes of sleep spindles and their impact on sleep-dependent memory consolidation and general cognitive abilities: a longitudinal approach. Dev. Sci. 22:e12706. doi: 10.1111/desc.12706

    [4]  Henderson, L. M., Weighall, A. R., Brown, H., and Gaskell, M. G. 2012. Consolidation of vocabulary is associated with sleep in children. Dev. Sci. 15:674–87. doi: 10.1111/j.1467-7687.2012.01172.x

    [5]  Wilhelm, I., Prehn-Kristensen, A., and Born, J. 2012. Sleep-dependent memory consolidation–what can be learnt from children? Neurosci. Biobehav. Rev. 36:1718–28. doi: 10.1016/j.neubiorev.2012.03.002

    [6]  Urbain, C., De Tiège, X., De Beeck, M. O., Bourguignon, M., Wens, V., Verheulpen, D., et al. 2016. Sleep in children triggers rapid reorganization of memory-related brain processes. Neuroimage 134:213–22. doi: 10.1016/j.neuroimage.2016.03.055

    [7]  Gillen-O’Neel, C., Huynh, V. W., and Fuligni, A. J. 2013. To study or to sleep? The academic costs of extra studying at the expense of sleep. Child Dev. 84:133–42. doi: 10.1111/j.1467-8624.2012.01834.x

  • Transport axonal : Le système de transmission maintient les cellules nerveuses en vie

    Ce texte de James N.Sleigh publié dans Frontiers for Young Minds en février 2020, a été traduit de l’anglais par S.Desmidt, Marie Palu et G. Dehaene-Lambertz.

    Résumé
    Les cellules sont un peu comme les villes, car elles ont toutes sortes de cargaisons différentes qui doivent être constamment transportées vers des destinations particulières. Ce processus de livraison est particulièrement important pour les cellules nerveuses, car elles ont une structure longue et fine en forme de tube appelée axone. Les cellules nerveuses doivent acheminer un large éventail de protéines et de structures spécialisées vers le haut et le bas des axones si elles veulent rester vivantes et en bonne santé. Les neurones utilisent pour cela un système de transport appelé transport axonal. Dans cet article, nous allons explorer ce qu’est le transport axonal et comment il fonctionne. Nous découvrirons également quelles sont les cargaisons dont les cellules nerveuses ont besoin pour se propager le long de leurs axones, et pourquoi cela est si important pour maintenir les nerfs en vie. Enfin, nous examinerons ce qui se passe lorsque le transport axonal se dérègle et nous verrons comment cela peut provoquer des maladies du système nerveux.


    INTRODUCTION

    Londres est la capitale bourdonnante du Royaume-Uni et elle est constamment animée par des millions de personnes qui vont d’un endroit à l’autre. Ce mouvement nécessite un réseau de transport sophistiqué et bien organisé, qui comprend près de 10 000 miles de routes.

    Les cellules du corps humain sont semblables à cette métropole trépidante, car elles doivent aussi transporter efficacement et simultanément de nombreuses substances différentes pour fonctionner correctement et survivre (figure 1). Le réseau de transport dans les cellules est constitué de structures appelées microtubules. Les microtubules servent de routes sur lesquelles circulent des véhicules appelés protéines motrices. Les protéines motrices transportent une variété de passagers, y compris des protéines et des structures spécialisées, là où elles sont nécessaires à l’intérieur de la cellule.

    Figure 1 – Les réseaux de transport dans des villes comme Londres sont similaires à ceux que l’on trouve dans les cellules. L’image de droite montre une cellule avec ses microtubules semblables à des routes, colorées en vert. Les passagers, tels que les structures cellulaires appelées mitochondries (colorées en rouge) sont transportés le long des microtubules par des véhicules cellulaires appelés protéines motrices. Le noyau, où l’ADN est conservé, est coloré en bleu

    Les cellules ont toutes sortes de formes et de tailles spécialisées en fonction de leur fonction. Cela est particulièrement vrai pour les cellules nerveuses, qui sont les cellules communicantes du cerveau et de la moelle épinière (figure 2) [1]. Également appelées neurones, les cellules nerveuses possèdent chacune une longue extension tubulaire appelée axone, qui est essentielle pour transférer rapidement des signaux sur de grandes distances (figure 2).

    Figure 2 – Les cellules nerveuses, également appelées neurones, sont des cellules de signalisation que l’on trouve dans le cerveau et la moelle épinière. Les nerfs périphériques sont des neurones situés dans la moelle épinière qui s’étendent sur de fines structures tubulaires appelées axones pour se connecter aux tissus du corps, comme les muscles. Les cellules nerveuses peuvent être divisées en trois compartiments de base : (1) le corps cellulaire, qui contient le noyau et l’ADN ; (2) l’axone, qui est une longue et fine extension capable de transmettre des signaux ; et (3) la pointe ou le terminal de l’axone, qui est en contact avec d’autres cellules.

    Les nerfs périphériques se trouvent dans la moelle épinière et prolongent leurs axones vers l’extérieur pour se relier à des parties du corps, comme les muscles. Les axones des nerfs périphériques peuvent mesurer plus d’un mètre de long chez l’homme adulte et jusqu’à 10 000 fois la longueur du corps cellulaire, qui est l’endroit où se trouve le noyau et où sont fabriqués la plupart des matériaux cellulaires (figure 2). Pour vous donner une idée de cette forme extrême, cet axone est l’équivalent d’une route de Londres qui commence au centre ville et qui s’enroule ensuite autour de l’équateur plus de 15 fois !

    Comme vous l’avez peut-être deviné, étant donné leur longueur et leur forme, les axones posent un défi majeur pour les nerfs, car certaines substances sont nécessaires à l’intérieur de l’axone à des points particuliers sur sa longueur, y compris jusqu’à la pointe. Alors comment les cellules nerveuses acheminent-elles efficacement les cargaisons là où elles sont nécessaires dans l’axone ?


    LE TRANSPORT AXONAL : DE QUOI S’AGIT-IL ET COMMENT FONCTIONNE-T-IL ?

    Le transport axonal est le processus par lequel les cellules nerveuses transfèrent des substances entre le corps cellulaire et la pointe/terminaison de l’axone. Axonal signifie tout ce qui a trait à un axone.

    Les cargaisons peuvent être livrées dans deux directions. Lorsque les substances se dirigent vers la pointe/terminaison de l’axone, on parle de transport antérograde, et lorsqu’elles se dirigent vers le corps cellulaire, on parle de transport rétrograde (Figure 3A). À tout moment, des milliers de cargaisons peuvent être acheminées dans les deux sens (figure 3B).

    Figure 3 – (A) Le transport axonal peut se produire dans deux directions : le transport antérograde se fait du corps cellulaire vers la pointe de l’axone, et le transport rétrograde se fait de la pointe de l’axone vers le corps cellulaire. (B) De nombreuses substances sont simultanément transportées le long de microtubules situés à l’intérieur des axones. Les protéines motrices dirigent ce transport en reliant les cargaisons aux microtubules et en utilisant l’énergie pour se déplacer. Notez que les mitochondries, les structures génératrices d’énergie dans la cellule, peuvent se déplacer dans les deux sens. (C) La kinésine des protéines motrices se déplace vers les extrémités positives des microtubules pour diriger le transport antérograde des cargaisons, telles que les mitochondries, vers la pointe de l’axone. La dynéine cytoplasmique est la protéine motrice rétrograde, qui déplace les cargaisons, telles que les autophagosomes, vers les extrémités négatives des microtubules et le corps cellulaire


    Les transports axonaux dépendent de trois éléments clés :

    1. Microtubules
    2. Machines de transport antérogrades
    3. Machines de transport rétrogrades.

    Les microtubules sont des structures longues et minces qui constituent les routes le long desquelles les cargaisons sont transportées dans toutes les cellules. Chaque microtubule possède une extrémité stable et non croissante, appelée extrémité négative, ainsi qu’une extrémité capable de croître, appelée extrémité positive.

    Dans le corps cellulaire, les microtubules forment des réseaux dont les extrémités négatives et positives peuvent être placées dans n’importe quelle position, de sorte que les matériaux peuvent être transportés dans toutes les directions. En outre, les microtubules du corps cellulaire sont dynamiques, ce qui signifie qu’ils peuvent facilement changer de longueur et de direction.

    En revanche, les microtubules à l’intérieur des axones sont plus stables, car ils doivent fournir des routes constamment entretenues pour permettre un transport efficace et à longue distance dans les deux sens. Une autre caractéristique spécifique des microtubules dans les axones est que leurs extrémités positives sont toutes dirigées vers la pointe de l’axone, et leurs extrémités négatives vers le corps cellulaire (figures 3B,C).

    Cette orientation uniforme est cruciale pour le transport axonal, car les véhicules, appelés protéines motrices, qui interagissent avec les cargaisons et utilisent l’énergie pour rouler sur des microtubules, ne se déplacent que dans un sens. Le transport antérograde vers la pointe/terminaison de l’axone nécessite la protéine motrice kinésine qui conduit vers les extrémités positives des microtubules (Figure 3C). Dans la direction opposée, le transport rétrograde dépend de la protéine motrice dynéine cytoplasmique, qui se déplace vers les extrémités négatives des microtubules et ramène les substances vers le corps cellulaire.


    QUELLES SONT LES CARGAISONS TRANSPORTÉES ET POURQUOI EST-CE IMPORTANT ?

    Les protéines motrices se déplacent le long de microtubules pour transporter de nombreux passagers. Les cargaisons qui sont transportées dans le sens antérograde sont généralement différentes de celles qui sont transportées dans le sens rétrograde. Cela s’explique par le fait que les deux processus remplissent des fonctions distinctes. Cependant, certaines cargaisons sont transportées dans les deux sens, par exemple les mitochondries, qui produisent de l’énergie pour les cellules.

    Cargaisons antérogrades

    Les protéines se présentent sous des milliers de formes avec des fonctions très diverses. Les protéines sont souvent nécessaires à des moments et à des endroits précis dans les nerfs, tant dans le corps cellulaire que le long de l’axone. Pour atteindre des points spécifiques de l’axone, y compris la partie terminale, les protéines doivent être transportées du corps cellulaire, où elles sont le plus souvent fabriquées, vers les microtubules positives (figure 3). Des protéines particulières le long de l’axone permettent aux cellules nerveuses de répondre à l’environnement local. Lorsque ces protéines ne sont pas transportées avec succès et qu’elles sont absentes de l’axone, la cellule nerveuse est incapable de fonctionner correctement, ce qui peut entraîner une détérioration et la mort de la cellule nerveuse.

    Deux autres cargaisons transportées vers le terminal de l’axone sont les vésicules, qui sont comme de petits sacs remplis de protéines ou d’autres substances, et les mitochondries, qui sont les structures qui fournissent une source d’énergie à la cellule. Si la livraison des mitochondries est perturbée, par exemple par une maladie ou un médicament, l’axone ne peut pas produire l’énergie dont il a besoin. Cela peut nuire à la fonction des cellules nerveuses et, dans des situations graves, l’axone ne peut pas produire l’énergie dont il a besoin.

    Cargaisons rétrogrades

    Les endosomes de signalisation sont des structures cellulaires qui transportent les signaux de survie des terminaux axonaux vers les corps cellulaires (figure 3B). Lorsqu’ils arrivent au corps cellulaire, les signaux de ces endosomes contribuent à la survie des cellules nerveuses, par exemple en augmentant la production de protéines qui aident les nerfs à fonctionner et à prospérer. Lorsque ce processus est perturbé, les cellules nerveuses sont plus susceptibles de mourir.

    Les autophagosomes (figures 3B, C) sont des structures spécialisées qui décomposent les substances endommagées et indésirables dans la cellule. Les autophagosomes collectent ces déchets à partir de l’axone et les acheminent vers le corps cellulaire, où les déchets peuvent être efficacement éliminés ou recyclés. Lorsque le transport des autophagosomes est perturbé, des substances potentiellement nocives peuvent s’accumuler dans les neurones.

    Des études en laboratoire ont montré que le transport axonal est important pour le développement, le fonctionnement et la survie de toutes les cellules nerveuses. Étant donné que de nombreuses cargaisons importantes sont transportées, les problèmes de transport axonal sont néfastes pour les cellules nerveuses.


    QUE SE PASSE-T-IL LORSQUE LE TRANSPORT AXONAL TOURNE MAL ?

    De nombreuses expériences en laboratoire indiquent que lorsque le transport axonal ne fonctionne pas correctement, les cellules nerveuses sont contrariées et peuvent mourir. Les recherches indiquent également que les défauts du transport axonal pourraient jouer un rôle dans la plupart des maladies du système nerveux, y compris la maladie de Huntington et la sclérose en plaques, qui sont décrites dans les précédents articles de Frontiers for Young Minds [2, 3].

    Cependant, certaines des preuves les plus convaincantes de ce qui se passe lorsque le transport axonal se dérègle et de son importance pour maintenir les cellules nerveuses en vie et en bonne santé proviennent directement des humains.

    Les informations nécessaires à la fabrication des microtubules et des protéines motrices se trouvent dans notre ADN, en bref, dans des segments spécifiques appelés gènes. Parfois, l’information contenue dans les gènes peut être endommagée et entraîner une mutation (pour plus d’informations sur les gènes et les mutations, voir [4]). Ces mutations peuvent entraîner une perte de la protéine fabriquée par un gène, ou aboutir à la production d’une forme défectueuse de la protéine. Les mutations dans les gènes provoquent toute une série de maladies.

    Il est prouvé que lorsque des mutations se produisent dans les gènes qui fabriquent les microtubules et les protéines motrices, elles peuvent provoquer des maladies chez l’humain qui affectent spécifiquement le système nerveux [5]. Cela suggère que lorsque le transport axonal est ralenti ou arrêté à cause de ces mutations de gènes, cela affecte la santé des cellules nerveuses et peut conduire à des maladies du système nerveux. Cela ressemble beaucoup à ce qui arriverait si vous bloquiez le réseau de transport à Londres et empêchiez les gens de se rendre là où ils doivent se rendre – ce serait un désastre !


    CONCLUSION

    De nombreuses cargaisons différentes sont transportées de haut en bas des axones des cellules nerveuses dans un processus appelé transport axonal. Ce système de transport est important pour le développement, le fonctionnement et la survie de toutes les cellules nerveuses, et il se dérègle souvent dans les maladies qui affectent le système nerveux.


    GLOSSAIRE

    Microtubules : Longues structures en forme de tige qui servent de routes le long desquelles les protéines motrices peuvent entraîner le transport axonal des cargaisons.

    Axone : Longue et fine extension tubulaire d’une cellule nerveuse qui est vitale pour le transfert rapide de signaux sur de grandes distances.

    Transport antérograde : Transport axonal du corps de la cellule vers le terminal de l’axone.

    Transport rétrograde : Transport axonal du terminal de l’axone vers le corps de la cellule.

    Kinésine : Protéine motrice qui entraîne le transport axonal de cargaisons dans la direction antérograde (vers le terminal axonal).

    Dynéine cytoplasmique : Protéine motrice qui entraîne le transport axonal de cargaisons dans la direction rétrograde (vers le corps cellulaire).

    Endosome de signalisation : Structure spécialisée qui se déplace de façon rétrograde le long des axones pour transmettre des signaux de survie au corps cellulaire.

    Autophagosomes : Une structure cellulaire spécialisée qui se déplace de manière rétrograde le long des axones pour délivrer des substances endommagées et indésirables au corps cellulaire en vue de leur dégradation et de leur recyclage.

    Références

    [1]  Ahuja, C. S., Khazaei, M., Chan, P., O’Higgins, M., and Fehlings, M. G. 2018. Making neurons from human stem cells. Front. Young Minds 6:27. doi: 10.3389/frym.2018.00027

    [2]  Berman, T., and Bayati, A. 2018. What are neurodegenerative diseases and how do they affect the brain? Front. Young Minds 6:70. doi: 10.3389/frym.2018.00070

    [3]  Caravagna, C. 2019. What is multiple sclerosis? Front. Young Minds 7:7. doi: 10.3389/frym.2019.00007

    [4]  Rose, A. M. 2018. Junk DNA and cancer: why the trash in your cells is very important. Front. Young Minds 6:37. doi: 10.3389/frym.2018.00037

    [5]  Sleigh, J. N., Rossor, A. M., Fellows, A. D., Tosolini, A. P., and Schiavo, G. 2019. Axonal transport and neurological disease. Nat. Rev. Neurol. 15:691–703. doi: 10.1038/s41582-019-0257-2

    Citation

    Sleigh J (2020) Axonal Transport: The Delivery System Keeping Nerve Cells Alive. Front. Young Minds. 8:12. doi: 10.3389/frym.2020.00012

  • Apprendre ! Les talents du cerveau, le défi des machines

    Notre cerveau possède, dès la naissance, un talent que les meilleurs logiciels d’intelligence artificielle ne parviennent pas encore à imiter : la faculté d’apprendre. Même le cerveau d’un bébé apprend déjà plus vite et plus profondément que la plus puissante des machines actuelles. Et cette remarquable capacité d’apprentissage, l’humanité a découvert qu’elle pouvait encore l’augmenter grâce à une institution : l’école. Au cours des trente dernières années, d’importants progrès ont été réalisés dans la compréhension des principes fondamentaux de la plasticité cérébrale et de l’apprentissage. Il est temps que chaque enfant, chaque adulte prenne la pleine mesure du potentiel énorme de son propre cerveau – et aussi, bien sûr, de ses limites. Le fonctionnement de la mémoire, le rôle de l’attention, l’importance du sommeil sont autant de découvertes riches de conséquences pour chacun d’entre nous. Des idées très simples sur le jeu, le plaisir, la curiosité, la socialisation, la concentration ou le sommeil peuvent augmenter encore ce qui est déjà le plus grand talent de notre cerveau : apprendre !

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  • Comment apprendre? La metacognition

    Comment développer le “connais-toi toi-même” chez les enfants?

    Un riche document du groupe de travail du conseil scientifique de l’Education Nationale (CSEN) sur la metacognition

  • The Developing Brain – Silvia Bunge

    Première vidéo d’une liste de conférences (en anglais) du Dr. Silvia Bunge sur le développement du cerveau.

  • Le cerveau ne s’arrête jamais

    Ce texte de S. Sadaghiani, publié dans Frontiers for young minds, 2014, a été traduit et adapté de l’anglais par P. Senez et G. Dehaene-Lambertz

    De façon similaire au cœur qui bat tout le temps, le cerveau n’arrête jamais son activité, même quand vous dormez à poings fermés ou pendant une anesthésie (un état où les médicaments bloquent les sensations, la conscience et les mouvements).

    Figure 1 : consommation d’énergie du corps au repos
    Figure 1 : consommation d’énergie du corps au repos

    Le cerveau est un grand consommateur d’énergie (20% de l’énergie corporelle) et environ un cinquième de ce que vous mangez est pour votre cerveau. Sur la figure 1, les zones noires montrent les parties du corps qui consomment beaucoup d’énergie au repos. Le cerveau apparait ainsi très sombre sur l’image. C’est aussi vrai pour le cœur, qui a également besoin de beaucoup d’énergie pour battre continuellement. Le cerveau apparait néanmoins plus noir car il utilise plus d’énergie que le cœur, les muscles squelettiques, ou n’importe quel autre organe.

    Pourquoi ? parce que son activité est permanente, qu’il soit engagé dans une tâche ou pas.  C’est ce qu’on appelle l’activité spontanée. Pour mieux comprendre cette activité cérébrale spontanée, il faut s’imaginer la surface d’un lac (Figure 2A). Quand une goutte de pluie tombe sur le lac, cela produit des ondes ou petites vagues qui déforment la surface. Cependant, la figure 2A est une image simplifiée. En réalité, la surface du lac ressemble plus à la photo en figure 2B. Elle n’est jamais complétement immobile, même avant qu’une goutte d’eau ne la frappe. Le vent et beaucoup d’autres facteurs agitent la surface. Les ondes anciennes interagissent avec les nouvelles, causant des nouvelles ondes qui changent encore de forme. Comme ces ondes sont diverses, la chute de la goutte va provoquer des ondes diffusant différemment dans toutes les directions. Les ondes causées par les gouttes vont donc dépendre de celles déjà présentes dans le lac à ce moment.

    L’activité cérébrale correspond aux vaguelettes à la surface du lac. Les informations qui atteignent le cerveau à travers les sens, sont les gouttes d’eau qui tombent sur le lac. Mais comme l’agitation à la surface du lac de la figure 2B, une activité incessante parcourt le cerveau, même avant que les informations sensorielles ne l’atteignent. De la même façon que le vent fait frémir la surface du lac, nos expériences précédentes ont modifié l’activité cérébrale spontanée, qui à son tour, modifie la réponse des neurones à l’arrivée de nouveaux signaux. Donc en fonction de ce qui se passe dans votre cerveau, le même signal pourra être perçu de manière différente.

    Figure 2 : L’activité cérébrale peut être comparée à des ondes ou des vagues à la surface d’un lac, jamais complètement immobiles et s’affectant les unes les autres.
    Figure 2 : L’activité cérébrale peut être comparée à des ondes ou des vagues à la surface d’un lac, jamais complètement immobiles et s’affectant les unes les autres.

    L’activité cérébrale spontanée change notre façon de voir.

    Regardez la figure 3A pendant un moment. Que voyez-vous? Votre vision alterne entre deux visages (les parties noires), et un vase (la partie blanche). Qu’est-ce qui détermine l’alternance entre ces deux images ? Pour étudier cette question, les chercheurs ont montré cette image ambiguë à des participants pendant un temps très bref de 150 millisecondes et pendant que leur activité cérébrale était mesurée dans un imageur à résonnance magnétique, communément appelé IRM (voir ici pour son fonctionnement). Les participants devaient immédiatement indiquer après chaque brève présentation s’ils avaient vu un vase ou bien des visages. La figure 3B montre l’activité cérébrale dans le gyrus fusiforme, une région sur la face inférieure du cerveau en arrière. Cette région traite les informations visuelles provenant de tous types d’objets, tels que les vases et les visages, mais elle répond beaucoup plus aux visages (voir l’article sur “la spécialisation des fonctions dans les cerveau humain”). La Figure 3C montre l’activité cérébrale observée dans cette région quand les participants voient l’image ambigüe. Si l’activité dans cette aire fait un grand pic, les participants rapportent voir un visage (courbe rouge). Si le pic d’activité est plus petit, ils rapportent voir le vase (courbe bleue). L’ovale jaune et hachuré dans la figure 3C met en valeur l’activité cérébrale spontanée juste avant que l’image ne soit présentée. Etonnamment, l’activité cérébrale qui précède l’image détermine quelle figure (visage ou vase) la personne reconnaitra quand elle regardera l’image. En effet, comme les ondes sur le lac, l’activité spontanée croit ou décroit légèrement dans toutes les régions cérébrales. Si elle est légèrement plus élevée dans la région des visages au moment où l’image est présentée, elle va biaiser la perception de cette image ambiguë dans le sens des visages. C’est une très belle démonstration de comment l’activité spontanée dans les différentes régions cérébrales affecte notre perception du monde.

    Figure 3 : L’activité en réponse à l’image ambigüe du visage-vase dans l’aire des visages du gyrus fusiforme («fusiform face area»), spécialisée dans le traitement du visage.
    Figure 3 : L’activité en réponse à l’image ambigüe du visage-vase dans l’aire des visages du gyrus fusiforme («fusiform face area»), spécialisée dans le traitement du visage.

    L’activité cérébrale spontanée change ce que nous entendons.

    Intéressons-nous à un autre exemple pour lequel notre perception varie d’une fois à l’autre. Imaginez que votre mère vous appelle du bas des escaliers. Même si vous  l’avez entendue et avez réagi le jour d’avant, vous ne l’entendrez peut-être pas cette fois ci. Comme pour la vision, l’activité cérébrale spontanée modifie la perception auditive.
    On peut là encore examiner ce phénomène avec l’IRM (figure 4). Dans cette expérience, un son est joué 2 fois par minute avec un volume très bas et à des moments aléatoires. La tâche des participants était de presser un bouton de réponse dès qu’il entendait le son. Le son était si faible que les participants parfois l’entendaient, parfois non. La figure 4A  montre une vue du côté droit du cerveau. La région auditive s’active quand les personnes entendent le son. La courbe de la figure 4B illustre l’activité cérébrale du cortex auditif durant 180 secondes. Les hauts parleurs et les flèches marquent l’activité cérébrale au moment où le son est présenté. Curieusement, il y a beaucoup de hauts et de bas dans cette courbe. Cela est dû à l’activité cérébrale spontanée. Notez que les pics d’activité en réponse au son semblent différents à chaque fois, même si le son lui ne change pas. Cela est dû à l’activité cérébrale spontanée à ce moment-là. La figure 4C compare l’activité du cortex auditif en réponse aux sons quand les participants ont détecté le son (courbe rouge) et quand ils ne l’ont pas entendu (courbe bleue). Bien évidemment, quand le cortex auditif répond avec un grand pic d’activité, le son est entendu mais regardez bien le niveau d’activité cérébrale avant que le son ne soit joué (ovale jaune hachuré). Elle est plus élevée quand la personne entend le son. Là encore, cette activité précédente va aider l’activité neurale engendrée par le son à passer le seuil de perception. Cela signifie que ce qui se passe dans votre cerveau avant que votre mère vous appelle à un effet sur la manière dont votre cerveau traite la voix de votre mère, et donc sur le fait que vous l’entendiez ou pas quand elle vous appelle.

    Figure 4: Activité dans le cortex auditif en en réponse à un son à la limite de la perception.
    Figure 4: Activité dans le cortex auditif en en réponse à un son à la limite de la perception.

    En résumé, les cellules du cerveau sont continuellement actives, même si elles ne sont pas occupées par des signaux spécifiques, des pensées ou des actions. Cette activité cérébrale spontanée, formée par nos expériences passées, influence la manière dont nous agissons et percevons le monde autour de nous à tout moment.

    References

    [1] Raichle ME. Two views of brain function. Trends in Cognitive Sciences. 2010 Apr;14(4):180–90.

    [2] Hess S, Blomberg BA, Zhu HJ, Høilund-Carlsen PF, Alavi A. The pivotal role of FDG-PET/CT in modern medicine. Acad Radiol. 2014 Feb;21(2):232-49.

    [3] Hesselmann G, Kell CA, Eger E, Kleinschmidt A. Spontaneous local variations in ongoing neural activity bias perceptual decisions. Proc Natl Acad Sci U S A. 2008 Aug 5;105(31):10984–9.

    [4] Sadaghiani S, Hesselmann G, Kleinschmidt A. Distributed and Antagonistic Contributions of Ongoing Activity Fluctuations to Auditory Stimulus Detection. J Neurosci. 2009 Oktober;29(42):13410–7.

  • Cerveau. L’Expo neuroludique de la Cité des Sciences et de l’Industrie

    Quelles sont les étapes de la construction d’un cerveau ? D’où viennent ses compétences uniques ? Comment le cerveau nous permet-il d’interagir avec les autres ? S’appuyant sur les avancées les récentes des neurosciences et de l’imagerie cérébrale, ce catalogue de C3RV34U, l’expo neuroludique à la Cité des sciences nous révèle l’organisation et le fonctionnement de notre cerveau qui est probablement l’objet le plus complexe de l’univers.

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  • Une excellente initiative!

    Un journal scientifique pour les enfants, malheureusement en anglais (Nous essaierons de traduire quelques articles) : Frontiers for young mind

    comme par exemple le cerveau ne s’arrête jamais de Sepideh Sadaghiani, traduit par Philomène Senez

  • Un cerveau pour apprendre!

    Pendant très longtemps, le cerveau de l’enfant est resté une boite noire. En effet, après que Broca ait découvert en 1861 que Mr Leborgne avait perdu la parole parce qu’il avait une lésion dans la région frontale gauche1, les connaissances sur le cerveau ont rapidement progressé chez l’adulte en reliant les symptômes que les patients présentaient, aux lésions cérébrales découvertes à l’autopsie. Heureusement, les enfants sont en bonne santé. Il a donc fallu attendre le développement de l’imagerie cérébrale non invasive pour étudier comment le cerveau de l’enfant pouvait apprendre à parler, à lire ou à calculer.

    L’imagerie cérébrale

    Actuellement, l’électro- ou la magnéto-encéphalographie permettent de suivre de milliseconde en milliseconde comment l’information traverse le cerveau. L’imagerie par résonnance magnétique nous permet de voir les régions actives dans une tâche et de tracer les faisceaux qui lient les différentes régions cérébrales.

    Nous pouvons employer ces techniques dès le plus jeune âge, chez le fœtus ou le prématuré. Les recherches se multiplient chez l’enfant et révolutionnent notre connaissance du cerveau.

    L’enfant n’est pas une argile modelée par l’environnement. Il est actif dans son apprentissage

    A travers ces études, l’enfant n’apparait pas passif face à son environnement mais actif dans son apprentissage. Il ne subit pas son environnement, il le prévoit, et ce dès la naissance. Nous comprenons mieux comment la culture tire profit des contraintes cérébrales et comment le cerveau humain se dote de nouvelles capacités comme la lecture ou la musique en s’appuyant sur nos capacités naturelles. Ces études éclairent également les mécanismes subtils qui peuvent être altérés dans des pathologies développementales comme la dyslexie ou la dyspraxie, et comment la maturation très hétérogène et prolongée du cerveau humain peut expliquer les particularités de la cognition du nourrisson, de l’enfant et de l’adolescent. Enfin, comprendre comment le cerveau, cet organe si complexe, se développe nous donne des clés indispensables pour comprendre le fonctionnement cérébral de l’adulte. Tel sont les défis que nous espérons résoudre dans les prochaines années grâce à l’imagerie cérébrale.

  • Le Développement Du Cerveau

    Comment fabriquer une machine à apprendre ? Comment disposer des cellules et les connecter pour créer de la pensée ? Quel genre de calcul doivent-elles faire pour comprendre un poème de Rimbaud, une équation différentielle ou prévoir de construire un vaisseau spatial pour aller sur Mars ? Tout cela est réalisé par un ensemble de 100 milliards de neurones disposés en six couches dans la substance grise à la périphérie du cerveau et connectés par un assemblage de fibres entre neurones voisins mais aussi éloignés de plusieurs centimètres. La mise en place de cette structure est complexe et gouvernée par un jeu subtil de signaux chimiques et électriques entre neurones mais aussi avec les cellules gliales, cellules longtemps considérées comme purement de soutien et dont on commence aujourd’hui à découvrir leur importance dans le fonctionnement cérébral.

    Quels sont les éléments essentiels que nous connaissons sur le développement du cerveau?

    CourbePC
    Le développement du cerveau est très rapide pendant les premiers mois de vie. Il suffit pour s’en convaincre de regarder une courbe de périmètre crânien dans le carnet de santé. Le périmètre croit de 14 cm pendant les 2 premières années de vie pour seulement 7 cm dans les 16 années suivantes.

    Cette croissance est liée pendant les derniers mois de la grossesse à la mise en place progressive des neurones à la périphérie du cerveau pour former le cortex (ou substance grise), et à la multiplication des contacts des neurones entre eux d’une part grâce à leurs dendrites dans le cortex lui-même, et d’autre part à distance grâce à leur long axone. Ces axones qui relient les neurones de différentes régions cérébrales se regroupent en faisceaux quDeveloppementi constituent la substance blanche. A la naissance à terme, toute cette structure est en place et la croissance cérébrale est liée ensuite essentiellement à l’épaississement des fibres dans la substance blanche par la gaine de myéline. Cette gaine de myéline se constitue progressivement autour de la plupart des axones et permet une accélération de la transmission nerveuse. L’arborescence dendritique devient également de plus en plus exubérante et éloigne progressivement les neurones des uns des autres dans la substance grise. Dans la figure à droite, nous voyons la myélinisation très réduite et la pauvreté des prolongements dendritiques chez un nouveau-né par rapport à un adulte.

    La multiplication des contacts, ou synaptogénèse, est un des moyens d’apprentissage du cerveau. Elle consiste en une multiplication aléatoire des synapses suivie d’une disparition des moins utilisées. Cette prolifération/élimination conduit progressivement à un raffinement des connections et à une stabilisation du parcours de l’information. Ce processus se poursuit bien sûr tout au long de la vie mais est particulièrement intense pendant les premiers 20 ans, période dont nous profitons pour envoyer les enfants à l’école !

    Le cerveau n’est pas un ordinateur

    Deux concepts sont essentiels pour comprendre le développement cérébral: Premièrement, le cerveau n’est pas une structure informe qui attend d’être modelé par l’environnement comme cela est souvent pensé. Il possède une organisation fonctionnelle complexe dès les premiers moments où on peut le regarder fonctionner, c’est à dire vers le 6ième mois de grossesse alors que les neurones sont encore en train de migrer vers leur emplacement définitif. Les réponses à des syllabes sont par exemple étonnement similaires chez l’adulte, l’enfant et le prématuré trois mois avant le terme2. Le cerveau a souvent été comparé à un ordinateur. Il est vrai que cerveau et ordinateurs sont des « calculateurs » mais contrairement à l’ordinateur, toutes les régions cérébrales ne font pas la même chose. La structure des connexions et la direction du flux d’information contraignent le type de calculs qui sont faits à une localisation cérébrale donnée. L’imagerie cérébrale a permis de saisir cette organisation complexe présente très tôt chez le foetus et le prématuré. Par exemple, les neurones ne sont jamais au repos et leur activité varie de façon synchrone à travers de larges régions cérébrales. Cette activité synchrone se traduit en imagerie par des variations lentes du signal sensible au taux de deoxyhemoglobine dans les vaisseaux qui irriguent le cortex. Chez l’adulte, plusieurs grands réseaux ont ainsi été isolés (visuel, auditif, sensori-moteur, exécutif, …). Ces réseaux sont retrouvés avant terme, très similaires à ceux de l’adulte. Ce n’est donc pas le monde extérieur qui va organiser le cerveau mais c’est son organisation particulière qui va lui permettre de tirer efficacement profit de son environnement.

    Sa maturation n’est pas uniforme

    La deuxième caractéristique du cerveau humain est non seulement son développement très étalé dans le temps, s’étendant sur les quinze premières années de vie, mais l’importante hétérogénéité de cette maturation cérébrale. Maturation Les régions primaires ont une maturation rapide. Les régions visuelles primaires atteignent ainsi l’état adulte à la fin du premier trimestre de vie alors que les régions frontales et pariétales poursuivent leur développement jusqu’à la fin de la puberté. Ces régions interviennent dans la planification des actions, dans le contrôle exécutif, dans la réflexion et l’apprentissage explicite. Du fait de ce décalage important dans la maturation, on a longtemps pensé que ces régions qui interviennent dans des opérations cognitives abstraites n’étaient pas ou peu utilisées chez le nourrisson. L’imagerie cérébrale a révélé que ce n’était pas le cas. Ces régions participent très tôt à la pensée du bébé mais sont extrêmement lentes. Par exemple, nous avons montré que les réponses de prise de conscience d’un stimulus du monde extérieur que l’on voit vers 300 ms chez l’adulte, sont trois fois plus lentes à 12 mois (900 ms) et encore plus lentes à 5 mois3. La maturation cérébrale va contribuer à une accélération de ces réseaux, permettant à l’enfant d’être de plus en plus en contrôle de ce qui se passe autour de lui.

    Le cerveau ne décalque pas le monde, il essaye de le prédire

    L’observation de l’activation des régions frontales chez le nourrisson et même avant terme remet donc en cause la conception d’un apprentissage du bas vers le haut où les régions de plus haut niveau ne commenceraient à apprendre que quand les régions plus primaires seraient efficaces. Au contraire, elle s’accorde mieux avec les nouvelles hypothèses sur le fonctionnement cérébral. Au lieu de concevoir le cerveau comme réagissant aux stimuli extérieurs, les hypothèses actuelles font plutôt de cet organe, un instrument de prédiction. Notre cerveau calculerait en permanence ce qui doit se passer en fonction de ce qui s’est passé jusque-là, et c’est l’erreur de prédiction qui permettrait l’apprentissage. Ces systèmes prédictifs seraient présents à tous les niveaux de la hiérarchie cérébrale, depuis les régions les plus primaires jusqu’aux régions les plus abstraites. Ces concepts révolutionnent notre vision du développement cérébral en postulant que les régions de haut niveau pourraient apprendre avant les régions de bas niveau et même guideraient et faciliteraient l’apprentissage de ces régions. Nos recherches chez le nourrisson sont donc tout à fait concordantes avec ces théories.

    En conclusion

    Nous sommes encore loin de comprendre comment le cerveau humain se développe mais le développement de nouvelles techniques d’imagerie cérébrale, que l’on peut utiliser sans danger chez l’enfant même le plus jeune, nous ouvre enfin la possibilité d’étudier la complexité de la mise en place de cette formidable machine à apprendre qu’est le cerveau humain. Nous sommes à l’aube d’une période fascinante où ces recherches devraient pouvoir éclairer comment la pensée humaine se construit.

  • Nous avons choisi pour vous une série de sites qui expliquent comment fonctionne le cerveau et comment se produit l’apprentissage.

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  • Le cerveau, un organe complexe

    Le cerveau

    Le cerveau représente 2% du poids de notre corps (environ 1400g chez l’adulte) mais consomme 20 à 30% de l’énergie corporelle.

    cortex
    cortex

    Il est protégé des rudesses du monde extérieur par les os du crâne et par un liquide dans lequel il baigne : le liquide céphalo-rachidien qui circule à son pourtour dans les méninges, et à l’intérieur dans les ventricules.

    Dans notre crâne se trouvent également le cervelet sous le cerveau et en arrière, et le tronc cérébral qui est le relais entre le cerveau et la moelle épinière.

    Le cerveau est constitué de deux hémisphères, le droit et le gauche. Sa surface est plissée (ces plissements sont appelés circonvolutions cérébrales) et présente de nombreux sillons. Ces sillons ne sont pas aléatoires mais se retrouvent chez tous les êtres humains. Ils se forment pendant la fin de la grossesse. Le sillon central et la scissure de Sylvius permettent de délimiter des régions cérébrales (ou lobes) : la région frontale est en avant du sillon central et derrière le front, la région pariétale se situe en arrière de ce même sillon, la région temporale est sous la scissure de Sylvius (derrière l’oreille) et la région occipitale se situe tout à l’arrière de la tête.

    Scissure de Sylvius
    Scissure de Sylvius

    Les neurones

    Si on fait une coupe du cerveau, on remarque un ruban gris qui borde la surface. C’est la substance grise ou cortex. C’est là que sont convenablement rangées, réparties sur 6 couches, les cellules nerveuses, ou neurones. L’épaisseur de ce ruban est de 1.5 à 4.5 mm suivant les régions chez l’adulte, et le cortex occuperait déroulé une surface de 0.22 m2 (approximativement quatre feuilles grand format).

    Les neurones envoient leurs prolongements, ou axones, vers l’intérieur du cerveau. Comme ces prolongements apparaissent plus clairs sur la coupe, ils constituent ce qu’on appelle la substance blanche. Ces axones relient une région cérébrale à une autre, se dirigent vers l’extérieur pour acheminer les commandes motrices ou amènent au cerveau les informations sensorielles. Les yeux transmettent ainsi leurs informations aux régions occipitales, à l’arrière de la tête, les nerfs auditifs aux régions temporales, derrière les oreilles. Les régions motrices, qui commandent nos mouvements, et les régions tactiles, qui ressentent le contact sur la peau, se trouvent au centre de la tête de chaque côté du grand sillon qui sépare les régions frontales à l’avant et les régions pariétales à l’arrière (le sillon central). Ces grands faisceaux sensoriels et moteurs sont croisés, c’est-à-dire que l’hémisphère gauche commande le côté droit du corps, et reçoit les informations tactiles du côté droit.

    Vue de l’hémisphère gauche d’un bébé. Le sillon central (en rouge) sépare le lobe frontal et le lobe pariétal. La scissure de Sylvius sépare les lobes frontaux et pariétaux du lobe temporal et s’étend de l’avant du lobe temporal jusqu’à l’extrémité supérieur du planum temporale (en vert). Le gyrus de Heschl (en rouge) se trouve devant le planum temporale et contient l’aire auditive primaire. Le sillon temporal supérieur est en bleu. Dans le lobe frontal, les sillons en vert délimitent l’aire de Broca.
    Vue de l’hémisphère gauche d’un bébé avec quelques uns des sillons représentés en couleur. Ce sont ceux bordant les régions du langage. Le sillon central (en rouge) sépare le lobe frontal et le lobe pariétal. La scissure de Sylvius sépare les lobes frontaux et pariétaux du lobe temporal et s’étend de l’avant du lobe temporal jusqu’à l’extrémité supérieur du planum temporale (en vert). Le gyrus de Heschl (en rouge) se trouve devant le planum temporale et contient l’aire auditive primaire. Le sillon temporal supérieur est en bleu. Dans le lobe frontal, les sillons en vert délimitent l’aire de Broca.

     

    Un stock de neurones fixe

    Chaque humain possède environ 10 puissance 11 neurones. Contrairement à la plupart des autres cellules du corps, comme celles de la peau, de l’intestin, etc., les cellules nerveuses ne se régénèrent pas sauf dans quelques régions cérébrales comme l’hippocampe et le lobe olfactif. Notre stock de neurones est donc fixe et si nous perdons des neurones, à cause d’une lésion cérébrale par exemple, ils ne seront pas remplacés. Chaque neurone est connecté avec de nombreux autres neurones et on répertorie entre 1000 à 10 000 connexions par neurone. Ceci constitue donc un vaste réseau jamais inactif dans lequel les messages circulent sous forme électrique dans le neurone et sous forme chimique entre neurones.
    Si un neurone est excité, un influx nerveux, ou potentiel d’action, se propage le long de la membrane du neurone. Arrivé à une zone de connexion avec un autre neurone, ou synapse, l’influx nerveux ne peut passer le fin interstice qui sépare les cellules, il va donc déclencher la libération de neurotransmetteurs. Ces molécules traversent la fente synaptique et vont se lier de l’autre côté à des récepteurs spécifiques. Si le neurotransmetteur est excitateur, il déclenche un potentiel d’action dans le neurone suivant. S’il est inhibiteur, il empêche l’excitation de ce neurone.

    Comme chaque neurone du cerveau est connecté avec un grand nombre de neurones, il reçoit en permanence à chacune de ses connexions des neurotransmetteurs excitateurs et inhibiteurs, ces informations diverses sont intégrées et la somme des informations excitatrices et inhibitrices détermine si le neurone réagit ou non.

    Tous les neurones ne sont pas connectés avec tous les autres, il existe des réseaux de connections privilégiées, soit du fait du plan général de construction de notre cerveau soit qui se sont établies après un apprentissage particulier. Et même au sein d’un réseau de connections établies, certains passages peuvent être favorisés dans une tâche et inhibés dans une autre. C’est pourquoi on parle de réseaux de neurones dynamiques, un peu comme dans un vaste réseau téléphonique où M. parle avec N. et O. mais la minute suivante M. se désintéresse de ce que fait O. car il écoute maintenant Z. D’ailleurs O., sous les ordres de J., est en train de réveiller P. L’activité dans ces réseaux n’est jamais interrompue même quand nous dormons. Il faut en permanence assurer que notre corps fonctionne (qu’il respire, qu’il mange lorsque cela est nécessaire par exemple), intégrer ce que nos yeux voient, nos oreilles entendent, nos mains prennent, prévoir l’avenir et méditer sur le passé (avez-vous bien pensé au cadeau d’anniversaire de votre maman ?), inventer ce que personne n’a encore fait (n’est-ce pas messieurs et madame Bach, Gandhi ou Curie!). C’est le délicat équilibre entre entrées et sorties de chacun de nos neurones qui nous fait bouger, sentir, et penser.

    Le but des neurosciences est de comprendre le fonctionnement cérébral et grâce au développement de l’imagerie cérébrale, nous pouvons désormais voir le cerveau travailler “en direct” mais nous sommes bien loin de ce qu’imaginaient les caricaturistes du siècle dernier …

  • Principe d’adaptation au niveau de l’enfant

    L’approche que nous proposons se base sur les connaissances actuelles sur l’apprentissage. C’est un canevas qui permet d’informer l’action pédagogique mais qui ne doit pas être suivi de façon mécanique. Le bon enseignant n’est pas celui qui parcourt les pages d’un manuel sans se préoccuper de savoir si les élèves suivent, mais celui qui propose, jour après jour, des défis adaptés au niveau des enfants et les entraîne en douceur au-delà de leurs connaissances actuelles. C’est à ce prix que l’enfant reste stimulé mais pas découragé, avec toujours le sentiment de progresser.

    Détecter les difficultés, adapter les exercices

    La stratégie que nous préconisons repose sur l’adaptation permanente des exercices au niveau des enfants :

    • Si tel enfant meurt d’envie de lire un mot compliqué, pourquoi ne pas lui expliquer dès maintenant plutôt que dans trois mois ? À condition de prendre le temps de lui donner, rationnellement, toutes les explications dont il a besoin, en suivant les principes énoncés plus haut.
    • À l’inverse, si les enfants n’ont pas compris comment la combinaison d’une consonne et d’une voyelle donne une syllabe, n’allons pas plus loin et concentrons-nous sur cette difficulté centrale, en variant les exemples.7

    Evaluer régulièrement les compétences

    L’évaluation régulière des compétences est indispensable pour ajuster l’enseignement aux besoins de l’enfant. C’est pourquoi un bon enseignant doit régulièrement évaluer chaque enfant par de petits tests.

    La recherche en psychologie expérimentale démontre que l’enfant lui-même est le premier bénéficiaire de ces tests : il progresse en se rendant compte, par lui-même, de ce qu’il ne sait pas. C’est l’auto-évaluation, préalable indispensable à un apprentissage autonome, où l’enfant lui-même choisit d’approfondir les sujets qu’il ne maîtrise pas.

    S’adapter à une classe hétérogène

    On objectera, à juste titre, qu’il n’est pas facile de mettre en œuvre ces idées lorsque l’enseignant doit faire face à une classe nombreuse et hétérogène.

    • Souvenons-nous d’abord que la classe entière peut bénéficier de travaux collectifs destinés aux élèves moins avancés – la répétition est la clé de la routinisation.
    • Une autre solution passe par l’autonomie des enfants : dans certaines écoles inspirées par Maria Montessori, chaque enfant choisit des exercices individuels qu’il réalise ensuite seul, à son propre rythme. Le fait de se fixer soi- même, chaque semaine, des objectifs ambitieux, constitue déjà une excellente pédagogie.
    • Enfin, toute école digne de ce nom devrait réserver des périodes spécifiques au soutien individuel des enfants en difficulté. Leur rattrapage maintient la cohésion de la classe et garantit donc la possibilité même de maintenir une pédagogie de groupe, tout au long de l’année.
  • Principe d’engagement actif, d’attention et de plaisir

    Comment faciliter au maximum l’apprentissage? Les recherches en neurosciences ont identifié plusieurs facteurs qui modulent la vitesse de l’apprentissage et la durée de la mémoire :

    L’engagement actif de l’enfant

    • Pour apprendre rapidement, l’enfant doit être sollicité, engagé, actif. L’apprentissage est le plus efficace lorsque l’enfant, sollicité par une question ou un exercice, essaie de générer de lui-même une réponse (à haute voix ou mentalement).

    L’attention

    • Faire attention à un aspect du monde extérieur amplifie massivement l’activation cérébrale qu’il évoque. Lorsqu’elle est orientée vers le bon niveau de codage de ce qui doit être appris, l’attention accélère l’apprentissage. Apprendre, c’est aussi apprendre à faire attention.

    Le plaisir

    • L’apprentissage est facilité lorsque l’enfant est récompensé de ses efforts. Aucun enfant n’est insensible aux récompenses matérielles ni aux bonnes notes. Cependant, le regard des autres est une motivation plus importante encore. Le sentiment d’être apprécié ou admiré, la conscience que l’enfant a de progresser, de réussir quelque chose qui lui paraissait difficile, apportent leur propre récompense.

    Nos recommandations

    En résumé, l’enseignant doit proposer un environnement motivant, où l’enfant est actif, trouve du plaisir à apprendre, se sent autorisé à faire des erreurs (qui sont rapidement corrigées), et où il est toujours récompensé de ses efforts.

    Les activités doivent être ludiques et faire appel, par exemple pour la lecture, à des jeux de rimes, des comptines, des « mots tordus », etc. Elles doivent stimuler la participation et la créativité de l’enfant.